Le nouveau président, François Hollande, veut être un président normal, et c'est très bien. Il faudra faire un effort sur la tendance aux partis socialistes (sans parler des communistes) à vouloir être hégémoniques. Hollande a voulu marquer le coup par des hommages à Jules Ferry et à Marie Curie. Bon, on peut le lui accorder. Mais il ne faudrait pas croire non plus que c'est ça la normalité.
Le président a décidé de diminuer son salaire et celui des ministres de 30 %. C'est bien, même si le Sarkozy avait augmenté le sien de 170 %. Il reste quand même une augmentation de 89 % par rapport au salaire d'origine (270 - 30 % = 189). Même avec l'inflation (maximum 15 %), à supposer qu'il n'y ait pas eu d'indexation, il reste une augmentation de 60 %. On peut admettre qu'on la récupère sur la réduction du salaire des ministres. Passons. Mais restons vigilants.
Puisque Hollande se permet ce genre de mesure, on voit qu'il est pour la réduction des inégalités. C'est de gauche. La conséquence logique, et non symbolique, de cette réduction des salaires des membres du gouvernement est qu'il faut généraliser la mesure à toute la fonction publique, et d'abord aux plus hauts revenus. Est-il possible de diminuer légalement les salaires de l'administration ? Il faut voir ce qu'il en est des conventions collectives. Je ne m'étonnerais pas que cette possibilité existe du fait des exorbitantes prérogatives régaliennes habituelles. Je me souviens d'une réduction de salaire rétroactive des lecteurs étrangers de lycées, vers 1980. Ils avaient même dû rembourser ! Les hauts fonctionnaires qui ont pris des décisions de ce genre devraient pouvoir subir les mêmes mesures. S'ils remboursaient le trop-perçu depuis trente ans, le déficit n'existerait pas.
Le déficit du budget de l'État se montait à 100 milliards d'euros en 2011. Une administration n'est pas destinée à faire du profit, elle ne devrait pas l'être à faire du déficit. L'ancien Premier ministre François Fillon avait dit, en 2007, que la France était en faillite. Elle serait frauduleuse pour une entreprise privée qui se déclarerait en faillite alors qu'elle distribue des salaires trop élevés à ses dirigeants, ou à tous ses employés. Si l'État paye plus qu'il ne perçoit de recettes, cela relève du clientélisme ou de la prise illégale d'intérêt. On sait que ce sont les raisons de la crise grecque actuelle. On parle bien d'enrichissement personnel des individus que sont les fonctionnaires (leurs salaires ne vont pas dans les caisses de l'État, ils en sortent). Les socialistes devront changer leurs habitudes issues de l'administration locale sur cette question.
Il ne s'agit pas de dire que les fonctionnaires sont trop bien payés. Ce n'est généralement pas le cas de la plupart. Le gouvernement précédent voulait en réduire le nombre et augmenter le salaire des restants. On reconnaît le refus de partager le travail au seul profit de quelques-uns. C'était aussi une mauvaise solution, puisque c'est le système social français qui a permis d'amortir les effets de la crise. Comme je le disais récemment : « Ce sont les protections et le secteur public qui permettent de supporter les chocs. On s'en aperçoit quand une faillite touche une zone de mono-industrie et que la moitié de la ville se retrouve au chômage. L'effondrement de la demande détruit aussi le tissu commercial. Aux USA, la ville ferme et les gens s'en vont travailler ailleurs. »
Mais il reste qu'une gestion correcte ne paye pas plus de salaires qu'il y a dans les caisses. Il y a aujourd'hui un déficit de 5,5 %, il faut redescendre à 3 % (et encore, il n'y pas de raison). On peut en déduire simplement qu'on paye 45 milliards (ou 100) de trop aux employés et cadres de la fonction publique ou aux fournisseurs privés de l'État. Pourquoi ne pas simplement baisser les dépenses de 2,5 ou 5,5 % ? Le salaire moyen de la fonction publique est actuellement de 2 300 euros par mois. Cela fait une baisse moyenne de 57 euros (ou 126). Ce n'est quand même pas un drame pour enrayer le catastrophisme dû à la crise. Pour réduire les écarts, on pourrait en profiter pour diminuer les salaires de façon progressive, en faisant porter l'effort sur ceux qui ont, précisément, des salaires de ministres.
Si on veut « envoyer un signal fort » aux marchés, il suffit de leur dire qu'on n'a plus besoins d'eux pour boucler les fins de mois. Il en résulterait d'ailleurs une baisse des taux qui permettraient des investissements productifs. On pourrait ensuite augmenter les salaires. Et alors, ce ne serait pas symbolique, ni frauduleux...
Jacques Bolo
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