Cet Adieu au langage est plutôt un « Long Goodbye »
très bavard au cinéma. Comme chacun sait, Godard « ne veut pas nous raconter d'histoire ». Promesse remplie. Mais sans cette troisième articulation narrative, on a droit simplement à une longue séance diapos commentée en voix off. Godard a toujours su profiter des innovations techniques. Les diapos sont animées. On suppose qu'elles ont été shootées au téléphone portable.
Cette sorte de refus aphasique de l'obstacle de la narration produit le résultat curieux d'une série interminable de plans de coupe, de film dont on aurait enlevé les scènes cruciales, ou à la rigueur de bande-annonce géante pour un film qui n'existe pas. Comme d'hab, on a droit au name dropping littéraire ou musical qui a toujours plu aux gogos. Après tout, le cas Mosjoukine avait démontré que l'interprétation du spectateur dépendait du montage.
Tout est dans le montage. Justement. Godard démontre ici que la déconstruction ne signifie rien. Son adieu au langage, contre le théâtre filmé, n'a pas trouvé une écriture de l'image qui se suffirait à elle-même. D'autant que Godard semble hésiter entre un film porno, dont nous avait prévenus Fame, un film policier, une lecture poétique ou simplement une pub ratée (mais à l'impossible, nul n'est tenu) pour le tourisme en Suisse. Godard finit par se contenter de filmer son chien. Sur Internet, les chats ont plus de succès. Trop commercial. Le cinéma expérimental ne craint pas d'affronter les sujets difficiles. Il méritait bien le Prix du jury au Festival de Cannes en 2014. MDR !
La blague classique nous dit que Beethoven était tellement sourd, qu'il a toujours cru qu'il faisait de la peinture. Godard est tellement con (« le plus con des Suisses prochinois » selon les situationnistes), qu'il a toujours cru être le seul à faire du cinéma. En fait, contrairement à ses collègues de la nouvelle vague, il a simplement continué à faire de la critique en démontrant par la pratique que ce n'était pas pour rien qu'il ne fallait pas faire ce qu'il ne fallait pas faire (comme porter des chemises blanches) quand on fait du cinéma.
C'est vrai que, parfois, les autres aussi, à l'époque, auraient mieux fait de prendre des cours à l'IDHEC avant de passer derrière la caméra. Mais il ne faut pas dénigrer la critique cinématographique. Souvent, c'est un vrai travail de comprendre l'intention de l'auteur, ce qu'il a voulu faire, quand il n'y est pas vraiment arrivé. Bon, ça a toujours été le cas avec Godard (qui aurait donc plutôt mérité le Prix de la critique). Mais finalement, c'est vraiment lui le plus révolutionnaire de la bande. Il veut qu'on cesse définitivement d'exploiter les travailleurs du cinéma. Avec lui, le spectateur est complètement autonome. C'est l'autogestion. Godard nous balance ça et débrouillez-vous ! Faites-vous un film ! Au boulot, bande de fainéants !
Jacques Bolo
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