Malgré les mises en garde internationales, le 6 décembre 2017, le président des États-Unis, Donald Trump, a reconnu Jérusalem pour capitale d'Israël et déclaré que l'ambassade américaine serait déplacée de Tel-Aviv à Jérusalem. Ce transfert avait déjà été voté par le Congrès en 1995 et les présidents successifs devaient signer une dérogation tous les six mois pour maintenir l'ambassade à Tel-Aviv. Immédiatement, les autorités israéliennes ont manifesté leur satisfaction, tandis que les responsables palestiniens, les pays arabes ou musulmans, et la communauté internationale qualifiaient cette décision d'irresponsable. Le président français a lui-même désapprouvé « cette décision regrettable » en violation du droit international. Ce que la communauté internationale craignait s'est confirmé : de nombreuses manifestations ont eu lieu dans les pays musulmans et la liste des morts et des blessés, victimes de tirs de l'armée israélienne dans les territoires occupés ou Israël, a commencé à s'égrainer. La Ligue arabe a demandé à Trump d'annuler sa décision.
Ne rien faire de symbolique !
Il est quand même intéressant de constater qu'on n'a pas assisté à l'embrasement généralisé annoncé. Dans de telles circonstances, on se demande d'ailleurs si « on craint le pire » ou si on cherche à le provoquer ou, pour le moins, à avoir eu la vaine gloriole de pouvoir dire qu'on l'avait prédit. Du côté des acteurs, on se demande aussi si l'indignation est sincère ou si elle est surjouée, pour faire le buzz et se glorifier d'avoir participé à la première mobilisation. La politique est faite d'histrionisme et tout le monde le sait.
C'est sans doute parce que chacun est bien conscient que c'est un coup politique de la part de Trump que le mouvement n'a pas pris. Seuls les militants trop aveuglés par leur trop grande sensibilité, pour les plus sincères, ont cédé à la provocation avec la conséquence d'en payer inutilement le prix. À l'annonce de Trump, il aurait été plus intelligent de hausser les épaules devant une nouvelle connerie et de vaquer à ses occupations habituelles au lieu de se mettre en danger pour procurer des images de batailles de rues aux journaux télévisés (ou aux selfies).
La réalité est plutôt que la paix ne se gagne que par la paix. La guerre met en scène des affrontements communautaires faussement unitaires. À cette occasion encore, on peut d'ailleurs se demander si elle ne repose pas uniquement sur la soumission à ces seules contraintes symboliques. La paix n'est pas le paradis paisible qu'on imagine quand on l'a perdue parce qu'on a fait la connerie de déclencher une guerre (comme en Syrie en 2011). Dans la paix, ce qui a effectivement lieu, ce sont les vrais problèmes matériels de la concurrence de tous les individus entre eux (conformément à l'idéologie de Trump) et c'est à ça qu'il faut se préparer. La guerre ne sert à rien, sauf à faire des films.
La guerre repose sur l'illusion d'une communauté idéale qui serait heureuse si les ennemis n'existaient plus. On voit ce que ça a donné avec la création d'Israël ! Si certains Palestiniens ou Israéliens en doutent, parce qu'ils ont un peu le nez dans le guidon après soixante-dix ans de conflit, ils peuvent toujours aller voir ailleurs s'il n'existe pas de problèmes entre les gens en temps de paix ! La première conséquence serait d'ailleurs qu'ils vivraient parfaitement côte à côte en s'ignorant royalement, voire en se côtoyant amicalement, unis par une origine géographique commune. Sur place, c'est vraiment pas malin de se foutre sur la gueule, outre les conséquences constatées sur les pays environnants, alors que ce putain de coin de la planète pourrait se faire des couilles en or avec une orgie de tourisme mondial !
En attendant que les uns et les autres soient plus rationnels, la conséquence matérielle du transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem et d'autres, éventuels, comme celle du Guatemala déjà annoncé, devrait être un contact plus concret des membres des corps diplomatiques concernés avec les problèmes de la ville. Si beaucoup de monde se déplace, l'effet immédiat sera déjà une baisse de prospérité pour Tel-Aviv et une hausse des prix de l'immobilier à Jérusalem. Mais surtout, il pourrait en résulter concrètement un changement d'attitude vis-à-vis des Palestiniens qui ne plairait pas forcément au gouvernement israélien. Une conséquence imprévue pourrait même être une accélération de la reconnaissance internationale de la Palestine avec pour capitale Jérusalem, puisque les ambassades seraient déjà sur place. Cela constituerait d'ailleurs une économie importante qui éviterait d'avoir à consacrer des investissements en double pour de si petits états !
Jacques Bolo
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