Le Pays du coeur (Maum-ui kohyang)
1949, de Yun Yong-gyu, Interprètes : Choe Un-hui, Pyon Kijong, Yu Min, Kim Sonyong
Un épisode de la vie du petit Yong, recueilli par un temple bouddhiste, dans la montagne. La nostalgie de sa mère qui l'a abandonné le conduit à la perdre à nouveau. Le document du festival indique que c'est « un des rares films coréens d'avant 1950 dont la copie ait été préservée ».
La copie est un peu passée et c'est dommage parce que les images sont belles. C'est une histoire bien construite pleine de rebondissements agréables de simplicité. Le fond d'un fatalisme bouddhiste se combine intelligemment avec la conscience des conséquences involontaires et bien intentionnées de la rigueur dogmatique monacale. L'histoire ménage ainsi la part du hasard auquel l'enfant ne se résigne pas. Cela tranche avec un certain moralisme souvent présent dans les films coréens de cette époque et même largement postérieurs.
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Le rêve (Ggum)
1990, Réalisateur : Bae Chang-ho, Scénariste : Bae Chang-ho, Lee Myung-se, Troisième adaptation du roman de Choi In-ho après celles de Shin Sang-ok, Interprètes : Ahm Seong-jae, Hwan Sin-hye, Jeong Bo-seo, Choi Jong-won
Un jeune moine cède à la tentation et force une noble visiteuse de son temple fiancée à un chevalier. Elle s'enfuit avec lui qui retourne à la vie civile. Poursuivis par le chevalier, ils doivent à nouveau fuir et courent de déchéances en catastrophes.
Conte édifiant, en plus trash, sur le mode de La légende de la nonne, de Victor Hugo, chanté par Brassens :
Cette histoire de la novice,
Saint Ildefonse, abbé, voulut
Qu'afin de préserver du vice
Les vierges qui font leur salut,
Les prieures la racontassent
Dans tous les couvents réguliers.
Enfants, voici des boeufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !
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L'Arche de chasteté (Yeolnyeomun)
1962, de Shin Sang-ok, Scénariste : Kim Kang-yun, d'après une nouvelle de Hwang Sun-won, Interprètes : Kim Dong-won, Choi Eun-hee, Han Eun-jin, Shin Young-kyun
Intéressant document ethnographique sur la noblesse confucéenne rurale de Corée, où les veuves sont obligées de servir leurs beaux-parents sous les auspices de « l'arche de la chasteté ». C'est le cas de la jeune Han, dont le vraiment très jeune époux décède prématurément. Elle se retrouve soumise à une belle-mère traditionaliste. Un ouvrier agricole industrieux, de retour de Séoul, sait se rendre indispensable au domaine et séduit la jeune veuve qu'il met enceinte. Devant la mésalliance, il part avec l'enfant. Han se sacrifie à son devoir et son statut en restant auprès de ses beaux-parents, insultée quotidiennement par sa belle-mère.
Dans le film, on perçoit le début d'une certaine modernisation dans cette campagne reculée où le poids des traditions, techniques et sociales, persiste encore. Ni les villageois, ni les hobereaux locaux, ni le trublion, ni la soumission de la bru ne sont idéalisés, malgré ce qui pourrait être une histoire édifiante. Plutôt un constat résigné d'un état social dans une époque de transition.
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Le Village au bord de la mer (Gaetmaeul)
1965, Réalisateur : Kim Soo-yong, Scénariste : Shin Bong-seung d'après une nouvelle d'Oh Young-su, Interprètes : Shin Young-kyun, Ko Eun-ah, Hwang Jeong-sun, Lee Nak-hun, Lee Min-ja
Sur exactement le même thème de l'obligation de chasteté des veuves et de l'injonction traditionaliste des belles-mères, l'histoire se déroule cette fois dans une petite communauté de pêcheurs. Après une tempête, Hae-sun devient veuve juste après son mariage. Elle rejoint les plongeuses traditionnelles, qui envisagent parfois de se consoler mutuellement. Mais un pêcheur lorgne sur la donzelle et la force rapidement. Présent dans plusieurs films, le viol comme mode de séduction traditionnel se confirme. Le couple doit s'enfuir pour l'honneur du foyer parental et ils tentent de survivre difficilement. Mais le sort s'acharne à plusieurs reprises sur la séductrice à son corps défendant. Les violeurs successifs sont tous punis par la fatalité qui veille au grain. L'épouse pécheresse peut retourner à son destin de plongeuse dont la chasteté traditionnelle avait été provisoirement compromise. La modernité des agapes est remise aux calendes grecques.
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Voyage en hiver (Gyeoul nageune)
1986, Réalisateur : Kwak Ji-kyoon, Scénariste : Choi In-ho (auteur et scénariste), Interprètes : Jahn Sung-kee, Lee Mi-sook, Kang Seok-woo, Lee Hye-yeong
Min-woo, l'étudiant en médecine, après un coup de foudre pour une musicienne, découvre, à la mort de son père, que sa mère décédée avait été une entraîneuse. Ce qui expliquait la haine de sa belle-famille envers lui. Il tombera de Charybde en Scylla vers son destin, tandis que son ami l'aidera de son mieux, vers le sien. Un roman-photo à l'originalité prévisible et excessive.
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La Guerre blanche (Hayan chonjaeng)
1997, Réalisateur : Jeong Ji-young, Scénariste : Jeong Ji-young, Kong Su-young, Chou Young-cheol, Shim Seung-bo d'après le roman de Ahn Jeong-hyo, Interprètes : Anh Seong-ki, Lee Kyeong-young, Shim Hye-jin, Han Ji-il, Kim Se-jun
Le romancier Han Ki-ju est pigiste en attendant de finir un livre sur sa guerre du Vietnam. Il remue ses souvenirs sans parvenir à les ordonner. Un camarade de son unité, Byeon Jin-su, est lui-aussi hanté par les atrocités et le contacte avant de sombrer dans la folie. Le film nous livrera progressivement le fil des événements avec une escalade dans les horreurs de la guerre. Mais la chute est inutile.
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A Petal (Ggot-ip)
1996, Réalisateur : Jang Sun-woo, Scénariste : Jang Mun-il, Jang Sun-woo d'après le roman Silently, A Petal falls de Choi Yun, Interprètes : Lee Jung-hyun, Mun Seong-kun, Lee Yeong-ran, Cho Sang-mi, Myeong Gye-nam
Une jeune adolescente perd sa mère dans la répression violente des manifestations de Kwangju, en mai 1980, qui ont marqué la Corée et son cinéma. Elle devient folle et poursuit son errance hallucinée en s'attachant à un manoeuvre, Yang, qui l'a violée et qui la rejette, mais finit par la tolérer dans sa cabane, avant de la perdre. Des amis de sa famille la recherchent et finissent par croiser la route de Yang.
N.B. Le commentaire du festival dit qu'elle se met à appeler le manoeuvre « Grand Frère ». C'est simplement un terme d'adresse qui pourrait être traduit par « Monsieur » (ou par le nom, quand celui qui parle le connaît).
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Le Vieux jardin (Orae-doen jeongwon)
2006, Réalisateur : Im Sang-soo, Scénariste : Im Sang-soo d'après une histoire originale de Hwang Sok-yong, Interprètes : Yum Jung-ah, Ji Jin-hee, Yoon Hee-seok, Kim Yu-li, Lee Eun-sung
À la suite de la répression des mêmes manifestations de Kwangju, en 1980, le jeune militant Hyun-woo, traqué par la police, entre dans la clandestinité et se réfugie dans les montagnes où il vit une histoire d'amour. Voulant reprendre la lutte, il se fait arrêter, et passe dix-sept ans en prison. À sa sortie, le monde et ses amis ont changé au cours des drames qui ont émaillé la poursuite des mobilisations des années de dictature. Il apprend la mort de son amante (qui n'était pas autorisée à communiquer avec lui) et l'existence de sa fille.
Le réalisateur Im Sang-soo (d'après le classique de Hwang Sok-yong) exprime consciemment le gâchis causé par les échecs des engagements politiques de ces années noires. J'y ai perçu une parenté avec le film Amerrika, que je venais de voir dans le festival, comme j'ai eu l'occasion de le lui dire. Son film montre la confrontation des sursauts de la grande histoire avec la vie personnelle d'un individu engagé, là où le film palestinien précédent montrait cette confrontation vécue du côté des gens ordinaires. Les effets de la politique comme négation stérile de soi.
Jacques Bolo
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