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Culture / Cinéma - Mai 2025

Christian-Jaque, Fanfan la Tulipe (1952)

Résumé

Les aventures amoureuses et guerrières de Fanfan la Tulipe, recrue bondissante de l'armée de Louis XV, dans un épisode de la guerre en dentelle.

Fanfan la Tulipe ; Scénario : René Wheeler et René Fallet, adapté par Christian-Jaque, René Wheeler et Henri Jeanson, avec les dialogues de Henri Jeanson ; Réalisateur : Christian-Jaque ; Production : Alexandre Mnouchkine ; Musique : Maurice Thiriet et Georges van Parys ; Avec : Gérard Philipe, Gina Lollobrigida, Noël Roquevert, Olivier Hussenot, Marcel Herrand, Nerio Bernardi, Jean-Marc Tennberg, Jean Parédès, Geneviève Page, Georgette Anys, Sylvie Pelayo, Irène Young, Henri Rollan, Lucien Callamand, Hennery, Lolita De Silva, Jean Debucourt, Joe Davray, Gérard Buhr, Jacky Blanchot, Gil Delamare, Georges Demas, Guy-Henry, Harry-Max, Paul Violette, Françoise Spira.

J'ai voulu revoir le film, que je n'avais pas revu depuis les années 1970, surtout pour comparer avec les films d'action actuels. J'ai profité de l'occasion d'une rediffusion sur Arte, chaîne culturelle qui semble spécialisée dans les nanars du cinéma, tous les débuts d'après-midi en semaine.

Adeline (Gina Lollobrigida), la fille du sergent recruteur de l'armée de Louis XV, déguisée en bohémienne, prédit à Fanfan (Gérard Philippe) qu'il se couvrira de gloire et épousera la fille du roi. Ça tombe bien, peu après s'être engagé, il sauve justement la fille du roi, sans le savoir dans un premier temps, attaquée dans son carrosse par des brigands. Ce qui séduit la fausse bohémienne à qui Fanfan en veut depuis qu'il a compris la supercherie. Arrivé à la caserne, il a du mal à accepter la discipline dont il ne comprend pas l'intérêt et finit au cachot, dont il s'échappe. Ce faisant, il se met à dos le sergent « Fier-à-bras » (Noël Roquevert), lui-même amoureux d'Adeline, qui veut donc d'autant plus se débarrasser de Fanfan et manque d'y parvenir définitivement. S'ensuit une série de poursuites et de péripéties tandis que Fanfan essaie de revoir la fille du roi et de récupérer Adeline enlevée par l'homme de main de sa majesté.

Ce petit film est devenu mythique par ses acteurs, surtout après la mort de Gérard Philippe, décédé en 1959 juste avant ses 37 ans, sorte de James Dean français. Le support de Gina Lollobrigida, star de l'époque, pour cette coproduction, et du truculent Noël Roquevert, ne font pourtant pas de cette distraction foisonnante de dialogue un grand classique du cinéma. Ça reste une forme de théâtre (vraie légitimité, à l'époque, des acteurs comme Gérard Philippe). Le cinéma se manifeste surtout par les cavalcades et quelques duels bondissants, dans la tradition des films de cape et d'épée depuis le cinéma muet. Le genre prospérait, dans les années 1950, avant un retour futuriste avec les Jedi de Star Wars, en 1977 et séquelles suivantes.

On peut constater que les aventures du soldat Fanfan relèvent plus des Bidasses en folie (1974) que de la grande histoire, malgré les commentaires en voix off pour prétendre entretenir une illusion documentaire. Les personnages historiques qui font des apparitions dans cette comédie burlesque jouent simplement les utilités. La construction du scénario est étonnante par contraste avec les prétentions scolaires propres aux films et séries télé de l'époque. Les péripéties militaires héroïques de Fanfan ne sont pas celles d'un individu dans la grande histoire, comme Les Sentiers de la gloire (1957) de Kubrick, avec son réalisme pourtant trop hollywoodien. On n'a pas affaire non plus, malgré ses déboires entre les lignes de combats des belligérants, à une sorte de Fabrice del Dongo de La Chartreuse de Parme de Flaubert, qui est supposé ne pas comprendre ce qui se passe sur le champ de bataille, par opposition à ceux qui définissent la stratégie. Notons qu'inversement, Jean Norton Cru (1879-1949) avait considéré, dans ses livres, Témoins (1929) et sa version abrégée Du Témoignage (1930), que l'expérience du combattant (en 1914-1918) donne une compréhension de la situation réelle (contrairement au commandement à l'arrière). Il ne s'agit pas non plus seulement d'un bricolage de l'histoire comme dans les Trois mousquetaires de Dumas.

Ici, l'action s'approprie complètement la grande histoire pour la mettre à son service. La relation aux événements se manifeste surtout par une forme d'opposition populaire flambarde écervelée contre l'absurdité et le cynisme caricatural des puissants dans cet épisode de la guerre en dentelle. On remarque d'ailleurs que Louis XV en personne (Marcel Herrand) trimbale donc sa fille (Sylvie Pelayo) et la Pompadour (Geneviève Page) dans ses campagnes militaires pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763) ! Les scénaristes n'avaient pas peur du ridicule. La fin sera la cerise sur le gâteau.

Jacques Bolo

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