L'affaire de la fraude de la viande de cheval vendue comme du boeuf à la société Findus pour ses lasagnes, après avoir accusé à tort la Roumanie au passage, a révélé l'ampleur de la tromperie sur la marchandise qui touche toute l'Europe. La société Spanghero, qui s'en est rendu coupable a invoqué l'ignorance de la codification de la viande de cheval sur l'étiquette, prétextant l'avoir confondu avec une simple référence d'article. Elle n'a pas convaincu les professionnels. La société qui a décongelé la viande pour la préparation des lasagnes aurait aussi dû s'apercevoir de la différence entre les deux viandes. Le donneur d'ordre Findus aurait dû effectuer des contrôles.
Après une suspension de l'agrément, la reprise de l'activité a été autorisée chez Spanghero. On imagine la catastrophe locale si cela n'avait pas été le cas. Castelnaudary est une ville de 11 000 habitants, avec ses sous-traitants, l'activité concerne environ un millier de personnes, sans doute deux ou trois mille avec les emplois induits. Si on considère que la population active est d'environ 6 000 (et 13,5 % déjà au chômage dans le département), il y aurait eu environ 50 % de chômeurs dans la ville.
On ne sait pas si la méfiance va permettre à la société de redémarrer. Mais les conséquences ne sont pas que locales. L'activité de Findus aurait diminué de 20 %. D'autres sociétés de préparations alimentaires subissent aussi de fortes diminutions d'activité. On pense évidemment à la crise de la vache folle.
On parle beaucoup de crise bancaire. On voit ici qu'une crise industrielle repose aussi sur la confiance que les consommateurs accordent aux producteurs. Dans un cas comme dans l'autre, il faudrait que des sanctions pénales rapides condamnent les responsables. Soit on suppose que tous les professionnels font pareil (« tous pourris »), soit il faut empêcher que ceux qui travaillent normalement en subissent les conséquences. Comme ce n'est généralement pas ce qui est envisagé, on se dit que certains ne doivent pas avoir la conscience tranquille, ou que les pouvoirs publics sont très laxistes quand il s'agit d'emploi. Et on voit le résultat !
On remarque d'ailleurs que l'affaire a été révélée parce que les Britanniques ont un fort « interdit alimentaire » concernant le cheval. On peut supposer que l'affaire aurait pu continuer longtemps alors que beaucoup de personnes devaient être au courant. On ne me fera pas croire que le directeur de Spanghero est le seul coupable. On peut supposer que les employés qui ne s'estiment pas responsables doivent quand même être avertis des pratiques en cours dans leur entreprise. Dans une entreprise, les informations circulent. Et ce n'est pas le directeur qui change les étiquettes.
On a connu, l'année dernière, l'autre scandale des prothèses mammaires de la société PIP (Poly Implant Prothèse). Comme le disait un article du Monde du 14 janvier 2012 : « Pendant près de vingt ans, Jean-Claude Mas a déjoué tous les contrôles en s'assurant de la complicité de ses salariés. » Certains ont même raconté devant les caméras de la télévision qu'ils changeaient les stocks pour du gel de silicone homologué seulement quand il devait y avoir un contrôle, puisqu'il était annoncé. Le responsable comptabilité modifiait les factures des fournisseurs. Après des ruptures des prothèses par dizaines, des salariés ont même réclamé l'utilisation de gel homologué Nusil. Mais l'entreprise était en difficultés financières. Et ce sont des chirurgiens qui l'ont dénoncé à l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, devenue ANSM depuis).
Tout cela montre la nécessité des contrôles sérieux et nombreux, et la nécessité de protéger les lanceurs d'alertes. Si ce genre de phénomènes se répète trop souvent, outre les conséquences directes pour les consommateurs, ce sont tous les produits français qui vont être déconsidérés. Puisqu'on parle de l'Allemagne, une partie de son succès provient de sa réputation de qualité. La véritable politique sociale ne consiste pas à créer des faux emplois avec de faux produits pour des consommateurs qui seraient contraints de les consommer dans le marché captif du protectionnisme.
La France a encore une réputation de prestige qui constitue une richesse, surtout pour le tourisme, et qui peut être valorisée à l'exportation si elle s'attache à maintenir la qualité de ses produits. La relativement mauvaise réputation des Français eux-mêmes ne doit pas avoir des retombées sur leurs productions. Ce n'est vraiment pas le moment.
Jacques Bolo
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