Coups de théâtre pour Luchini à « On n'est pas couché » ! Politiquement correct soit qui mal y pense !
Fabrice Luchini, peu après son passage au nouveau « Divan » de Marc Fogiel le 3 février 2015, est venu refaire son numéro habituel à l'émission de Ruquier, « On n'est pas couché » du 28 mars. C'est le bon client idéal. On ne s'en lasse pas. Mais, surprise ! Cette émission, qui s'annonçait anodine, a été le théâtre d'une triple révélation à son propos.
Forcément, il faut bien innover un peu. Les documentalistes ont fait des recherches et ont exhumé la première apparition de notre acteur préféré (environ 35:30), dans un film de Philippe Labro, Tout peut arriver (1969), où le personnage joué par Luchini nous fait précisément son numéro...de garçon coiffeur ! Et il s'appelle Fabrice (sachant que le véritable prénom de Luchini est Robert) ! De là à penser qu'il nous rejoue son premier rôle en boucle, il n'y a qu'un pas. Une bonne impro, ça se prépare...
Deuxième révélation dans la critique de Léa Salamé, qui lui dit que Philippe Murray a gagné (43:30) puisque tout le monde conspue le politiquement correct. Au point que c'est devenu la nouvelle norme, le nouveau politiquement correct, donc ! La défense de Luchini par Finkielkraut enfoncerait plutôt le dernier clou du sarcophage.
La révélation finale se produira quand l'autre animateur, Aymeric Caron, jouera les provocateurs en proposant un scoop politiquement incorrect : au fond, Luchini serait de gauche (environ 48:20), quoique pour des raisons nietzschéennes un peu vasouillardes, mais ça fera quand même plaisir à l'artiste, on se demande donc pourquoi ! Mondanités ou confusion ?
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J'ai donné la solution à ces énigmes cruciales dans le livre que j'ai consacré à La pensée Finkielkraut (les émeutes, l'école, l'antisémitisme, le racisme) et sa réplique ! Un passage concerne l'émission « Réplique » que ce philosophe anime depuis 1987 sur France culture. Celle du 21 août 2010, précisément à propos de Philippe Murray, avec Fabrice Luchini comme invité, a dévoilé le pot aux roses. Comme je le disais alors (pp. 25-26) :
« Face au nombreux public qui se presse pour voir le spectacle de Luchini, nos deux amis se sont plaints de l'affluence pour un auteur qu'ils jugent « politiquement incorrect ». La suite nous prouva que non (comme aurait dit Brassens), quand Luchini avouera, très honnêtement (c'est pour ça qu'on l'aime) :
« Après le gros ramdam du dernier spectacle, où j'étais dans des salles de deux milles places, je voulais revenir à quelque chose d'antipathique, je voulais revenir à quelque chose de pas facile, de rugueux... Et je voulais bien l'idée de faire un spectacle de Thomas Bernhard, de Schopenhauer... quatre grands désespérés pessimistes pour que les gens sortent accablés. C'était une manière, comme ça, dandy, de ma part, de dire voilà : on ne va pas être condamné à la séduction... Évidemment, je tombe sur Murray... C'est incroyable, parce que Murray à des vertus moliéresques, des vertus d'efficacité, et les gens rient comme s'ils étaient à un spectacle de... de Bigard ! C'est effrayant ! Ils rient beaucoup. »
[...] On constate que nos deux comparses semblent regretter l'époque où l'élite ne concernait qu'un tout petit public. Dans la période d'après-guerre, quand Finkielkraut était lycéen, l'école ne produisait que 10 % de bacheliers par an, et 50 % des jeunes hommes travaillaient à 14, puis 16 ans. [...] Mais ce public se pense toujours comme un petit groupe à qui Philippe Murray lui-même accorderait le privilège de ses mots d'esprit dans le salon des Verdurin. »
C'est la limite de la gauche Finkielkraut-Luchini. Dans les années 30 ou 60, on pouvait être de gauche en faisant partie de l'élite et en proposant généreusement un « élitisme pour tous », comme on disait à l'époque. Vilar lançait le Festival d'Avignon, Malraux les Maisons de la culture. Aujourd'hui, le prétendu « politiquement incorrect » défend le populisme contre les bobos qui sont les continuateurs de cette culture pour tous, enfin réalisée, malgré ses ridicules habituels qui ont toujours été critiqués.
Au fond, ce qu'on regrette, c'est l'époque où la culture était réservée à certains, et déniée à d'autres qui n'en étaient pas dignes et vers qui on faisait semblant d'aller à condition qu'ils se montrent reconnaissants. Brel nous donnait le truc des bonnes dames patronnesses : « Tricoter tout en couleur caca d'oie, ce qui permet, le dimanche à la grand-messe, de reconnaître ses pauvres à soi ».
Cette incompétence finkielkrautienne à traiter des questions de culture est devenue la norme actuelle. Je l'ai analysé comme une incompréhension de l'appropriation personnelle qui permet à l'élève de s'affranchir du maître.