Le dimanche 20 novembre 2011, dans son émission de France culture « Tire ta langue », Antoine Perraud recevait Alain Finkielkraut. Première anomalie, car Finkielkraut anime une autre émission sur la même radio, tous les samedis. C'est un copinage qu'il est courant de considérer comme limite sur le plan déontologique. Mais comme le bouquin de Finkielkraut, Et si l'amour durait (Stock, 2011), porte sur l'amour, alors que l'émission de Perraud concerne la langue, le conflit d'intérêt se confirme.
Passons aussi sur le cirage de pompe qui glisse sur les positions politiques controversées de Finkielkraut auxquelles est accordée une absolution toute dominicale, mais peu laïque, par la grâce du culte de la littérature (« Les auditeurs de France culture connaissent bien Alain Finkielkraut qui les crispe parfois quand la politique s'en mêle, qui les comble toujours dès qu'il s'agit de littérature »). Dans un article de Médiapart, Perraud s'était montré bien moins magnanime avec Danielle Darrieux qui n'est qu'une actrice. Il n'a pas considéré non plus comme récidive réactionnaire l'émission de Finkielkraut de la veille même qui réinvitait justement le passéiste caricatural Renaud Camus, qui profite aussi d'un rachat par les arts-et-lettres (effectivement impressionnant dans sa déclamation théâtrale, à l'occasion d'une autre émission).
Que vient faire dans une émission linguistique un texte sur l'amour, et un dialogue essentiellement focalisé sur La princesse de Clèves ? Il sera honnêtement reconnu que le roman n'est pas démocratique dans son exaltation d'une société d'ordre devenue l'imaginaire de Finkielkraut. Mais il sera négligé que l'amour idéalisé et sacrificiel se résume plutôt à une profession de foi chrétienne (thème de la fugacité de l'amour des hommes) maquillée en exemplum (fable morale chrétienne). Nous avons vu que certains faux laïques français oublient souvent que le dimanche est une fête religieuse et que leur émission vient justement après la messe sur France culture... et celle de Perraud juste après (n'en demandons pas trop non plus).
Mais je suis injuste. Le rapport à la langue est apparu évident à la lecture d'extraits du roman La princesse de Clèves. La pertinence est simplement une débauche d'imparfaits du subjonctif dépassant la dose prescrite (largement au-delà de la limite légale) que nos deux bovarystes, amoureux de la langue plus que de l'amour, se sont empressés de reproduire dans leurs échanges courtois. Société de cour.
Jacques Bolo
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