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Culture / Cinéma - Mars 2025

Agnès Varda, Cléo de 5 à 7 (1962)

Résumé

Après-midi parisien de Cléo, qui attend les résultats de ses analyses pour savoir si elle a un cancer.

Cléo de 5 à 7 ; Scénario : Agnès Varda ; Réalisatrice : Agnès Varda ; Production : Georges de Beauregard et Carlo Ponti ; Musique : Michel Legrand ; Avec : Corinne Marchand, Loye Payen, Dominique Davray, Jean Champion, Jean-Pierre Taste, Renée Duchateau, Lucienne Marchand, José Luis de Vilallonga, Michel Legrand, Serge Korber, Dorothée Blanck, Raymond Cauchetier, Antoine Bourseiller, Robert Postec - et le film muet : Anna Karina, Jean-Luc Godard, Émilienne Caille, Eddie Constantine, Sami Frey, Georges de Beauregard, Danièle Delorme, Yves Robert, Alan Scott, Jean-Claude Brialy

Je croyais avoir déjà vu ce film, mais ce n'était pas le cas. Les films d'Agnès Varda sont toujours originaux et celui-ci ne déroge pas à l'anomalie.

Cléo, chanteuse connue, attendant dans l'angoisse les résultats de ses analyses médicales pour savoir si elle a un cancer, vaque à ses occupations habituelles sans que son entourage soit informé de son état. Le spectateur est complice de cette anxiété face à la frivolité, peut-être trop appuyée, de ce milieu musical des années 1960. Spécialement pour les inconnus que Cléo rencontre, ils n'ont effectivement pas à être au courant de la situation. Après tout, chacun de nous peut aussi croiser de nombreuses personnes avec un cancer, une maladie grave ou tout autre problème sérieux plusieurs fois par jour. La fiction semble induire un jugement moral, qui n'a pas lieu d'être, outre la description progressive des états d'âme du personnage.

Tout commence par la visite à une voyante qui cache à Cléo l'annonce de très mauvais augure prédite par les cartes. Le spectateur, en tout cas, est averti dès le début : la voyante se confie immédiatement après à un compère (le secret médical n'existe pas dans les sciences occultes). Il est aussi possible que la simple évocation du cancer équivaille, à l'époque, à une condamnation à mort dans l'imaginaire populaire : on n'osait alors même pas prononcer le mot (d'où l'autre superstition : « Ne parlons pas de malheur »). On a un peu oublié ce verdict impitoyable parce que la médecine a fait des progrès depuis. Dans le film, ce présage ésotérique funeste explique aussi sans doute l'omniprésence de superstitions de l'époque, du miroir brisé (« sept ans de malheur ») à une injonction répétée, pas son assistante, d'une superstition que je ne connaissais pas, qui consiste à ne pas porter de vêtements neufs le mardi ! J'ai pourtant connu cette époque, au moins sur sa fin. C'était sans doute un truc de filles. Mais je n'ai pas oublié la surabondance de proverbes ou superstitions qui étaient le fond de la culture populaire d'alors. Ça revient à la mode aujourd'hui, justement à l'aide des fictions (j'ai parlé ailleurs de l'abus de légendes par les scénaristes dans la série de téléfilms policiers « Meurtres à... [une ville de province] », outre l'autre facilité narrative de liens inutiles entre les personnages).

Les pérégrinations parisiennes de Cléo, malgré de belles images, sont quand même un peu froides dans ce film de Varda. Sans doute faut-il y voir un écho du détachement médical... On remarque au passage que la réalisatrice filme les gens dans la rue sans autorisation. C'était une autre époque – et la nouvelle vague. Le style d'Agnès Varda est très personnel, où les personnages sont souvent déphasés. L'impression qui subsiste est finalement moins l'anecdote du drame personnel de Cléo (ou l'allusion à la guerre d'Algérie) que surtout un très long reportage plaisant sur le Paris de cette époque. La vie et le spectacle continuent.

Une autre originalité du film est l’insert d’un court métrage muet burlesque, pour illustrer une rêverie d’un personnage, avec une brochette de représentants de la nouvelle vague, dont Jean-Luc Godard.

Jacques Bolo

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Varda, Cléo de 5 à 7
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