Bon, en même temps, c'est du sport. Même si on se laisse prendre au jeu, on ne peut pas espérer grand-chose d'autre d'une machine à décerveler et à corrompre les élus locaux à l'échelle planétaire. Mais ça n'a pas manqué, on a eu droit à l'épisode sur le voile pour les Jeux olympiques de Londres de juillet-août 2012. On venait juste d'avoir le même à propos de la décision de la FIFA d'autoriser le voile pour les joueuses de foot des émirats, au début du mois de juillet. Ça mérite bien la médaille d'or de la connerie.
La nouveauté était justement que des femmes d'Arabie saoudite et du Qatar participaient pour la première fois aux Jeux olympiques et celles du Koweit montaient une équipe de foot. Les féministes formalistes auraient pu s'écraser pour le coup. Mais la politique consiste à être intransigeant pour montrer sa radicalité et, surtout, éliminer les adversaires. Tolérance zéro et panier de crabes.
On peut comprendre que l'intransigeance puisse être payante. On doit comprendre aussi qu'elle peut ne pas l'être. En l'occurrence, il s'agissait quand même d'une petite avancée qui permettait effectivement la pratique sportive féminine dans les pays traditionalistes. Concrètement, il est quand même difficile d'espérer que les pays arriérés en ce qui concerne les droits de la femme (ou d'autres droits) passent du Moyen-âge au XXIe siècle sans transition.
Pour être clair, et justement dans ce domaine vestimentaire, on se souvient des costumes de bain de mer féminins du début du XXe siècle en Europe. Je me souviens des réactions à l'apparition du monokini et des seins nus. Et plus généralement, je pense que ceux qui sont intransigeants se font des illusions sur le degré de modernité de l'ensemble de leurs concitoyens. La mode actuelle en matière de culture consiste à raisonner en termes essentialistes alors qu'il s'agit d'histoire des mœurs. Sur le mode de raisonnement, il n'y a pas que dans les pays musulmans qu'on assiste à une régression.
On peut aussi se souvenir que les nageurs peuvent porter des bonnets de bain, qui correspondent assez au bonnet qu'a été autorisée à porter la judoka saoudienne Wodjan Shahrkhani aux JO de Londres. Quant au voile qu'on reproche aux footballeuses arabes (en reproduisant le débat sur le voile à l'école), on a pu voir, il y a quelques années, des combinaisons complètes avec cagoules pour l'athlétisme (!), à l'époque de Carl Lewis, si j'ai bonne mémoire.
D'ailleurs, si on est vraiment intransigeant, on pourrait aussi exiger de supprimer la séparation entre hommes et femmes dans les épreuves sportives. Malgré toute notre modernité et la vogue de la théorie du genre, il ne semble pas en être question. On peut noter que la question s'est aussi posée récemment pour la séparation entre handicapés et les autres avec le cas de l'athlète sud-africain Oscar Pistorius équipé de prothèses qui lui permettent de concurrencer directement les valides. Dans son cas, on l'a autorisé à concourir sur le 400 m aux JO.
Dans l'idéal, puisqu'il s'agit de « nos valeurs culturelles », les athlètes des deux sexes pourraient aussi participer aux épreuves complètement nus comme c'était le cas pour les Jeux olympiques de la Grèce antique. Cela pourrait augmenter l'audience pour mieux équilibrer le budget de l'organisation. Mais il faut bien le reconnaître, puisqu'on parle de régression religieuse, en matière de liberté corporelle, le christianisme nous a fait prendre plus de deux mille ans de retard.
Jacques Bolo
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