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Conneries / Écologie / Internet - Avril 2018

L'affaire du fennec végan

Résumé

Un fennec apprivoisé rachitique est-il végan ? L'écologie est-elle dénaturée ?

Internet a été le théâtre d'un buzz à propos d'un fennec squelettique et maladif dont une jeune espagnole, Sonia Sae, avait mis la photo en ligne. Les internautes ont été scandalisés parce qu'elle le nourrissait végan comme elle et qu'ils considéraient que ce régime était la cause de son état morbide. La fille a été l'objet d'une campagne contre elle.

Une certaine Aline C a lancé cette pétition adressée à Vicente Pérez Pérez, général de la Guardia Civil : « Either feed Jumanji the Fennec Fox a proper diet or remove it from Sonia Sae's care » [soit donner à Jumanji le fennec une alimentation adaptée, soit le retirer de la garde de Sonia Sae]

« Sonia Sae, a vegan vlogger and alleged animal advocate is imposing her plant based diet on Jumanji, the Fennec Fox she bought. She refuses to listen to anyone telling her to feed him a proper diet better suited its species. She is not suited for caring after him and should either feed him a proper diet or have him removed from her care. »
[Sonia Sae une blogueuse véganne et soi-disant défenseuse des animaux impose son alimentation végétarienne à Jumanji, le fennec qu'elle a acheté. Elle refuse d'écouter quiconque lui dit de le nourrir avec un régime approprié à son espèce. Elle n'est pas apte à s'occuper de lui et, soit elle devrait donner à Jumanji le fennec une alimentation adaptée, soit on devrait le retirer de la garde de Sonia Sae]

Sonia s'est défendue de maltraiter son petit animal, en disant que son aspect était dû à une allergie au polen pour laquelle il était soigné et qu'il allait déjà mieux. Elle a mis une vidéo en ligne où elle contre-attaque (I'm that girl who feeds her fox vegan. The truth about Jumanji [Je suis cette fille qui nourrit végan son renard. La vérité sur Jumanji]). Un de ses arguments est que ceux qui la critiquent ne s'intéressent pas aux animaux, mais se servent de ce prétexte pour critiquer les végans, sinon ils combattraient pour la cause animale.

Au contraire, on peut se demander si cette affaire n'est pas un coup monté à double détente pour défendre la doctrine véganne. Car après tout, c'était normal de s'inquiéter initialement et c'est logique de considérer que le régime en est la cause. L'argument de Sonia est au moins de mauvaise foi. Les gens qui mangent de la viande peuvent posséder des animaux domestiques habituels (chien, chats, hamster, oiseau, poisson rouge, etc.), bien les traiter et être défenseurs des animaux eux-mêmes. Ce n'est pas la peine de faire semblant de ne pas le savoir. D'autant que beaucoup de ceux qui ont critiqué Sonia Sae ont aussi considéré qu'il ne faut pas posséder d'animaux sauvages comme le fennec, même en provenance d'élevages.

Mais le véritable problème du principe végan appliqué aux animaux, sauvages en particulier, est ailleurs. C'est un trait fréquent de cette sorte d'écologie-cartoons où les animaux humanisés sont gentils et ne se mangent pas entre eux. C'est une dérive du Tom-and-Gerrisme où la petite souris parvient toujours à échapper au matou (avec la variante de Titi qui a « cru voir un gros minet »). On en est même aujourd'hui aux gentils tyrannosaures... Ça va trop loin !

La réalité animale est bien plus classique et vouloir convertir les animaux au véganisme est une absurdité. C'est bien parce que les citadins se sont éloignés de la nature qu'ils ont progressivement été dégoûtés par l'abattage des animaux qui était plutôt l'occasion de réjouissances collectives dans le passé. Mais même cela n'est pas très important.

La réalité, est que le régime carné fait partie de l'équilibre naturel global. On peut toujours s'amuser à nourrir de légumes un fennec apprivoisé particulier. Ça peut quand même relever de la maltraitance parce qu'on ne leur demande pas leur avis. Mais si les fennecs ou autres prédateurs ne mangent pas les rongeurs et les insectes dans leur milieu naturel, et si les lions ne mangent pas les gnous ou les gazelles, ces herbivores divers vont proliférer et détruire complètement le couvert végétal et toute la vie sur terre.

Je n'ai même pas parlé des insectes ou des microbes qui s'attaquent à l'homme ou aux autres animaux. On peut penser qu'ils vont être encore plus durs à convaincre, même si on peut évidemment élever exceptionnellement des moustiques ou cultiver des souches bactériennes (généralement pour les besoins de la science). Mais faudrait arrêter un peu de déconner !

Jacques Bolo

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