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Politique - Juillet 2011

Primaires ? Problèmes et Solution

Résumé

Au lieu d'utiliser le système des primaires, la cacophonie habituelle des présidentielles, à gauche comme à droite, pourrait être résolue par une méthode de sélection préalable des candidats par des grands électeurs.

Tous candidats ?

Pour l'élection présidentielle 2012, les derniers candidats aux primaires socialistes se sont enfin déclarés. Strauss-Kahn éliminé, j'avais déjà noté que son affaire n'aurait sans doute pas eu lieu s'il s'était décidé plus tôt au lieu de jouer au plus malin. Les écolos viennent de terminer leurs primaires, et d'éliminer Nicolas Hulot au profit d'Éva Joly, à la surprise de la médiasphère, qui croyait sans doute à la prépondérance du médiatique sur tout autre critère. À droite, les candidats ne sont pas encore tous en lice et, pour le moment, jouent encore à « retenez-moi ou je fais un malheur ! », pour monnayer un prochain ministère.

J'ai déjà dit ce que je pensais des candidats pour les primaires PS : Hollande aurait dû y aller la fois précédente ; Aubry représente pour moi le népotisme héréditaire régnant (bizarrement) à gauche ; Valls joue les Sarkozy de gauche sur les thèmes médiatiques ; Montebourg concurrence-t-il Mélenchon sur la démondialisation parce que Éva Joly lui vole la vedette sur l'anticorruption ? Royal aurait pu bénéficier de son expérience, mais le but de tout socialiste est d'éliminer la concurrence. On a déjà vu ça avec Kouchner, qui était trop populaire pour qu'on lui donne une place qu'il est allé chercher ailleurs. Si le PS était pragmatique, c'est Jack Lang qui aurait dû y aller en 2007. C'était lui le plus populaire et il avait une légitimité incontestable dans le domaine culturel avec une compétence institutionnelle.

Éva Joly a donc pris la place de Cécile Duflot ou de Daniel Cohn-Bendit qui ne veulent pas s'y risquer. Ils ont raison. Un écologiste ne peut pas être élu de toute façon. Leur drame est de subir la dictature du présidentialisme et de la politisation sur ce qui devrait être une multitude de stratégies citoyennes qui devraient le rester. D'ailleurs, Nicolas Hulot représente parfaitement cette dérive. Il faisait davantage pour l'écologie par ses émissions télévisées ou sa fondation, sans avoir à besoin de se soumettre à la démagogie électorale, ni de participer aux querelles de personnes qui affaiblissent la cause qu'il défend, ni de subir les chicaneries des écolos dogmatiques. On peut d'ailleurs constater qu'il a été le premier à être convaincu par ses propres prestations télévisées. Il ne devrait pas minimiser cette stratégie dans le cadre de ce qu'on appelle la société civile, par opposition à l'action politicienne.

Marine Le Pen installe le FN dans une sorte de légitimité et veut rééditer le coup de 2002 en arrivant au deuxième tour de la présidentielle. Son score annoncé est supérieur aux prévisions qu'avait obtenues son père. Elle considère que cela annonce un score encore plus fort. Mais cela peut signifier simplement que les électeurs avouent plus volontiers leurs intentions de vote, qui devaient habituellement être corrigées par les sondeurs. Les femmes pouvaient être la cause de cette minimisation et la présence de Marine peut les décomplexer. Cette fois, elle espère même gagner en tablant sur l'abstention des électeurs du candidat éliminé. C'est très optimiste. Je pense plutôt qu'elle ne fait que polluer le débat, comme d'hab, en le centrant sur ces thèmes xénophobes et isolationnistes qui plombent la réflexion dans tous les partis.

La surprise du moment est que Mélenchon a réussi son OPA amicale sur le Parti communiste. Mais il n'a pas encore réussi à fédérer l'extrême gauche. S'il y arrivait, il pourrait même récupérer la gauche du PS, et reconstituer le PC de la grande époque. Il confirme ce que j'avais indiqué sur le partage des forces (sociaux-démocrates /« gauche de la gauche » : 20% / 20%). Mais la gauche est toujours minoritaire et les écologistes prennent plus de voix à la gauche qu'à la droite.

La droite est encore dans l'expectative et refuse les primaires pour faire bénéficier le sortant de la prime habituelle. Seule Christine Boutin s'est déclarée. Borloo ou Villepin jouent les divas. On va avoir droit à quelques marginaux comme Dupont-Aignan ou autre. Un candidat centriste tentera de court-circuiter Bayrou, qui essaiera de son côté de refaire le même coup qu'en 2007 pour prendre des voix à la gauche. Cela devrait moins bien marcher cette fois-ci.

Bref, le seul candidat de droite risque bien d'être Sarkozy, car il est dans la nature des conservateurs de jouer la sécurité. C'est le cas de le dire. Il a déjà commencé sa campagne people par la grossesse de sa femme, qui va accoucher au bon moment, et celle de posture présidentielle par une guerre, en Libye et sa poursuite en Afghanistan, avec la coopération gracieuse (on ne va pas supposer en plus qu'ils sont payés) des talibans. Si Sarkozy se fait discret pendant quelque temps, il pourrait irriter un peu moins. Mais il faudra bien qu'il se mouille à un moment ou à un autre. Sa difficulté est de prendre des électeurs au FN sans faire une campagne exclusivement d'extrême droite. C'est pas gagné. Heureusement pour lui, la division à gauche semble lui garantir le second tour.

Mais chaque candidat rêve secrètement de la présence de Marine Le Pen au second tour qui éliminerait son concurrent pour être élu dans un fauteuil. On a vu, aux dernières cantonales, que le report des voix se fait moins bien à droite qu'à gauche. Voilà où la politique française en est réduite !

Méthode de tri

La question des primaires, pour sélectionner parmi la pléthore des ambitions et des candidatures de témoignage, vise à résoudre les limites du présidentialisme qui domine la vie politique. On parle d'une sixième république qui ne vient pas. La question du corps électoral s'est posée pour les primaires écologistes et se pose pour le PS. Il n'est pas question, par exemple, que je signe un engagement à « partager les valeurs de la gauche », pour pouvoir y participer, alors que j'ai voté socialiste aux deux dernières présidentielles et que j'aurais sans doute voté de la même façon à la suivante (mais c'est moins sûr). La droite a parlé de fichage. C'est exagéré, mais c'est quand même un problème.

On cherche une solution qui éviterait les manipulations et les diktats internes, à droite comme à gauche. Une solution plus démocratique devrait chercher à éviter les stratégies d'élimination malveillante des adversaires. Elle pourrait s'inspirer des primaires à l'américaine qui consistent, en fait, à élire des représentants au suffrage universel, dans un système indirect d'élection présidentielle. Mais on voit que le système américain n'est pas parfait non plus. Il n'exclut nullement les coups bas, au contraire, et mobilise une surenchère de financement qui favorise la corruption.

Une solution intermédiaire, entre le système français et américain, pourrait consister à infléchir le dispositif français actuel des parrainages. Au lieu d'exiger cinq cents signatures, ou plus, pour limiter le nombre de candidats, on pourrait considérer les élus comme des grands électeurs qui choisiraient, non le président, mais les candidats à l'élection. Il suffirait d'exiger 10 % de voix (par exemple), ce qui en limiterait le nombre et obligerait à recueillir le maximum de signatures pour être dans les dix premiers. Comme certains auraient beaucoup plus, cela limiterait davantage le nombre de candidats, ainsi que la stratégie qui consiste, aujourd'hui, à donner sa voix à un petit parti pour fractionner les voix de l'adversaire. Chacun aurait intérêt à recueillir le maximum de voix pour ne pas risquer d'être éliminé.

La primaire sur un corps électoral réduit limiterait le coût des élections. Les thèmes de campagne pourraient être plus près des réalités du terrain et prédéfiniraient la campagne publique (éventuellement à un seul tour). Les grands électeurs seraient des relais efficaces des candidats. Mais aussi, ils représenteraient mieux les intérêts de la base. Comme on le sait, les manipulations et les intrigues sont toujours possibles pour un candidat au sommet dans un scrutin interne. Localement, les électeurs auraient intérêt à mieux choisir leurs représentants, et ce système justifierait que les élections locales précèdent l'élection présidentielle (ou l'instauration de la proportionnelle). Merci qui ?

Jacques Bolo

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