C'est reparti comme en 1990, 1993, 2003, 2008... Les syndicats s'opposent au travail du dimanche. Faut croire que la laïcité est à deux vitesses. « C'est pas pour aller à la messe. C'est pour la famille ! » On comprend mieux qu'il y ait eu tant de monde à manifester contre le mariage gay ! Une partie de la droite est pourtant pour le travail du dimanche. Elle défend les travailleurs qui veulent faire des heures supplémentaires. Les lignes bougent ou la confusion règne ? C'est plutôt des justifications bidon.
La véritable question est de savoir pourquoi certains ont le droit de travailler et pas d'autres. Spécialement quand les autorités accordent des autorisations au coup par coup. Comment ? Il n'y a plus de loi républicaine valable pour tous ? Les métiers de la restauration ou des loisirs « dans certaines zones touristiques » ? Merci pour les autres ! On a oublié Fernand Raynaud qui se moquait de la fermeture dominicale au Royaume-Uni dans le sketch « Sunday, it's closed ! » La France reste le kingdom des privilèges républicains.
Les volontaires pour le travail du dimanche nous rejouent le « Travailler plus pour gagner plus ! » J'ai démontré que la conséquence était plus certainement une augmentation des prix. On a oublié la période de l'inflation, mais c'est bien ça l'effet d'une augmentation du pouvoir d'achat. Quand il stagne, on n'y pense plus. Toujours des raisonnements partiels, intéressés, ou contrefaits. La conséquence est évidemment que ceux qui n'ont pas d'emploi en subissent doublement les conséquences. Il n'y a pas que les politiques qui cumulent. « Winner takes all » est devenu la règle.
Parce que le problème, on le sait, c'est le chômage, et celui de jeunes en particulier. On pourrait dire que les syndicats, pour une fois, défendent les chômeurs. Ben, non ! Ils défendent les travailleurs et le pouvoir d'achat (de ceux qui ont un emploi). Les autres attendront la reprise. Pourtant, le travail du dimanche donne quand même un peu de travail aux jeunes (en plus d'arrondir les fins de mois des autres). On comprend que le gouvernement, dont la priorité était la jeunesse, soit empêtré dans les contradictions entre les intérêts de ses clientèles.
Ici, la solution est pourtant simple : l'absence de repos commun et l'ouverture en continu en soirée obligent à partager le travail. Pour simplifier, on pourrait travailler 4 jours ou 3 jours. Le week-end traditionnel payé un peu plus. Ou bien, on pourrait complètement supprimer toute référence aux jours de la semaine ou aux horaires (trois jours et demi chacun). C'était bien le cas de ceux qui faisaient les trois-huit de la grande période ouvrière qu'on regrette tant !
Faut trancher de temps en temps. On peut continuer à jouer les faux culs en attendant que ça pète ou l'on peut décider en encadrant les pratiques déjà constatées. On n'a même pas besoin d'innover. Il suffit de ne pas s'opposer aux évolutions pour défendre des acquis antérieurs qui répondaient simplement aux conditions des époques précédentes (comme les trois-huit). Il ne faut pas confondre principes généraux et dispositifs contextuels.
La situation est mûre pour agir, car le chacun-pour-soi atteint une limite concrète : les parents ne peuvent plus espérer que leurs enfants bénéficieront de leurs avantages acquis en leur réservant des places. Les conditions matérielles ont changé. L'allongement de la durée de vie exclut l'idéal ancien de prendre la succession des aînés. L'éducation générale met tout le monde en concurrence. Et le travail féminin implique de doubler le nombre d'actifs. C'est ça la situation actuelle. Il faudrait commencer à l'enregistrer au lieu d'essayer de prolonger indéfiniment les situations anciennes en bloquant toutes les évolutions.
Jacques Bolo
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