Je constate que la crise grecque a déclenché un délire généralisé sur Médiapart. Les articles et les commentaires rêvent de Grand soir en parlant de « peuple » et de « démocratie », en en rajoutant une couche de références étymologiques qu'ils prennent pour des raisonnements. Comme je l'ai écrit dans un de mes commentaires :
« Démocratie », ça veut dire que le peuple assume les dépenses que ses représentants décident.
Le mot grec pour ne pas assumer ces dépenses n'est pas « démocratie », mais « démagogie ».
Bon, c'est presque pareil. Désolé pour les dyslexiques.
Qu'est-ce qui s'est sans doute passé en Grèce ces dernières années ? Les Grecs sont entrés dans l'Union européenne et dans la zone euro. Ils ont reçu des aides pour un rattrapage. Soit ces aides ont été utilisées, soit elles ont été détournées. Si elles ont été détournées, il faut retrouver les coupables. Si elles ont été utilisées, elles n'ont donc pas été productives, comme celles engagées pour les Jeux olympiques de 2004, au moins en terme de recettes fiscales. Et d'abord parce que les Grecs ne veulent pas payer les impôts qui correspondent aux revenus issus des dépenses engagées.
J'ai déjà mentionné (« Grèce, Portugal : Faire payer les pauvres ») le fait qu'une des conséquences de l'entrée de la Grèce dans l'union a sans doute été une augmentation des prix qui a dû nuire au tourisme qui s'est reporté sur la Turquie, par exemple. Le problème de tous les pays est bien de trouver des relais de croissance, quand un secteur est concurrencé.
La solution envisagée, en France, spécialement par la gauche de la gauche (de la gauche de la gauche...) semble être une dévaluation et un retour à la drachme. Mais, outre le renchérissement de la dette, cela correspondrait au final à un retour à la situation antérieure, avec les revenus de l'époque. Cela signifie que la Grèce n'a rien à vendre à part du tourisme bon marché. Elle aurait donc les revenus des pays du même niveau (Turquie, Tunisie, Maroc).
Le paradoxe, surtout à gauche, est évidemment qu'on défend l'impôt, dont on exonère les Grecs. On semble aussi vouloir des salaires élevés sans corrélation avec la production. Le gros paradoxe est qu'on semble défendre une situation coloniale où la Grèce, parce qu'elle fait partie de l'Europe (chrétienne), mériterait le niveau de vie « européen » que la Turquie (dont le touriste marche) ne mériterait pas. On voit qu'on parle de « démocratie grecque », avec les métèques et les esclaves.
J'ai également envisagé (dans « Théorie de la crise », entre autres) que le problème actuel est de construire un système qui permette une égalité plus grande des citoyens dans le contexte actuel d'une grande classe moyenne. Le jeu politique, on le voit, consiste toujours à éviter de faire partie des exclus résiduels.
Il est intéressant de noter que la tendance persiste à considérer que c'est une sorte de question d'essence, plutôt que de résultat de la concurrence entre les individus.
Jacques Bolo
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