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Écologie - Décembre 2016

Dieselgate généralisé et particules fines

Résumé

La pollution aux particules fines à cause du diesel aurait pu être évitée depuis longtemps.

Depuis quelques mois, on parle des pics de pollution aux particules fines qui se succèdent à Paris, comme ce début décembre 2016. Il y a plus de deux ans, Le Monde avait aussi publié une photo du 14 mars 2014 qui avait fait le tour du monde. Elle montrait la tour Eiffel avec/sans smog de particules fines (de 2,5 ou 10 microns), en les comparant au niveau de pollution à Pékin et Shanghaï. Tout en nuançant par le fait que la pollution chinoise était permanente et comprenait plus de polluants, cette photo était très douteuse. Pour avoir vérifié ce jour-là, le temps était clair, et l'air n'était absolument pas grisâtre comme sur l'image. Soit elle avait été prise dans une brume matinale, soit elle était simplement truquée avec un filtre ou en modifiant l'ouverture de l'appareil. Cela ne veut pas dire que l'air n'était pas pollué. Le problème des particules fines est précisément qu'on ne les voit pas. À Paris, le taux maximum de pollution avait dépassé 146 microgrammes par mètre cube (µg/m3) le 1er décembre, soit 0,146 milligramme. Ce n'est pas forcément visible au point de boucher la vue (par rapport au taux normal de particules toujours présentes dans l'air). Cette manipulation au mieux pédagogique est indigne et prend vraiment les gens pour des cons. Le fait qu'ils jouent le jeu montre qu'ils sont vraiment aussi cons qu'on pense qu'ils le sont. C'est le problème du pédagogisme infantilisant.

Pour ceux qui l'ignorent, et ils sont nombreux, l'air était beaucoup plus pollué, aux particules fines ou au soufre, quand on utilisait le chauffage au bois (réputé écologique) ou au charbon, qui est la cause actuelle notoire de la pollution en Chine. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la pollution de l'air était donc la même quand on se chauffait au charbon en Europe et en France, en particulier dans les années 1950. C'était l'époque des « marchands de vin et charbon », les « bougnats », dont il restait encore des enseignes quand je suis arrivé à Paris au début des années 1980. L'épisode le plus marquant de smog (de smoke+fog) eut lieu à Londres entre les 5 et 9 décembre 1952 et a causé de 4.000 à 12.000 morts, selon les évaluations.

Aujourd'hui, on considère que les particules fines seraient responsables de 48.000 décès prématurés chaque année en France (environ 130 par jour). Cela touche évidemment des personnes avec déjà des faiblesses respiratoires. On peut nuancer cette pollution en considérant que la consommation de tabac consiste bien à respirer volontairement de la fumée, avec des conséquences pour la santé encore supérieures, directement ou qui se combinent avec la pollution de l'air.

Quand on parle de la pollution aux particules fines, au cours de l'épisode du début décembre 2016 en particulier, on incrimine principalement les véhicules diesel. Après la décision qui a fixé six jours de circulation alternée dans Paris, la maire Anne Hidalgo envisage d'interdire complètement les véhicules diesel en 2020. Les défenseurs du diesel se sont empressés de faire remarquer que les particules fines dues au transport ne sont responsables que de moins de 20% des particules totales dans un pays comme la France où le diesel est dominant (environ 70 %), bien que les ventes commencent à se réduire (53% en 2015). Ses partisans avaient souligné ces dernières années que les nouvelles motorisations essence, pour améliorer le rendement des moteurs, pouvaient générer jusqu'à dix fois plus de particules fines que le diesel. Cette fois, en défense du diesel, la rumeur a insinué que la pollution venait des centrales à charbon allemandes, résultat de la décision écolo d'abandonner le nucléaire. Mais cela a été démenti du fait que la pollution ne contenait pas les composants issus de la combustion du charbon utilisé dans les centrales allemandes.

Mais la question du taux d'émission est discutable. Les automobiles diesel avaient refait parler d'elles en septembre 2015. L'agence américaine de l'environnement (EPA) avait révélé que Volkswagen avait créé un logiciel destiné à truquer les mesures de la pollution des moteurs diesel pour onze millions de ses véhicules. Le président de la compagnie, Martin Winterkorn, a été contraint à la démission. À la rentrée 2016, on apprend que les autres fabricants automobiles (Renault, Peugeot, Citroën, Opel, Mercedes, Fiat, Kia...) auraient systématiquement sous-évalué les chiffres des divers polluants jusqu'à cinq à dix fois (sans qu'il soit question de logiciel truqué).

Ici, on a affaire à une escroquerie contre l'intérêt et les choix des consommateurs qui engage la responsabilité personnelle des ingénieurs complices de cette fraude. Des indemnisations de quinze milliards de dollars ont été obtenues par les États-Unis, et d'autres pays sont sur les rangs. Il est dommage que les écologistes n'intègrent pas cette dimension, car ils seraient beaucoup plus efficaces. Ils pourraient s'allier aux associations de défense des consommateurs qui notaient déjà (comme l'UFC Que Choisir ?) que le diesel n'était intéressant que pour ceux qui roulaient beaucoup, soient moins 30 % des acheteurs. Il y aurait déjà, depuis longtemps, trois fois moins de voitures diesel dans le parc automobile.

Les écolos politiques confondent décroissance et ce qu'on a appelé l'« écologie punitive » par ses systèmes étatistes compliqués ou répressifs (circulation alternée, vignette antipollution) et coûteux (aides diverses, systèmes de contrôle ou de certification). L'écologie sert simplement d'alibi pour de nouveaux impôts, parce qu'il faut bien les justifier par des arguments consensuels. Les écologistes ont longtemps prôné l'alignement des taxes du diesel sur celles de l'essence alors qu'il suffirait d'inverser la stratégie en prônant de réduire la fiscalité de l'essence au niveau de celle du diesel pour susciter l'adhésion (récemment, la récupération de la TVA de l'essence comme pour le diesel a été programmée pour les entreprises, mais pas pour les particuliers). Pourtant, si le prix de l'essence baissait au niveau du diesel les acheteurs cesseraient instantanément d'acheter ces automobiles dont le coût d'acquisition est bien supérieur. On voit ici que par leurs méthodes, le but des écolos politiques est de combattre l'automobile, mais pas la pollution. Ils sont donc directement responsables des conséquences actuelles qu'ils prétendent dénoncer.

Jacques Bolo

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