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Économie / Culture - Mai 2009

La loi Hadopi et la gratuité des musées

La contradiction n'a pas dû apparaître manifeste à nos dirigeants, mais à partir du 4 avril 2009, les musées et monuments nationaux seront gratuits pour les moins de 26 ans (ressortissants de l'Union européenne) et les enseignants, en ce qui concerne les collections permanentes. Les expositions temporaires restent payantes. Le coût de cette mesure devrait se monter à 27 millions d'euros par an. Dans un premier temps, la gratuité avait été envisagée pour tous, et des études avaient montré l'augmentation de la fréquentation. C'était sans doute trop simple, et trop coûteux (200 millions).

Le problème de cette mesure est qu'elle confirme l'idée générale que la culture doit être gratuite. Au parlement, le débat de la loi Hadopi sur les droits d'auteur veut signifier exactement le contraire. Le problème est simple, comme toujours. La gratuité n'existe pas. Les professionnels de la culture ne sont pas des bénévoles. La seule différence est que les personnels des musées sont payés en général par l'État ou les collectivités locales, alors que la musique est en général une activité gérée par le privé. Il n'en est pas de même dans les autres domaines de la culture où le principe de la subvention est généralement considéré comme une chose naturelle.

Cette particularité de la culture ne veut pas dire qu'il ne doit pas exister une relation entre la production et la consommation. La solution la plus simple est justement que toutes les activités culturelles soient payantes. Sinon, cela signifie que ceux qui consomment les biens culturels sont arrivés à convaincre tout le monde de payer pour eux dans l'intérêt général. Et plus concrètement, la gratuité dans les musées fait diminuer leur autonomie de gestion.

Le problème est simple. C'est toujours celui qui paye qui détermine l'importance d'une activité. Soit c'est le consommateur, soit c'est l'État ou un sponsor privé qui fournit le financement. Si ce n'est pas le consommateur qui décide de ce qu'il consomme, c'est que quelqu'un décide pour lui. C'est le problème avec la culture. Car il y règne toujours l'idée que le consommateur doit être éduqué. Mais le public correspond toujours au marché de son temps avec ses différents niveaux de compétence. En particulier, l'augmentation de la fréquentation des musées par « les classes populaires » grâce à la gratuité est biaisée par le fait que ceux qui vont au musée sont simplement les classes populaires cultivées. C'est l'idée que les classes populaires sont ignorantes qui est fausse. Les personnes avantagées par cette gratuité sont satisfaites, mais le paiement par les consommateurs permet aussi de créer un marché et offre des débouchés à ces personnes cultivées. Il est vrai qu'au chômage, on a un peu plus de temps pour la culture, mais ce n'est pas forcément la situation normale.

Sur le marché, ce sont les professionnels qui doivent convaincre le public. Les professionnels de la culture ont tendance à céder à la facilité de chercher la sécurité d'une dotation régulière. Mais c'est aussi le risque. Car ils doivent alors convaincre des personnes qui concentrent tous les pouvoirs, alors que d'autres concurrents veulent aussi bénéficier des largesses des puissances publiques ou privées en se revendiquant de l'intérêt général. Celui qui décide ce qu'est l'intérêt général, sans un contrôle minimal par le consommateur, a simplement réussi à imposer son goût ou son idéologie personnelle, ou l'idéologie collective du moment. On en est là dans de nombreux domaines.

C'est pour cela qu'il faut que le consommateur paye ce qu'il consomme. L'illusion de la gratuité peut séduire. Mais cela signifie simplement que le consommateur paye par un autre moyen sans décider lui-même ce qu'il consomme. On peut toujours objecter que sa consommation peut être déterminée par les influences de ceux qui contrôlent le marché. C'est donc bien d'influence qu'il s'agit. Et c'est aux professionnels de défendre la qualité en refusant des productions médiocres. C'est le rôle de la critique et du libre débat dans le système. Car les professionnels ne vont pas se plaindre de jouir de rentes de situation.

Mais au final, il faut bien que ce soit le public qui contrôle sa consommation. On sait que le risque de démagogie est la limite classique de la démocratie. L'autre alternative est la dictature d'une élite. L'idée selon laquelle une aristocratie bienveillante veillerait à la qualité culturelle est une illusion récurrente. Mais, la concurrence exacerbée qui règne dans le milieu artistique dément cette imbécillité. Ce n'est même pas la peine de souhaiter la compétition puisqu'elle est constitutive du marché des biens culturels. L'idéologie élitiste correspond simplement à la stratégie de ceux qui n'arrivent pas à suivre le mouvement. Et l'effet institutionnel est toujours une plus grande concentration des pouvoirs quand ils arrivent à convaincre les consommateurs. Ce qui n'est pas non plus une exception dans le domaine culturel.

Jacques Bolo

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