EXERGUE
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Femmes / Internet - Janvier 2018

Affaire Weinstein reloaded

Résumé

L'affaire Weinstein, un harcèlement sexuel dans le milieu du cinéma, a été dénoncée grâce aux réseaux sociaux. Mais, après un emballement médiatique, un manifeste publié par cent femmes sous le titre provocateur de « Nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle » a déclenché une polémique visant tout particulièrement Catherine Deneuve qui l'avait signé. Le point essentiel était la critique de la stratégie de victimisation. Il faut préciser explicitement le cadre spécifique des relations sexuelles pour comprendre vraiment le phénomène.

La dénonciation des harcèlements sexuels répétés de la part du producteur de cinéma Harvey Weinstein a déclenché une campagne mondiale de dénonciation des harceleurs grâce aux réseaux sociaux, avec les hashtags #balancetonporc et #metoo. C'est assez logique puisqu'Internet procure une audience universelle immédiate qui a l'avantage, dans ce genre de circonstances, d'empêcher d'étouffer l'affaire au bénéfice exclusif du harceleur. C'est une situation nouvelle. On l'avait déjà caractérisée comme la fin de la vie privée et la fin du secret de l'instruction pour les affaires pénales (« le public a le droit de savoir » comme on dit dans les films). C'est la réalisation concrète du village global dont parlait le spécialiste des médias Marshall McLuhan (1911-1980) dans les années 1960.

Bizarrement, certains ont tout de suite considéré qu'il s'agissait de délation, avec le sens particulier que prend ce mot en France, comme si dénoncer des harceleurs ou des violeurs équivalait à une dénonciation de juifs sous le nazisme. Cette analogie simplement verbale repose sur une limitation du vocabulaire au symbolique. La dénonciation de scandales en général correspond plutôt à la question des lanceurs d'alerte, avec le même problème de protection de celles ou ceux qui ouvrent leur gueule ou qui résistent aux plus puissants qu'eux. La catégorisation sociologique correcte à laquelle il faut faire face est celle de l'omerta qui règne dans certains milieux officiels ou professionnels en particulier.

Le seul vrai problème est la dénonciation calomnieuse. L'Internet est aussi devenu un moyen de harcèlement habituel, spécialement entre jeunes, en donnant une audience générale aux ragots et aux vengeances privées, que certains s'empressent de répercuter méchamment. On peut aussi craindre qu'une simple blague sur des sujets sexuels soit prise au mot par les réseaux sociaux et soit amplifiée démesurément sans possibilité de revenir en arrière et reste en ligne éternellement. On a constaté aussi des cas d'erreurs sur la personne dans des dénonciations sur Internet (récemment dans le cas d'une manifestation de racistes aux États-Unis). Ce phénomène peut s'augmenter de certains qui s'identifient aux victimes en inventant des agressions imaginaires. Cela s'est vu récemment sur les questions d'antisémitisme et de racisme et on a même vu des cas de faux déportés.

Cette dernière dérive résulte en partie d'un procédé narratif un peu trop utilisé (dans les fictions américaines) d'appuyer une argumentation générale par une expérience personnelle. J'ai personnellement démasqué, dans un commentaire de la grande époque de Rue89 (qui servait de lieu de propagande aux trolls fachos), le cas d'un internaute qui prétendait avoir été témoin d'attentat du FLN pendant la Guerre d'Algérie, alors qu'il n'était pas né à cette époque selon les informations qu'il donnait dans d'autres interventions. Outre cette mauvaise foi militante, l'époque actuelle est à l'autofiction qui montre un rapport biaisé à la conceptualisation. On peut regretter l'époque positiviste qui se méfiait de la subjectivité, avec ses avantages et ses inconvénients.

Évidemment, il faut aussi éviter d'extrapoler l'idée de harcèlement à tous les hommes ou à toutes les personnes de pouvoir dans une sorte de complotisme toujours implicite. Quand il s'agit de possibles incriminations juridiques, bien circonstancier les faits permet d'éviter le sensationnalisme médiatique et l'exploitation politicienne qui créerait de nouveaux stéréotypes. Trop généraliser fait perdre des dimensions utiles pour comprendre et analyser les phénomènes. Notons ici que certains imbéciles, contre la sociologie, ont d'ailleurs dit récemment encore que « comprendre c'est excuser ». On a les noms ! Ceux qui leur accordent crédit ne valent pas mieux.

Pauvre Weinstein !

Outre la possibilité que Weinstein ait été accusé à tort, ce qu'il faut toujours envisager au départ et dans ce cas je serais le premier à regretter d'avoir mêlé son nom à cette affaire, il faut bien admettre qu'il a quand même des excuses (puisqu'on en parlait ci-dessus). Déjà, avec sa tronche, il ne lui reste plus que le harcèlement... Je sais : « pas le physique ! », mais en matière de sexualité, le physique, ça compte. On ne va pas faire semblant de parler d'autre chose.

Est-ce que je veux donc dire que les moches ont le droit de harceler ? « Je n'excuse pas, j'explique ! », comme dirait un personnage de Michel Audiard. Dans le cas Weinstein, selon ce qu'on en sait, cela semble bien relever d'une pathologie. Avec les moyens du type, s'il n'est pas capable de séduire une gonzesse en l'invitant au restau et en lui jouant le grand jeu (il peut prendre des cours avec un coach californien), c'est que ça va mal dans sa tête. On parle toujours de la réalité, non ? On peut vouloir que la justice le condamne en évacuant la possibilité de plaider la folie. Dans les séries américaines, le procureur dit que l'accusé « savait qu'il faisait le mal » et qu'il est donc responsable. Outre le trait culturel américain de refuser l'excuse d'irresponsabilité (ce qui n'est pas très prudent dans leur cas), on sait que ce ne sont que des effets de manches, tout autant que l'ancien cliché de la défense, un peu passé de mode, invoquant l'enfance malheureuse. On n'est pas plus avancé dans un cas comme dans l'autre.

Comme autre excuse de Weinstein, il faut bien admettre que le cinéma est une mise en scène presque exclusive de la sexualité, des comédies romantiques aux films pornos, en passant par les drames correspondants à la question des violences ou des crimes sexuels. Les vedettes féminines surtout sont considérées comme les idéaux physiques sexuellement désirables du moment. C'est sans doute davantage un « effet de position » que la réalité objective parce qu'il existe d'autres standards que ceux qui sont valorisés, mais c'est le résultat final qui compte. Or, ce sont bien des gens comme Weinstein qui sélectionnent les vedettes féminines ! Cela revient donner les clés du placard à confitures à Toto en lui interdisant d'y toucher. Weinstein est-il censé résister ? Dans des cas de ce genre, les films américains ont tendance à parler d'« homme marié », et on connaît des cas réels (comme celui de Clinton) où des célébrités s'excusent ensuite publiquement de leur adultère, leur épouse légitime à leur côté. Ça fait rire toute la planète. Bref, la chair est faible et j'ai vu tous les films.

Du coup, Weinstein peut plaider la folie, mais il peut plaider aussi que les actrices sont censées coucher avec les producteurs pour respecter les usages de la profession. Certains ou certaines en profitent, d'un côté ou de l'autre. Dans « promotion canapé », le mot important est « promotion » parce que les autres n'ont pas le rôle. On ne va pas faire brusquement semblant de s'en étonner puisqu'on parle de cinéma. Marilyn Monroe (1926-1962) y est passée et elle a pourtant fait de bons films. Ça peut être tentant.

En fait, peut-être qu'il ne faut pas coucher pour réussir, mais si certain(e)s le croient, d'autres en profitent. Apparemment, le problème de Weinstein est plutôt d'avoir tenté le coup systématiquement de manière pas très subtile. Mais les actrices ne sont pas obligées de se laisser faire et elles peuvent l'envoyer chier, comme des témoignages de stars le démontrent après-coup. Je m'aperçois qu'« après-coup » est une expression malheureuse, mais je vais la laisser (c'est mon côté Charlie).

Il s'est avéré en effet que la réputation de Weinstein était faite et que le problème, si problème il y a (puisque ça n'en posait donc pas vraiment auparavant), est plutôt qu'il ne fallait pas le dire ou qu'il aurait fallu le dire mais qu'on ne le disait pas. Certaines vedettes de cinéma ont voulu se racheter en faisant une variante de la confession publique précédente. Elles n'avaient pas pris le risque de parler pour ménager leurs intérêts ou pour ne pas être celui ou celle par qui le scandale arrive (Matthieu 18:7 comme disent les Américains). Concrètement, dans ce genre de cas, ce sont celles qui ont ouvert leur gueule en temps réel qui en ont subi les conséquences dans leur carrière. Franchement, les grandes stars, qui ont eu quand même le mérite de confirmer, auraient pu profiter de leur notoriété pour prendre ce risque plus tôt. Sinon, ça signifie plutôt que quand tu l'ouvres, tu morfles, et que si tu la fermes, on peut s'arranger.

Du coup, prendre le risque de s'afficher en dénonçant les porcs sur les réseaux sociaux n'est pas forcément la meilleure chose à faire pour celles ou ceux qui n'ont pas une carrière assurée. Au final, ça pourrait être un piège à cons. C'est l'intrigue du Grand blond avec une chaussure noire (où je trouvais Colette Castel plus sexy que Mireille Darc. Comme quoi !).

Pour mémoire, on peut rappeler que le principe du piège à cons est ce qui s'était produit après la campagne des Cent fleurs qui autorisait les critiques envers le Parti communiste chinois à l'époque de Mao. Pour faire bref : après, on avait les noms. Il est possible que les jeunes actuels se fassent des illusions sur l'efficacité révolutionnaire de l'Internet pour changer les choses. On a vu ce que ça a donné pour la suite du Printemps arabe (j'en ai parlé ailleurs). Car on sait que les réseaux sociaux laissent des traces indélébiles pour les recruteurs, puisque c'est toujours de ça qu'on parle ! Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. On peut envoyer les soldats au casse-pipe, ce sera toujours les généraux qui ramasseront les lauriers. Il vaudrait mieux s'assurer de la protection des lanceurs d'alerte pour commencer.

Rebondissement (décidément, quel suspense !)

On en était plus ou moins là et voilà que d'autres femmes ont décidé d'aller à contre-courant. Dans l'absolu, on peut admettre que c'est méritoire. C'était plus ou moins déjà dans les tuyaux dans la critique de la délation qui est un cliché français qui ne correspond pas au problème, comme nous l'avons vu, mais qui peut indiquer des réserves mal formulées.

La vague de dénonciations du harcèlement sexuel s'est donc vue objecter la question classique du puritanisme. Il est effectivement nécessaire de préciser le cadre concerné. Pour les questions sexuelles en particulier, on sait que la suspicion s'est généralisée depuis longtemps dans le monde professionnel et universitaire américain. Il n'est plus possible de recevoir une personne du sexe opposé dans un bureau avec la porte fermée. On peut remarquer que la nouvelle légitimité sociale de l'homosexualité devrait donc signifier qu'on ne peut plus recevoir quiconque la porte fermée. Il existait aussi la norme hollywoodienne du « code Hayes » qui interdisait jadis de montrer un homme et une femme non mariés dans une chambre. L'artifice cinématographique des mariages rapides à Las Vegas est sans doute une conséquence de cette contrainte.

Cette affaire a déclenché aussi quelques divagations médiatiques des uns et des autres. Entre autres, cet imbécile de Finkielkraut en a profité pour prétendre que l'affaire Weinstein était une machination visant à détourner l'attention des harceleurs musulmans. C'est une conception orientée et essentialisée du poids des normes culturelles. Dans les années 1970, j'avais eu l'occasion de remarquer que le phénomène d'exigence de séparation des sexes était attribué aux peuples non-occidentaux, pour ne pas dire arriérés (mexicains en l'occurrence), dans le livre d'Edward T. Hall, La Dimension cachée, qui parlait spécialement des questions de distance interpersonnelles (« proxémique ») selon les cultures. C'est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai commencé à prendre mes distances avec ce que je lisais, car cette norme avait au contraire envahi la société nord-américaine, supposée libérée sexuellement. À l'époque, ce n'était pourtant pas dû à l'influence culturelle de l'immigration latino-américaine, légale ou non. Le puritanisme anglo-saxon existe. On connaît la censure actuelle du moindre téton sur les réseaux sociaux et on la trouve souvent ridicule en ce qui concerne l'art, classique en particulier. Les Français devraient être immunisés sur ce point grâce à la critique des Tartuffes qui disent « cachez ce sein que je ne saurais voir » ! Mais on sait que la culture fout le camp.

Cette critique du puritanisme a été donc reprise par un manifeste signé par cent femmes paru dans Le Monde du 9 janvier 2018 sous le titre de « Nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle », titre pour le moins maladroit.

Les rédactrices de ce texte sont : Sarah Chiche (écrivaine, psychologue clinicienne et psychanalyste), Catherine Millet (critique d'art, écrivaine), Catherine Robbe-Grillet (comédienne et écrivaine), Peggy Sastre (auteure, journaliste et traductrice), Abnousse Shalmani (écrivaine et journaliste). Adhèrent également à cette tribune : Kathy Alliou (curatrice), Marie-Laure Bernadac (conservateur général honoraire), Stéphanie Blake (auteure de livres pour enfants), Ingrid Caven (actrice et chanteuse), Catherine Deneuve (actrice), Gloria Friedmann (artiste plasticienne), Cécile Guilbert (écrivain), Brigitte Jaques-Wajeman (metteuse en scène), Claudine Junien (généticienne), Brigitte Lahaie (actrice et présentatrice radio), Elisabeth Lévy (directrice de la rédaction de Causeur), Joëlle Losfeld (éditrice), Sophie de Menthon (présidente du mouvement ETHIC), Marie Sellier (auteure, présidente de la Société des gens de lettres). Et d'autres signataires.

Franchement, on se demande ce qui leur a pris. Ou plutôt non. Ce manifeste illustre parfaitement la crise du politique actuelle qui voit s'opposer les gens sur plusieurs sujets brûlants, en recomposant les frontières entre la droite et la gauche : l'islamophobie ou non, l'antisionisme assimilé à l'antisémitisme, l'Europe contre le souverainisme et le populisme contre les élites, et donc voilà le sexisme contre la liberté sexuelle, avec une amusante composante générationnelle, sur le mode « Génération X contre Baby-boomers » auquel j'ai déjà répondu.

Le principe du manifeste est parfaitement clair d'entrée : « Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n'est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste. » La campagne #balancetonporc/#metoo finissait bien par donner cette impression. On peut y reconnaître en effet la touche du féminisme américain (que désavouait Simone de Beauvoir dans le premier tome de sa biographie que j'ai commentée récemment). La journaliste Sandra Muller qui a lancé le hashtag #balancetonporc le 14 octobre 2017 (repris en #metoo par l'actrice Alyssa Mylano le lendemain) est française, mais elle vit à New York.

L'exagération peut être due simplement au mécanisme de surenchère normal dans les phénomènes de foules et les réseaux sociaux. C'est bien pour ça qu'il faut les recadrer pour éviter que ça dégénère, ici en guerre des sexes. Comme la différence de sexe concerne pratiquement tout le monde, il vaut mieux essayer de calmer le jeu. On pourrait se retrouver dans la situation de l'affaire Dreyfus, où toutes les familles se déchiraient à son propos, comme le montrait le célèbre dessin de presse de Caran d'Ache dans Le Figaro de l'époque : « Surtout, ne parlons pas de l'affaire Dreyfus » et « Ils en ont parlé ».

Victimolâtrie

Le vrai titre de ce manifeste aurait dû être : « Les femmes ne sont pas des victimes », mais les titres du Monde sont souvent nuls. Le manifeste exprime bien cette idée : « C'est [...] le propre du puritanisme que d'emprunter, au nom d'un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d'éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l'emprise de phallocrates ». Il faudrait ajouter que c'est le mode privilégié de mobilisation des médias, des politiques, des curés et des associations. Les féministes américaines ou autres jouent aussi sur ce registre, sans doute inspiré des ligues de vertu anglo-saxonnes qui avaient obtenu l'instauration de la prohibition de l'alcool, avant sa suppression devant ses conséquences désastreuses.

C'est ici que porte l'erreur d'analyse qui caractérise cette polémique. Quand on dit quelque chose comme « les femmes ne sont pas des victimes », cela ne signifie évidemment pas qu'il n'existe pas de victimes de violences domestiques, de viols, de harcèlement sexuel, qui sont bien très majoritairement des femmes. Il faut bien que certaines personnes s'occupent de protéger les victimes et de punir les coupables. Cette tâche est difficile du fait des mauvaises habitudes ou du laxisme dans cette matière spécifique du harcèlement sexuel. Il est normal que ceux qui s'en chargent essaient de faire avancer leur cause avec les moyens à leur disposition, techniques ou politiques, avec les habitudes bonnes ou mauvaises qui sont le lot commun. Il ne faut pas s'en étonner.

Mais justement, sur ce problème très spécifique, comme les choses commencent à changer, un élément de ce changement doit bien être que les femmes ne se considèrent pas elles-mêmes comme des victimes, parce que les prédateurs s'attaquent précisément à celles qu'ils considèrent comme des victimes. Faire la morale et chercher à inspirer la pitié ne marche pas avec eux. C'est une stratégie contre-productive. Et surtout, c'est particulièrement mal perçu de la part des femmes les plus libérées (comme on le constate ici) qui n'aiment pas qu'on use envers elles d'une attitude paternaliste, y compris avec de bonnes intentions ou en s'en prévalant pour dissimuler des intentions plus ou moins intéressées : la protection est un marché concurrentiel où il existe aussi des prédateurs et des prédatrices. On les reconnaît précisément au fait qu'ils ou elles ont tendance à la surenchère et à la généralisation antagoniste. C'est vrai dans ce domaine comme dans les autres (terrorisme, délinquance, etc.).

Remarquons que les femmes du manifeste 2018 prennent aussi la défense des hommes, qui n'auraient pas osé utiliser un tel titre, même si certains se permettaient quelques blagues plus ou moins fines : on est #Charlie ou on ne l'est pas (les étrangers en général ne le sont pas, et surtout pas les Américains). Ceux qui ont essayé d'argumenter sur la condition masculine ont été généralement rappelés à l'ordre. Je me souviens que j'avais moi-même contredit ma prof de philo sur ce point, vers 1980, en lui disant que certains hommes ne voulaient pas être des oppresseurs. Mais le cadre marxiste qu'elle utilisait identifiait déjà les femmes au prolétariat dont l'oppression était considérée comme structurelle et indiscutable. Les subaltern-studies et études de genre américaines postérieures en ont adopté le modèle. Il s'est généralisé, alliant les absences totales de subtilité des gauchistes français et des intellectuels américains (pour l'accusation d'anti-américanisme, voir mes oeuvres complètes).

Les femmes du manifeste 2018 ont été critiquées pour avoir osé l'ouvrir, en partie du fait de leur maladresse et ont subi à leur tour le type de harcèlement moral qui a lieu quand on brise le consensus. C'est surtout Catherine Deneuve qui a déclenché le plus de commentaires généralement assez mal informés sur son compte du fait de son rôle dans le féminisme des années 1960, en particulier sa signature du Manifeste des 343 salopes. L'anomalie a d'ailleurs consisté, de la part de certain(e)s jeunes, à critiquer leurs aînées selon la mode médiatique bidon actuelle contre Mai 68 ou les baby-boomers, comme si les signataires de ce manifeste 2018 ne connaissaient pas la situation des femmes dans les décennies précédentes où elles ont vécu, à une époque où ce n'était pas facile d'être une femme indépendante. Il faudrait quand même réfléchir un minimum avant de dire n'importe quoi ! Le problème polémiste est de ne pas savoir exprimer des désaccords sans jeter des anathèmes.

Accessoirement, on peut noter que l'idée de « ne pas jouer les victimes » a un sens très pertinent pour les actrices qui risqueraient justement, si cette idéologie victimaire s'imposait, d'être cantonnées à des rôles de faibles femmes et de victimes de tueurs en série (actuellement très à la mode dans les fictions). Or, précisément, le cinéma a eu un rôle assez pionnier dans le domaine de la promotion féminine en présentant souvent des rôles de femmes fortes, qui ont toujours existé dans la réalité, mais dont la reconnaissance n'était pas la norme. Certaines anticipations n'étaient pas très crédibles, mais l'idéalisation fait partie du procédé cinématographique. Les héros masculins ne sont pas réalistes non plus.
De même, le cas spécifique des stars doit tenir compte du fait qu'elles doivent garder la maîtrise de leurs engagements. Elles pourraient être trop sollicitées. Et leur problème professionnel reste toujours, à leur niveau de célébrité, de trouver des rôles intéressants, spécialement pour les femmes. Le handicap de certains comme Catherine Deneuve est justement qu'elle a pu être cantonnée à son image de très belle femme, suivant le principe scénographique de plutôt de considérer les jeunes premiers ou premières comme des potiches, à la ville comme à la scène ou l'écran. Cette question concerne l'imagination des scénaristes comme l'imaginaire des spectateurs qui s'identifient à ces stars.

Concernant la victimisation, comme on le sait, un effet psychologiquement néfaste pour les personnes réellement concernées est de risquer de s'enfoncer dans le traumatisme qu'elles ont subi. Il est parfaitement légitime de les accompagner pour qu'elles s'en sortent et ceux qui s'en occupent font un travail méritoire, mais il faut prendre garde à ne pas favoriser l'exploitation de leur situation. Tout le monde n'est d'ailleurs pas forcément compétent et ce genre de drame peut attirer une attention malsaine qui se dissimule sous les beaux discours, ou produire simplement des conseils bien intentionnés, mais inefficaces ou contre-productifs (tous ces problèmes ne sont pas récents comme le montrait le livre de René Lenoir que j'ai commenté récemment, qui parlait des difficultés de cohabitation des professionnels de la santé et des services sociaux avec les bénévoles).

Un problème connu de la position de victime est aussi une forme de culpabilité alors même qu'on n'est évidemment pas coupable. On se sent honteux de s'être laissé faire, soit de s'être trouvé dans une mauvaise situation, soit de ne pas avoir su répliquer. C'est valable pour les cas anodins comme pour les cas graves. Pour le harcèlement sexuel banal, le truc classique était jadis de retourner une baffe. On conçoit qu'on ait le désir d'être plus original, mais il faudrait savoir aussi faire dans le basique. Au fond, le drame de l'époque est aussi un certain snobisme. On ne veut pas avoir l'air trop collet monté. Mais c'est compliqué. Dans ces situations et dans d'autres, on ne trouve pas forcément la réplique qui tue, comme on le voit au cinéma, au théâtre, chez les comiques. C'est un effet pervers de l'art de présenter des cas trop parfaits du fait que l'auteur peut réécrire la scène. Ce n'est pas une raison pour accepter de se laisser faire.

Sans forcément aller jusqu'au discours de la NRA sur le port d'arme, on peut émettre également l'hypothèse que les femmes sont conditionnées par la doxa non-violente (des magazines féminins, Dolto, la gauche). C'est vrai qu'aujourd'hui, si une fille ne se sent pas de force, elle est un peu piégée : par le passé, elle pouvait toujours dire que son copain allait venir casser la gueule au goujat. Comme elle se veut autonome, elle est privée de cet argument. La réalité psychologique et sociale concrète est faite de la maîtrise des stratégies disponibles, souvent proposées par le cinéma et les médias. Une solution serait qu'une femme devrait pouvoir se dire qu'un homme peut aussi menacer de la fureur de sa copine (féministe ou jalouse) dans une situation équivalente. On veut l'égalité des sexes ou pas ? Des auteurs de fictions pourraient reprendre l'idée pour la diffuser. Cadeau.

Justement, sur ce principe de la riposte, un article contemporain de la campagne de hashtags, paru dans The Conversation du 8 novembre 2017, intitulé : « Harcèlement à l'école : apprenons aux enfants à se défendre », propose ce changement de stratégie :

« Et si, pour une fois, on regardait le problème sous un autre angle ? Si, au lieu de convoquer les harceleurs pour les punir, on cherchait à mieux armer les harcelés pour leur donner les moyens de se défendre eux-mêmes ? Cette démarche n'est jamais le premier réflexe des adultes qui, n'écoutant que leur bon coeur, volent au secours de l'enfant harcelé - ce qu'on ne saurait leur reprocher. Cependant, en intervenant tel Zorro pour sermonner le harceleur, le responsable d'établissement ou l'enseignant renforce bien souvent, sans le vouloir, l'image de victime de l'élève harcelé. La conviction s'installe, chez lui et chez les autres élèves, qu'il est incapable de s'en sortir tout seul. Une croyance qui alimente souvent un cercle vicieux engendrant de nouvelles situations de harcèlement. »

Il faut souligner qu'on parle ici d'un inconvénient des fameuses « valeurs féminines » contre les « conceptions machos », puisqu'on sait que l'éducation traditionnelle disait bien qu'il fallait savoir se défendre. J'ai d'ailleurs déjà signalé une certaine mise en scène (idéalisée) de cette réalité : « La rediffusion opportune du film Les Cloches de Sainte-Marie (1945), nous montre une bonne soeur, jouée par Ingrid Bergman, qui enseignait la boxe à un des enfants recueillis par l'orphelinat. Discrètement, sous le regard secrètement complice du prêtre joué par Bing Crosby, elle l'encourage à se battre contre un autre enfant qui l'embêtait. Alors même que l'enfant se retenait pour lui faire plaisir ! Les temps changent. »

Spécialement dans les situations de harcèlement répété, la bonne stratégie est donc de ne pas se laisser faire après la première surprise. Précisément du fait de la répétition, le truc est de ne pas être inhibé. On n'est pas lié par une routine. Si on n'a pas su réagir la première fois, il faut saisir l'occasion pour mieux répliquer la fois suivante et ne pas se laisser enfermer dans la position de victime ni dans le besoin de se plaindre au lieu de réagir directement. Cette remarque est aussi vraie pour ceux qui veulent bien faire en aidant les autres : la tendance est de s'enfermer dans le rôle de bureau de pleurs et du misérabilisme. Dans ma jeunesse, j'avais remarqué cette pratique et je m'étais dit que c'est le piège dans lequel s'enferment les militants en croyant changer le monde alors qu'ils prennent le risque de perpétuer l'oppression.

Sociologie

Quand on parle de sexualité, on sait bien que c'est compliqué. Il ne faut pas faire comme si la situation actuelle était pire qu'avant, ou s'il n'y avait pas encore des endroits du monde où elle n'était pas encore plus grave que la France d'après-guerre elle-même. Par exemple, pour celles ou ceux qui l'ignorent, dans les années soixante, il était banal de parler de harcèlement de rue en Italie (on en parle aujourd'hui en Inde). Mais même ce point est ambigu. Quand on pense à la séduction italienne, on parle bien de drague, mais aussi de demande féminine à cet égard. C'est de cela qu'il est question quand on parle du « romantisme » italien ou parisien ou de la Belle époque, avant même la fameuse « libération sexuelle » des années 1960 et du « sea, sex and sun » du début du tourisme généralisé. Cela correspondait plutôt aux couguars actuelles qui vont se payer de la chair fraîche à Haïti ou ailleurs. C'est bien de sexualité féminine dont parle le Manifeste de 2018. Il faudrait davantage considérer qu'il existe différentes attitudes envers la sexualité, tant chez les femmes que chez les hommes. Ces différences sont individuelles. Et comme tout le monde le sait déjà, cela devrait être intégré aux raisonnements comme je le fais ici.

Quand on critique la victimisation, cela signifie aussi qu'il n'y a pas que les hommes qui veulent du sexe, contrairement à cet autre rôle rétrograde de la femme passive qui semble faire retour. Il y a toujours eu des salopes briseuses de ménages, même dans les films américains qui exaltent les valeurs matrimoniales, en montrant hypocritement le contraire. À la limite, dans l'opposition romantique/porno présentée comme films de femmes/d'hommes, tout n'est justement qu'une question de jeu de rôle pudique d'un côté ou impudique de l'autre. Chacun sait que le résultat concret est exactement le même. Comme on dit : « il faut savoir décoder les images » et on voit que ce n'est donc pas le cas.

Quand il s'agit d'agressions de rue, les harcèlements, les viols, hors pathologies, cela concerne spécifiquement les hommes qui ne supportent pas la liberté vestimentaire ou comportementale de femmes. Les jeunes filles qui se plaignent aujourd'hui que cela existe encore doivent savoir que la situation d'indifférence et de liberté qu'elles considèrent comme normale n'est pas tombée toute cuite. C'est beaucoup moins le féminisme que le cinéma et la frivolité de la mode qui ont contribué à ces changements. Et ça ne s'est pas toujours bien passé. Les jupes courtes, puis mini, les monokinis, bikinis et les seins nus ont provoqué des résistances et en provoquent encore. Ce que dit le manifeste est aussi que certaines attitudes actuelles leur rappellent les résistances que ses rédactrices ont connues. Elles savent d'expérience que les changements auxquelles elles ont participé provoquent des résistances et qu'on ne peut pas considérer les choses comme acquises. On connaît justement la situation américaine sur ce point.

D'ailleurs, certains discours actuels ne sont pas cohérents. Quand Hillary Clinton s'est présentée à la présidence des États-Unis contre le macho Trump en tentant de jouer la carte féministe, il m'a semblé que cela relevait davantage de l'hypocrisie politicienne. Elle-même avait passé l'éponge par intérêt en ce qui concerne son harceleur de mari quand il était président (sur le mode américain bidon mentionné ci-dessus). J'ai eu l'occasion de dire ailleurs que les électeurs américains ne lui devaient pas un lot de consolation. D'ailleurs, les femmes républicaines (blanches) n'en ont pas moins voté Trump, malgré ses débordements. Il faut donc bien constater que l'idée d'un contrôle des discours machos est une méthode qui ne marche pas et qui renforce la critique du « politiquement correct » qui fait les choux gras des racistes et des sexistes.

Étude de cas

Comme pour confirmer l'inquiétude des rédactrices du manifeste qui a fait scandale, une dénonciation sur le site Babe.net : « La pire nuit de ma vie » a montré les ambiguïtés du phénomène #metoo. Dans ce cas précis, les lecteurs de l'info ont eu des sentiments partagés. Pour ne pas justifier l'initiative du manifeste 2018, il faut essayer d'analyser correctement les situations au lieu de se livrer à un ping-pong partisan de plus ou moins bonne foi pour essayer de marquer des points.

Les accusations d'une jeune femme, Grace, contre l'acteur américain Aziz Ansari, rappellent d'ailleurs l'affaire de la sodomie subreptice qui a valu à Julien Assange d'être réfugié dans l'ambassade de l'Équateur à Londres depuis 2012. C'est allé moins loin pour Grace et Ansari. D'après ce que rapporte Babe.net, après s'être rencontrés aux Emmy Awards 2017, ils ont eu un rencard à New York. Après le restau, ils sont allés chez lui. Ansari l'a déshabillée et lui aussi et ils ont commencé à s'embrasser. Il lui a fait un cunnilingus et elle une pipe. Il voulait aller plus loin, elle non, il a insisté longtemps et elle a refusé. Il lui a proposé de regarder une série, elle a accepté, mais il a encore insisté lourdement ensuite. Elle est finalement partie et, quelque temps après, elle a tout déballé en ligne avec l'étiquette #metoo, en reprochant à l'acteur de ne pas avoir compris son malaise. Le mec s'est excusé.

En Amérique, le débat a alterné, au pire, entre la mise au pilori du mec ou de la fille ou, au mieux, sur la question d'une perception différente des rapports sexuels entre les hommes et les femmes. On connaît la mode actuelle, diffusée par le cinéma, de l'exigence de consentement explicite à chaque étape de la relation qui a parfois été moquée en évoquant le besoin d'un protocole écrit pour avoir un rendez-vous. Il est bien évident que les femmes (et les hommes) ont le droit de refuser un rapport sexuel. Mais on peut concevoir que certains insistent et envisagent les différentes pratiques courantes ou déviantes qui existent notoirement dans les relations sexuelles. Ça peut être gênant. Il y a des coups foireux. C'est le risque dans les relations humaines et amoureuses. Mais on ne peut pas non plus considérer le consentement comme un contrôle unilatéral de la relation et une absence du sens des réalités des rapports sexuels.

Codes culturels

Si tout le truc n'est pas un coup de pub ou un fake, puisqu'on est en Amérique et que tout est possible, je peux proposer une autre interprétation qui concerne un trait culturel américain particulier. Les analyses qui se polarisent actuellement sur la différence des sexes ont le défaut méthodologique de sembler ne pas envisager comme normales les différences personnelles et culturelles. De plus, on semble vouloir que leur évolution soit instantanée, en suivant les codes du moment.

Le dernier point me paraît relever d'ailleurs exclusivement de la catégorie des bonnes manières et de la peur qui en découle de commettre une boulette. Notons qu'on parle ici de l'élite médiatique (dont la fille ne fait pas partie) et des soirées mondaines new-yorkaises. Y a des clashs. C'est normal. La fille dévoile sur Internet ce qu'elle dirait à ses copines : « Je suis sortie avec Aziz. C'est un gros lourd ! » et les réseaux sociaux donnent à ses confidences une dimension carrément mondiale ! L'erreur de certain(e)s est que cela ne relève pas vraiment de #metoo, qui est une chose sérieuse de dénonciation de délits qu'on essaie de cacher habituellement, mais plutôt d'une indiscrétion d'une revue people !

Mais au final, il me semble plutôt que l'explication réelle de l'affaire Grace Vs Aziz concerne la pratique américaine du petting opposée au coït (le tripotage d'ados contre la baise). Tout le monde ne se rend pas vraiment compte des conséquences en termes sociologiques de cet usage américain. C'est l'origine de l'affaire Monica Lewinski qui avait servi d'excuse à Bill Clinton : pas de pénétration, donc pas de relations sexuelles. Grace n'aurait pas eu non plus l'impression d'avoir eu des relations sexuelles (« actual sex »). Or, si on ne gobe pas le truc ou qu'on ricane grassement, c'est qu'on ne comprend pas la notion de la différence culturelle appliquée à l'Amérique. Pour comprendre, il faut se dire que les Américains le pensent vraiment (peut-être pas complètement, mais l'hypocrisie est un critère distinctif dans le domaine culturel). Cette pratique sexuelle américaine est issue de l'époque des cinémas drive-in où les teenagers se tripotaient dans les bagnoles (en obéissant quand même aux parents et pour ne pas avoir d'enfants parce qu'il n'y avait pas de contraception). C'est aussi l'explication de la question : « Est-ce que sucer c'est tromper ? » que Thierry Ardisson avait posé à Michel Rocard. Poser des questions de ce genre est bien l'indice d'une possible différence culturelle ou individuelle.

Une étude de Birdwhistell (citée par Bateson ?) racontait d'ailleurs une histoire de ce genre entre les soldats américains et les filles anglaises pendant la Seconde Guerre mondiale. Les femmes anglaises, qui n'avaient pas les mêmes codes sexuels que les Américaines, une fois dépassé un certain stade, continuaient plus avant et couchaient avec les soldats. D'où la réputation des Anglaises d'être des filles faciles et les hommes américains des goujats qui insistaient pour aller trop loin. On voit ici tout l'intérêt de la sociologie (quand elle n'est pas trop « chiantifique », comme disait Dominique Desjeux).

On peut donc penser que l'affaire Grace Vs Aziz concerne effectivement une différence culturelle et une différence d'attente sentimentale, mais la vraie différence est plutôt simplement celle entre les rapports adolescents ou les rapports adultes en Amérique (c'est d'ailleurs ce dont s'est plainte Grace, au final, pour caractériser l'attitude d'Aziz, et ça leur fait un point commun). Il est surtout question de la diffusion médiatique mondialisée des codes culturels américains comme s'ils étaient la norme universelle. On peut aussi remarquer que le petting est une forme de flirt assez poussé puisqu'on peut aller jusqu'à la fellation ou la sodomie. Ces pratiques réelles peuvent aussi expliquer la mode américaine actuelle d'arriver vierge au mariage puisqu'on peut faire tout le reste. Accessoirement, une possibilité existe que le grand nombre de grossesses de mineures aux USA s'explique ainsi par l'absence de maîtrise, par les classes populaires (white trash), des codes culturels de la classe moyenne supérieure américaine et son puritanisme WASP. Cette connaissance peut être utile pour les touristes en visite aux États-Unis pour ne pas commettre d'impairs dans le beau monde.

Jacques Bolo

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