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Politique - Avril 2013

Affaire Cahuzac : Plenel n'a pas tout compris

Résumé

Le lyrisme démocratique de Plénel ne correspond pas à la réalité sociale. Selon le principe sociologique de base, ceux qui s'étonnent sont ceux qui sont mal informés.

Ce matin, 3 avril 2013, sur France culture, à l'émission « Les Matins » de Marc Voinchet, où il était très normalement invité pour couronner sa victoire, Edwy Plénel s'est laissé un peu emporter par son lyrisme démocratique un peu réchauffé. Edwy Plenel aurait tort de trop se réjouir de son succès dans l'affaire Cahuzac (excepté pour les abonnements à son journal Médiapart). Sa position moraliste, qui énerve certains qui se sentent visés et quelques esprits forts désabusés, n'est pas partagée par ceux qui s'acharnent aujourd'hui sur Cahuzac. Plenel ne semble pas comprendre que le mécanisme qui consiste, pour la meute, à s'acharner sur une victime expiatoire qui porte les péchés du monde (comme Médiapart y contribue contre ses têtes de Turcs habituelles : Tapie, Minc, BHL, Sarkozy, et d'autres...), ne relève pas de cette démocratie qu'il invoque. Il devrait se méfier.

Le principe fondamental qui consiste à se regrouper pour être plus fort n'est pas original. C'est le principe même de toute société. C'est traditionnellement le principe invoqué pour lutter contre les puissants qui exploitent les faibles. Mais si les puissants exploitent les faibles, c'est simplement parce que les uns se sont regroupés davantage que les autres. C'est seulement pour cela qu'ils sont « puissants ». L'illusion est de croire que c'est une caractéristique intrinsèque, une essence, alors que ce n'est qu'une sorte de « prime au sortant » qui intimide et maintient le statu quo.

Le corollaire est justement que certains « faibles » préfèrent se mettre du côté du manche. Le « populisme » sur lequel Plenel fait des manières relève largement de ce principe. Si certains retournent leur veste pour se mettre de son côté, c'est simplement pour se mettre du côté du plus fort. C'est bien ce que Plénel remarque quand il parle de ceux qui soutenaient Cahuzac. Il doit comprendre que le principe est le même avec lui. Quand la tendance se retourne, il devrait imaginer le trouble des suivistes. Ceux qui se sont fait remarquer dans le camp des perdants vont en subir les conséquences. Ceux qui ne se seront pas fait remarquer ne devraient pas mériter mieux si leur jeu ne consistait pas justement à courir au secours de la victoire dans les dernières minutes de la vingt-cinquième heure, et plus, si heure d'été.

Dans l'émission de Voinchet, contrairement à ce que dit Plenel, on ne peut pas voir dans la troisième république du début du vingtième siècle l'idéal auquel il aspire. Il connaît pourtant la situation, spécialement celle de la presse qui était totalement corrompue, contrairement à ce qu'il semble prétendre. S'il y avait des grands noms parmi les politiques, c'est que c'étaient des notables. On peut admettre que c'est ce qui manque aux partis politiques, contre la caporalisation actuelle de députés godillots. Mais c'est lié à leur dépendance aux partis, et les électeurs sont complices.

J'ai personnellement réédité le livre de Robert de Jouvenel (oncle de Bertrand de Jouvenel), La république des camarades (1914), où il parle précisément de la collusion entre les quatre pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire et journalistique). Plénel a certainement lu ce livre il y a trop longtemps. C'était aussi mon cas. Mais je l'ai redécouvert récemment, en 2008, et comme il était épuisé et libre de droits, j'avais décidé alors de le rééditer. J'avais dû en envoyer un à Médiapart à l'époque. Plénel devrait le relire.

Son style personnel reprend un peu trop la grandiloquence de cette époque, celle de Jaurès ou de Clémenceau (dont j'ai aussi mis en ligne quelques textes). Mais il devrait davantage étudier la sociologie du début du XXe siècle, où il n'y avait que 1 % de bacheliers, contre 10 % quand il était lycéen et 65 % aujourd'hui. Il pourrait le savoir s'il a lu mon dernier livre (La Pensée Finkielkraut) que je lui ai aussi envoyé, et il devrait tenir compte de ces informations pour sortir de son couplet sur la décadence qui le rapproche justement un peu trop de Finkielkraut.

Plénel a cru trouver dans le journalisme une « continuation de la politique par d'autres moyens ». Il n'a pas tort sur ce point. Mais il est resté idéaliste (malgré une certaine roublardise de gauchiste rangé).

Jacques Bolo

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