Tête de Turc
Article surréaliste de Laurent Mauduit sur Médiapart, le 10 janvier 2012 : « Minc écrase Hessel de sa morgue ». Il faut savoir que Minc est une des têtes de Turc de Mauduit, qui a écrit un livre sur ce personnage influent et très controversé comme porte-parole de la pensée unique. Mais il n'est pas le seul à s'attirer les foudres des lecteurs de Médiapart. Bernard Tapie, Jacques Attali, Bernard-Henri Lévy, entre autres, disputent ce privilège à l'équipe de Sarkozy et aux socialistes mous.
Mauduit marque Minc à la culotte depuis longtemps. Mais il a cherché la petite bête en lui consacrant cette brève, et il la joue faux cul en prétendant que Minc s'attaque à la statue du commandeur Hessel. Dans la vidéo que Mauduit présente, Minc, dit essentiellement que le mouvement des indignés ne s'est guère diffusé en dehors de l'Espagne. Et il se permet une ironie facile en disant que, bien qu'Indignez-vous ! ait servi de signe de ralliement, Hessel n'est pas le nouveau Karl Marx. Exactement : « Je suis très heureux qu'un homme que nous admirons tous qui est Stéphane Hessel termine sa vie en auteur de best-sellers mais ce n'est pas encore le Capital et Karl Marx. » On ne peut pas parler d'assassinat de la rue Morgue.
Bon ! Tout ça est sans grand intérêt. Mais on doit noter le fait social du déchaînement de commentaires absurdement hostiles au pauvre Minc qui lui donne l'allure d'un infâme blasphémateur des affaires récentes des caricatures de Mahomet ou des images du Christ. Et tout le monde de s'acharner en ressortant les vieilles affaires, car on est de gauche, mais on a ses fiches (Wikipédia) bien qu'on soit contre ou qu'il y ait prescription (« droit à l'oubli »). On rappelle sa complicité avec Sarkozy, ses casseroles des affaires financières, ses ratages, ses plagiats, la trahison de son origine de gauche. Ça fait beaucoup.
Il y a quelques années, Minc avait fait une lettre à ses amis patrons où il annonçait la montée de la contestation contre la finance et les « ça ira » qui précèdent « la lanterne ». J'avais pensé à l'époque qu'il sous-estimait la détestation dont il était lui-même la cible. Cet article nous offre un condensé de ce qui se manifeste chaque fois que son nom apparaît. On peut considérer que certains commentaires sont rigolos, mais l'accumulation, beaucoup plus importante que les extraits suivants, laisse une mauvaise impression :
« – On aimerait surtout... qu'un jour et prochainement si possible, il prenne une belle claque ! et qu'il n'aille pas se réfugier auprès de Martine Aubry. »
« – Vulgaire par essence, vulgaire par existence, vulgaire par définition. Les amis du président sont à ce point dignes de lui qu'ils sont à vomir. »
« – J'ajouterai que nous pouvons garder notre salive pour lui cracher à la gueule. »
« – Mais pour qu'un tel guignol puisse exister, et répandre ses âneries, il faut tout un système complice. »
« – c'est toujours dans ces périodes de trouble qu'on voit fleurir de telles plantes toxiques. »
« – Minc, minable plagiaire, amoureux de lui-même et aux petits soins pour son portefeuille. »
« – Comme s'il était capable d'admirer Stéphan Hessel ! C'est incroyable combien les hommes de petite taille se croient immenses ! »
« – Quel affreux petit, mais vraiment petit 'Minc'...! »
« – Toujours heureux d'avoir des signes de la détestation que cet individu suscite ! »
« – Ne parlez plus de lui... Il me donne la nausée. »
« – Laquais servile des vespasiennes intellectuelles. »
« – Alain Minc... avec son air d'hostie conchiée. »
« – C'est un poisson lune. Il est tellement gonflé de suffisance qu'il épouse le bocal et asphyxie le débat. »
« – Entartons, entartons ce sinistre histrion fanfaronnant ! »
« – Minc, Besson, etc., ce sont eux 'les vraies putes' » etc.
Outre quelques plaisanteries et critiques plus cohérentes (quoique très orientées) en référence au mouvement des indignés ou le rappel des erreurs de Minc concernant la crise, on ne trouvait, au moment où j'ai recueilli ces textes, que deux commentaires qui n'allaient pas dans le sens de la meute. Un disant : « Je [...] me demande quelle est l'utilité de ce papier comme souvent avec ce qu'écrit Mauduit. » (11/01/2012, 09:23 par jeanmichel1501) et un autre plus argumenté contestant l'interprétation de l'article :
« [...] Dire qu'Hessel n'est pas Marx où est la morgue ? Je pense que Hessel rirait lui même de bon coeur. Et si Didier Porte le disait ? Et si un sociologue de gauche expliquait l'absence d'impact réel autre que médiatique des indignés ? J'ai l'impression que vous donnez un os à ronger [...] et la petite meute (80% des commentaires) se jette dessus pour assouvir son agressivité à peu de frais. Et merde à la bien pensance moralisatrice. Je préfère quand on me montre dans quels conseils d'administrations, affaires etc. interviennent Minc et autres. Enfin, il ne serait pas mal venu d'avoir une analyse critique (au bon sens du terme) du phénomène des indignés. Ça serait autrement plus intéressant que de faire du Minc bashing » (11/01/2012, 09:34 par disteph).
Incompétence ou falsification
Un commentaire, après une critique de la position de Minc sur la faiblesse du mouvement des indignés, fera allusion à une interview récente de Minc en disant :
« Qu'attendre d'Alain Minc qui a expliqué à la radio que son père coûte trop cher à la sécu. » (11/01/2012, 16:21 par POJ)
Ce qui est immédiatement suivi par :
« Je viens d'écouter son entretien avec D.Abiker (lien que vous indiquez)... cela ne fait que confirmer tout ce que les mediapartiens viennent d'exprimer, dans leur grande majorité !
« Inquiétant de constater que soigner quelqu'un à 102 ans lui paraît excessif ... Il n'aurait pas un petit côté 'solution finale' ? Quel vilain monsieur ce Minc » (11/01/2012, 19:25 par Myrelingues).
Il faut souligner que Minc disait alors qu'il n'approuvait pas que son père, qui est riche, bénéficie d'une prise en charge qui devrait être soumise à des conditions de ressources. La position de Minc est très discutable, car il s'agit d'un système assuranciel. C'est sans doute un résultat de la mentalité actuelle « contre l'assistanat », qui règne dans les cercles patronaux. C'est une erreur, qui doit être traitée sur le plan rationnel. Mais il ne s'agit nullement de l'attitude d'un fils indigne ou d'un nazi. Un problème réside quand même dans le fait que la personne a mal compris la position de Minc après avoir écouté le document (21:41).
Précisément, le même problème s'est posé avec quelqu'un qui signe « Bienavous », et qui propose un autre lien pour enfoncer le clou :
« Pour ceux qui veulent voir Alain Minc se ridiculiser au cours d'un "Apostrophes" dans un échange sur les femmes avec Christian Baudelot, c'est ici - pour 3 euros :
http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/CPB89001590/les-annees-80.fr.html
« Christian Baudelot avait mis les rieuses de son côté et avait eu une salve d'applaudissements si je me souviens bien. Air déconfit du maestro garanti. Que ça fait plaisir de le voir se faire moucher proprement. » (11/01/2012, 07:21)
Comme au fond, j'ai toujours été un bon élève (comme Minc et Myrelingues ci-dessus), je suis donc allé voir, pour rire un peu. Ce que j'ai vu ne correspondait pas aux souvenirs de la personne qui avait indiqué la source (c'était gratuit). J'ai donc rapporté la nouvelle, un peu acrimonieusement :
« Je viens de voir la vidéo, je ne trouve pas qu'il se fait moucher. Ils lui répondent que les filles sont aussi un marché que les entreprises [devraient] prospecter quand [Minc] dit que l'exigence monte aussi, même si le niveau monte (vers 46') - et ils l'approuvent (vers 1h01). Et ce que Minc dit sur l'Europe (vers 50') paraît assez prophétique, et sur le nationalisme (à 1h09) aussi!!!!! »
« Il faut pas dire n'importe quoi non plus, et tout simplement mentir!!! » (11/01/2012, 10:56 par Jacques Bolo).
L'objection de Minc à la hausse de niveau portait sur la formation professionnelle. La réponse de Baudelot était sans doute influencée par le contexte, puisqu'on venait de parler de féminisme. Minc a raison de dire que l'exigence a monté, puisque le niveau scolaire antérieur était bas (1 % de bacheliers en 1900, 4 % en 1936, 10 % en 1970), ce qui confirme que le niveau monte. Mais il aurait dû savoir que la question de la formation était davantage traitée auparavant par les entreprises, alors qu'elles exigent dorénavant des employés déjà formés, quand elles ne débauchent pas ceux des concurrents, d'où les tensions.
Bienavous m'a répondu :
« Mon pauvre Jacques Bolo, vous faites vraiment pitié.
« Du haut de votre hyper-compétence, vous assénez des propos tous remplis d'une notable quantité d'importance nulle.
« Vous pensez beaucoup démontrer, et vous avez raison, vous prouvez chaque jour votre colossale cuistrerie.
« Vous jouez les premiers de la classe (comme le regretté Michel Alba il fut un temps), vous n'êtes qu'un héros chestertonien qui a tout perdu sauf la raison.
« Réalisez-vous au moins que vous ne servez à rien ? »
On peut voir, de façon assez pertinente, ce qui est en jeu. À quoi j'ai répondu :
« Ce que montre ce commentaire, est évidemment la haine de la vérité et de l'intelligence (pas la mienne, celle qui consiste à vérifier ce qu'on dit, ce que j'ai pris la peine de faire). [...]
« Je constate que la gauche est toujours stalinienne. Je le savais, mais j'avais tendance à le minimiser. Quoique j'aie toujours dit que "plus ça change, plus c'est la même chose". En même temps, je comprends que quand on est con, il faille se coaliser pour survivre. » (14/01/2012, 12:29 par Jacques Bolo).
Comme je l'ajoutais un peu plus loin, en reprenant l'opinion de disteph (que je n'avais pas lu à ce moment, postant simplement à la fin du fil, pour renvoyer à ma rectification) :
« Je suis assez consterné par le niveau et les mensonges (voir mon commentaire précédent sur l'interprétation d'un lien vidéo, preuves à l'appui). Minc dit simplement que le livre de Hessel 'n'est pas le Capital de Marx' parce qu'il estime que le mouvement des indignés espagnols est un mouvement minoritaire (je pense qu'il a tort). Il n'y a pas de morgue, mais une référence au fait que le mouvement prend comme nom le titre du bouquin. Faudrait un peu arrêter les conneries et la curée sur des têtes de turc comme seul mode de comportement (Psychologie de masse du fascisme est un autre titre intéressant). Ça fait peur d'ailleurs !!! » (11/01/2012, 11:07 par Jacques Bolo).
Mais je crois en effet que Bienavous a raison. Ce n'est pas la peine d'argumenter si le but est de hurler avec les loups. Certains commentaires concèdent prendre plaisir à se défouler un peu. On peut supposer que c'est la période électorale qui veut ça. Il semble que ce soit le moment de se positionner pour aller à la soupe. Même sans enjeu réel, c'est parfois une seconde nature. Mais comme c'est ce qu'on reproche à Minc, cela ne me semblait pas très cohérent. Je me faisais aussi des illusions sur le fait qu'on pouvait rectifier autre chose que l'orthographe. C'est une erreur. On n'a pas besoin de raisonner, même pour ceux qui se revendiquent habituellement de la raison et de l'argumentation, jusqu'à la nausée. Il suffit d'être du bon côté du manche. Mais la logique machiavélienne dont je me réclame dit simplement que, si c'est comme ça que ça marche, il ne faut pas s'étonner et aller pleurnicher ensuite. Comme on fait son lit, on se couche !
En ce moment, sur Médiapart et ailleurs, on reparle de Nizan et de ses Chiens de garde, en particulier à propos d'un documentaire récent, après le livre de Serge Halimi Les Nouveaux chiens de garde, qui vise aussi Minc. Il faut cependant rappeler que le livre de Nizan était un pamphlet philosophique stalinien orthodoxe, et que Nizan après avoir pris ses distances avec le Parti communiste par opposition au pacte germano-soviétique, a été traîné dans la boue par ses anciens camarades, qui l'ont traité d'informateur du ministère de l'Intérieur. Sartre, malgré ses compromissions excessives avec le PC, avait défendu son ami Nizan, ce qui est tout à son honneur. Aujourd'hui, certains se revendiquent de Nizan alors qu'ils se comportent comme la piétaille stalinienne. C'est mon tour
Minc n'est évidemment pas le seul à être la cible de Médiapart pour des affaires aussi insignifiantes. Récemment un article d'Ellen Salvi du 11 janvier 2012 : « Éric Brunet, très sarkozyste et peu journaliste » avait donné lieu à un déchaînement équivalent de la meute. Il avait fait paraître un livre, Pourquoi Sarko va gagner, et avait été opposé, au cours d'une émission télé sur le sujet, « Ce soir où jamais », à Edwy Plenel, directeur de Médiapart qui venait de faire paraître un bilan du sarkozysme. C'est forcément le jeu des médias de les mettre en présence.
Peu de temps avant, le 26 décembre 2011, Edwy Plenel lui-même publiait un article, « 'Méthodes fascistes' : Xavier Bertrand renvoyé devant le tribunal », à propos de la plainte que Médiapart a déposée contre le ministre. Ce dernier avait proféré cette accusation contre la publication des enregistrements de conversations privées à propos de l'affaire Bettencourt, dans une affaire ancienne, le 6 juillet 2010. Plenel n'a sans doute pas supporté qu'un ministre de droite insulte dans ces termes un journal de gauche, dans la mesure où cette accusation est habituellement employée en sens contraire, et souvent de façon tout aussi exagérée. Mais on sait que ce gouvernement a l'originalité d'utiliser tous les moyens, et n'hésite pas à attaquer en justice. Que Médiapart fasse de même est de bonne guerre, et que Plenel soit mortifié à la mesure de la sacralité qu'il accorde à sa fonction, je le comprends. J'ai néanmoins considéré que cette affaire n'était pas très importante et ne méritait certainement pas un procès et je l'ai manifesté dans un commentaire succinct, qui s'est trouvé être le premier de la liste :
« Vous avez du temps à perdre ! » (26/12/2011, 19:03 par Jacques Bolo)
Ça n'a pas manqué. J'ai eu droit au déchaînement de la meute :
« – Tiens encore un UMP qui est sur le forum » (26/12/2011, 19:34 par Léon_Botia) « – ... et qui s'est trompé de journal ! qu'il lise le Figaro ! » (27/12/2011, 10:36 par hthoannes) « – C'est plutôt comique de voir que des crétins de droite payent un abonnement à Mediapart pour laisser des commentaires aussi lapidaires que débiles... » (26/12/2011, 22:55 par MichelF)
« – Et vous sûrement besoin de prendre du temps avant de proférer une ânerie. Si l'expression "méthodes fascistes", dans ces circonstances et dans la bouche d'un ministre (même notoirement inculte) vous paraît anodine, c'est qu'il vous manque probablement quelques fragments d'intellect. » (26/12/2011, 19:17 par Apeiron)
« – Des remarques de bolo niaises !!! » (27/12/2011, 10:06 par bodamcity)
Ce dernier commentaire a été recommandé six fois!!!!
Notons que certains ne me connaissent pas et me reprochent de faire bref, contrairement à ceux qui me reprochent d'argumenter :
« – ... rien que du temps à gagner cher M BOLO : à gagner sur la mafia qui nous gouverne !! Au passage votre formule lapidaire relève assurément de l'analyse de situation et de la pensée complexe ! ... c'est navrant ! » (26/12/2011, 22:01 par SweetHome)
Ou me prennent pour un autre, qui intervient de façon critique (car « faut pas ») :
« – C'est toi boddi machin truc bidule chouette machin chose tu as changé de nom maintenant???? Au fait il est passé où ton pote??? » (27/12/2011, 08:17 par LA VIème REPUBLIQUE)
D'autres sont quand même plus circonstanciés :
« – A M. Bolo. C'est vrai : avec une clique pareille, et ses chiens de garde, on perd son temps à ester en justice. Elle ne connaît que son droit, pas le droit en général, celui qui définit l'intérêt public ; pour elle le droit est celui du plus fort, c'est-à-dire le sien. La logique est simple : la majorité venue des urnes a toujours raison, adage très utile quand on est dans son tort. La guillotine constituerait-elle une voie... plus courte ? » (26/12/2011, 20:43 par jean-luc hill)
« – Dans l'absolu Xavier Bertrand a raison. Ce sont des méthodes d'un autre temps. D'un temps où les journalistes ne s'agenouillaient pas sur le tapis de la dévotion au président et étaient des empêcheurs de magouiller en rond. Il est vrai que cette race de journaliste était plutôt rare en France mais plus répandue dans les pays anglo-saxons. » (27/12/2011, 08:01 par Roger WIELGUS)
« – Du temps à perdre ? C'est perdre son temps que de se défendre d'accusations aussi grotesques ? Quand une personne, chargée des responsabilités que sont celles malheureusement attribuées à ce guignol de Xavier Bertrand, se permet d'ouvrir sa gueule, en toute connaissance de cause sur les actions et méfaits de son clan dans l'affaire Bettencourt, et de mentir consciemment à son peuple en portant d'ignobles accusations sur ceux qui révèlent la vérité, c'est de la malhonnêteté orientée, de la manipulation. C'est salir la France et abuser de son influence pour la tromper effrontément. Xavier Bertrand est une raclure, sans d'autre morale que celle commune à la classe dirigeante de l'UMP: des sous-sous dans la popoche et puis c'est tout. » (27/12/2011, 09:56 par Kaio). (....)
Ce sont quand même des arguments convenus, et trop généraux. C'est un peu le défaut du style Plenel, qui est contagieux. Je ne suis toujours pas convaincu de l'utilité d'une plainte dans cette affaire spécifique. Un autre commentaire m'opposera toujours cette perte de temps, et la qualité générale de Médiapart :
« – Il semblerait que vous aussi, pour avoir lu cet article et lire Médiapart... vous en ayez du temps à perdre... Pour ma part, je trouve que Médiapart, est un excellent journal, qui sait et ose débusquer les affaires, que nos politiques essayent depuis trop longtemps d'enterrer » (27/12/2011, 11:30 par pierrette richard)
J'ai répondu à ce commentaire qui traite cependant davantage de l'affaire Bettencourt (entre autres) que de l'affaire Bertrand, en en profitant pour répondre à tout le monde :
« Non, je m'informe, mais j'avoue que j'attendais mieux. Et je ne lis pas que des journaux avec lesquels je suis d'accord (outre le fait que je ne suis d'accord avec personne, ça aide). « Sur le fond, cette attitude est une attitude personnelle, comme dans le cas qui me concerne, où j'ai été victime d'un plagiat (Médiapart a fait plusieurs articles sur le sujet du plagiat universitaire). Je l'ai signalé et j'ai informé mais je ne vais pas en justice. Quant à être de droite parce qu'on ne va pas en justice, j'avoue que je méprise totalement ce comportement de roquet stalinien qui envahit les commentaires, et qui plombe le niveau de Médiapart.
« Ce comportement de "ligne du parti" n'est pas le mien. Il suffit de voir les commentaires envers un simple point de vue, qui en vaut un autre, ni plus ni moins. Est-ce qu'on doit être d'accord avec la meute, avec le parti ??? Est-ce qu'on doit demander la permission à quelqu'un ?? Est-ce que c'est ça la gauche ?? Alors, vous l'avez dit, je suis de droite! Ouf !!! Putain ! Les cons !!! » (27/12/2011, 13:18 par Jacques Bolo)
En fait, j'ai justement un peu hésité avant de mettre le commentaire qui a déclenché tout ça, parce que je voyais bien que c'était le premier et que ça lui donnait une importance qu'il n'avait pas. Je pensais simplement que dans cette affaire spécifique, cela ne vaut pas la peine d'aller en justice. Puisque j'en ai parlé, je pense que mon affaire contre le plagiaire le mériterait davantage. Et si j'en avais les moyens, je prendrais certainement le temps de déposer une plainte. Dans le cas des paroles de Xavier Bertrand, je pense que c'est insignifiant. Au pire, je penserais que c'est même instrumentaliser la justice pour sa publicité, si je ne considérais pas Plenel comme idéalisant trop son sacerdoce.
Mais le véritable problème est justement la censure. J'ai moi-même hésité avant de mettre mon commentaire parce que je sais que la liberté n'existe pas et qu'on obéit à la pression sociale. Je crois que j'ai fait bref pour ne pas être trop critique. Mais ça ne suffit pas. Il faut faire attention à ce qu'on dit et, mieux, se taire, ne pas se faire remarquer, si on ne veut pas être rappelé à l'ordre, rabaissé et écrasé.
Ce que je dis ici, c'est qu'il ne faut pas se faire d'illusion sur ceux qui lisent les journaux comme Médiapart, ni sur personne. Et je considère que ce type de comportements explique parfaitement les phénomènes historiques détestables de l'histoire récente. Les « méthodes fascistes », puisqu'on en parle.
Modèle économique ou modèle social
Médiapart a décidé de dépendre de ses lecteurs plutôt que de la publicité. Ce pari semble en voie de réussir. Il tenait compte, sans doute, de la critique classique de cette dépendance envers la publicité, comme l'avait formulé Robert de Jouvenel (oncle de Bertrand de Jouvenel) dans La république des camarades (1914), que j'ai réédité (soit dit en passant) :
« Ainsi se définissent les nécessités auxquelles le directeur de tout journal ne saurait se dérober : des informations pour avoir de la publicité ; de la publicité pour payer les informations et distribuer des dividendes. Il peut, en dehors de cela, poursuivre les conceptions politiques les plus hautes, il peut nourrir les croyances les plus désintéressées. Mais il n'a le droit de risquer la faillite ni pour ses conceptions, ni pour ses croyances.
« Avant de prendre une détermination quelconque, le directeur responsable d'un journal - fût-il un apôtre, fût-il un saint - est contraint d'envisager ces deux termes : 1° Ne pas froisser ceux qui détiennent les informations, c'est-à-dire toutes les puissances politiques et administratives ; 2° Ne pas heurter ceux qui détiennent, la publicité, c'est-à-dire toutes les puissances commerciales et financières. C'est à ce prix qu'un journal est indépendant.
« Et je veux bien que ce soit la faute des journaux ; mais c'est avant tout la faute du public. Si jamais le bon public, l'excellent public, qui se gausse de ces servitudes, s'avise de vouloir lire un journal complètement indépendant qui n'ait besoin ni du pouvoir, ni de ses agents, ni du commerce, ni de ses représentants, il l'aura. Il lui suffira de payer ce qu'on lui vend, au prix de revient. S'il y avait en France dix mille personnes résolues à sacrifier chaque matin quatre ou cinq sous pour le seul plaisir de lire un journal qui ne soit le prisonnier ni de ses subventions, ni de sa publicité, ni de ses actionnaires, ce journal paraîtrait demain. Mais n'y comptons pas trop.
« Il y avait une fois, voici quelques années, un journal qui avait tiré à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires et soulevé un tumulte inouï parmi les passions françaises. Cependant, dans la paix publique rétablie, ce journal voyait se calmer le zèle de ses lecteurs. Il fit un plébiscite pour demander à ses derniers fidèles s'ils seraient disposés à payer dorénavant deux sous [NB : deux sous = dix centimes] leur journal, pour lui permettre de vivre et de rester fidèle à sa politique. Vingt mille lecteurs enthousiastes répondirent :
« – Deux sous, trois sous, cinq sous, si vous voulez.
« On les crut. Moins d'un an après, le journal ne tirait même plus à six mille. Car personne ne se croit assez riche pour payer deux sous à ses partisans ce qu'il peut avoir pour cinq centimes chez l'adversaire. ».
Ce qu'on constate avec Médiapart, c'est qu'un journal dépend aussi du bon vouloir de ses lecteurs qui menacent de se désabonner dès que le journal, ou les commentaires en ligne, s'éloignent de leur ligne politique (la ligne Mélenchon est majoritaire actuellement et se livre au spam-trollistique dans les commentaires). Leur livrer de temps en temps les têtes de Turcs habituelles permet de relancer l'adhésion. Jean Baubérot, spécialiste de la question laïque, dans un article récent sur Médiapart, révèle ce truc de bateleur : « Un orateur un peu cynique du tournant du XIXe et du XXe siècle racontait que lorsqu’il avait soudainement envie de se rendre aux toilettes au milieu d’un discours, il se mettait à dire du mal des juifs et la salve d’applaudissements qu’il déclenchait lui donnait largement le temps d’aller se soulager ». Parler de Minc est un bon truc pour exciter les trolls et faire de l'audience.
C'est le problème évident du socialisme qui est forcément réductible à la somme de ses adhérents (contrairement au dogme qui prétend qu'il leur est supérieur). Cette dure réalité semble confirmer la notion de séparation des pouvoirs et condamne le modèle économique sans publicité de Médiapart. Seule la mise en concurrence des moyens de subsistance (publicité, lecteurs, sponsoring, aides institutionnelles) garantirait vraiment l'indépendance. Sinon tout ça va finir en journal militant. Certains se demandent d'ailleurs déjà ce que va devenir Médiapart, s'il ne peut plus taper sur Sarkozy en cas de sa non-réélection.
Quant à moi, comme Minc (qui l'affirme de temps en temps), je reste le dernier marxiste, la solution du « Club », qu'offre Médiapart, ne me plaît guère : « Je ne voudrais pas faire partie d'un club qui m'accepterait comme membre ». Minc est marxiste orthodoxe, moi, c'est Groucho.
Jacques Bolo
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