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Société - Novembre 2013

La nouvelle affaire Soral

Résumé

L'humour « à la Dieudonné » contre Dieudonné et Soral. Humour noir. Les arroseurs arrosés ne sont pas les frères Lumières.

Ne voilà-t-il pas que certains se croient intelligents en ironisant sur le fait que la petite boutique des horreurs soraliennes est un bizness qui tourne. Cela permet de sous-entendre que c'est lui le capitaliste, et pour tout dire..., le juif. Le site JSS en a même rajouté en sortant un échange de mail (y a pas que la NSA qui nous observe) entre Soral et la femme (productrice) de Dieudonné (Noémie Montagne), où ça négocie ferme sur les droits d'auteurs des « quenelles » (sorte de bras d'honneur, dans les spectacles de Dieudonné, assimilé par certains au salut nazi).

Soral, toujours le mot pour rire, se fendra même d'un homérique : « J'espère que demain, il ne faudra pas aussi vous payer des droits pour être antisémite ? » Les Columbos en herbe exultent : « Ah ! On vous l'avait bien dit ! L'ordure s'est démasquée ! » En même temps..., comme masque, Yahvé mieux. C'est vrai que le bonhomme ne cache pas trop son complotisme protocolaire rétro à propos de ceux qui tirent les ficelles dans l'ombre de l'Empire. C'est dommage pour lui. Du coup, Michéa peut lui piquer la place de l'essayiste radical à la mode (plus dans la norme, puisque celui là vise plutôt les Noirs et les Arabes).

Le problème est plutôt du côté de tous ceux qui croient le combattre par le sarcasme en reprenant la vulgate pétainiste contre le libéralisme et le commerce (ou les droits d'auteurs - Internet oblige). Ils n'ont pas encore compris que cette stratégie n'avait pas marché depuis trente ans avec Le Pen. Ni la morale, ni l'imitation ne marchent.

En fait, ça n'avait pas marché depuis le début du vingtième siècle. Pour prendre la citation à l'envers : « le socialisme est bien l'antisémitisme des imbéciles » ! Le contraire était déjà un peu louche qui faisait quand même référence à un collectif (le début du XXe siècle était au romantisme fusionnel). Il était facile d'extrapoler en excluant ceux qui prétendaient alors à l'égalité de droits, comme on exclut ceux qui y prétendent aujourd'hui. Ce n'est pas par hasard que l'antisémitisme visait le cosmopolitisme, et non le contraire. Les ignorants ont besoin d'incarner les généralités. La gauche intellectuelle a tort de croire que le petit peuple comprend ses abstractions. Contre la connerie, il n'y a que l'intelligence. Mais ça ne se décrète pas.

Soral a été bien formé à l'école du Parti communiste. Il applique à la lettre le populisme tactique en se débarrassant de la théorie socialiste globale qui relèvait un peu trop de la scolastique (dont Badiou est le représentant aujourd'hui). Du coup, Soral reproduit le social-populisme réel sous la forme nationaliste de droite ou de gauche qui est sa vraie nature. Fascisme brun, fascisme rouge. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Évidemment, par définition, le souverainisme n'est pas généralisable. Et une incarnation locale a besoin d'un adversaire global incarné. C'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe. Tant que ça marche, pourquoi se fatiguer... Et ça permet de réunir les deux traditions.

Ironiquement, du fait que cela concerne l'humoriste Dieudonné, le procédé comique utilisé de part et d'autre (en se croyant plus malin dans les deux cas) correspond à ce qui avait été théorisé dans le premier livre de Soral, écrit en collaboration avec Obalk et Pasche, Les Mouvements de mode expliqués aux parents (1984), à l'époque où Soral était branché (pour ne pas dire bobo) ! Il y était question d'une forme humoristique dite du « double-exact » qui consiste à rire de ses conneries, de son racisme, pour les cons ou les racistes..., tout en le restant. Guy Bedos avait remarqué que certains racistes croyaient qu'il se moquait des Arabes. Et un autre livre, Le Folklore obscène des enfants (1974-2002), de Claude Gaignebet, observait que les enfants trop jeunes pour comprendre les blagues riaient quand même, et les répétaient de façon plus ou moins incohérente, souvent en remplaçant le sens de la blague par des gros mots.

Si j'étais Finkielkraut, je dirais que le niveau baisse, mais je considère plutôt qu'il n'a jamais été très haut chez les intellectuels français. J'ai eu l'occasion de dire plusieurs fois, ces derniers temps, qu'une des causes, après celle du marxisme stalinien, est sans doute le conformisme universitaire qui, depuis les années 1980, s'était replié sur l'entre-soi de la seule « reconnaissance par les pairs » accentué par l'inflation imbécile du « publish or perish ». J'ai l'impression que ça commence à changer sous la pression d'Internet. On verra.

Jacques Bolo

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