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Médias - Avril 2016

Robert de Jouvenel : Le Journalisme en vingt leçons (1920)

Résumé

La patte de Jouvenel oscille entre pamphlet et étude documentée. On en sort plus lucide et mieux informé. Ce qui est bien une leçon de journalisme.

Robert de Jouvenel, Le Journalisme en vingt leçons (1920), coll. « Histoire », éd. La Thébaïde, Le Raincy, 2015, 96 p.

Robert de Jouvenel, dont j'avais moi-même réédité le célèbre La République des camarades en 2008, peut être considéré comme un sociologue, comme je les aime, et pour tout dire, plus authentique que ceux qui plaquent sur la réalité sociale des catégories explicatives qui n'expliquent rien.

Ces vingt leçons dont il nous gratifie correspondent à une connaissance de première main, puisqu'il était lui-même journaliste parlementaire. Sa lucidité lui donne la compétence nécessaire pour déterminer les catégories pertinentes d'une observation vraiment participante. On n'est pas dans l'extériorité dépendante d'un informateur qui fait subir aux ethnologues les contraintes auxquelles les journalistes sont précisément soumis. Jouvenel avait déjà parlé de cette obligation de camaraderie dans son livre précédent. Celui-ci examine successivement les caractéristiques de chaque échelon hiérarchique de la profession.

L'inconvénient de la liberté de la presse, relativement nouvelle à son époque, est que « la polémique perdit son intérêt dès qu'elle fut mise à la portée de tous les talents » (p. 47). On connaît ça avec Internet. Le véritable fond de l'ouvrage de Jouvenel consiste à analyser l'écart entre l'idéal d'information ou d'expression des opinions démocratiques et la réalité de la professionnalisation. L'entreprise journalistique sacrifie l'information et les idées au formatage technique, avec la complicité routinière des lecteurs qui se contente bien d'avoir « de la lecture ».

Chaque collaborateur de presse à son niveau semble conspirer à dégrader l'information ou la chronique sous le poids de la contrainte périodique. La recette semble se réduire à monter en épingle la moindre nouvelle en lui accordant une importance disproportionnée dans la plus grande précipitation. Cette stylistique philosophique de l'étonnement (p. 69) découle de la professionnalisation de la fugacité (L'être et le temps, en somme). Chacun ses limites.

Même si le journalisme a évolué depuis le début du 20e siècle, et il est de nouveau en train d'être bouleversé en ce début de 21e siècle, ce petit guide peut être utile à qui veut s'engager dans la profession. Jouvenel dépasse le pamphlet et évite plutôt sagement les désillusions en montrant l'envers du décor. Le cynique suivra la leçon. Les autres sauront à quoi s'attendre. C'est ça la sociologie. À charge, pour qui veut maîtriser la qualité journalistique de connaître l'histoire pour la corriger. Les indications sont assez claires.

Jacques Bolo

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