Le mouvement contre la réforme des retraites s'amplifie. Outre l'ancienne promesse de Sarkozy de ne pas toucher à l'âge du départ à la retraite, si on considère toute la durée de vie, il est bien question de « travailler plus », plus longtemps, mais pas « pour gagner plus ». Au mieux, il s'agirait, un peu formellement, de « préserver le système de répartition ». Mais quand la durée de cotisation est prolongée et le départ à taux plein retardé, au final, les retraites vont bien diminuer par rapport aux cotisations. La véritable raison est bien, comme le dit le gouvernement, que la durée de vie augmente. Il faut payer des pensions pendant plus longtemps. Cela correspond, en temps réel, à une augmentation des retraités par rapport aux cotisants et aux chiffres des années 1960. C'est ça un système par répartition.
Les retraites sont un système d'assurance à périodicité longue. Les assurances autos ou immobilières fonctionnent sur le mode annuel. Les pensions sont cependant versées sur une base mensuelle, et cela revient donc au même. Mais elles sont bien proportionnelles aux cotisations. La répartition pure ne concerne que la retraite minimum. De ce point de vue, une assurance santé, auto ou immobilière est plus égalitaire. Ce sont les sinistres qui sont couverts.
Dans la retraite, c'est la vie le sinistre. Il s'agit d'une « assurance vie » (payée par rente). Plus on vit vieux, plus les cotisations augmentent. Et le problème connu est que les plus pauvres vivent moins que les autres et payent donc la retraite des cadres.
La curiosité est d'ailleurs que les revendications ont obtenu une augmentation des pensions des femmes n'ayant pas cotisé assez du fait d'interruptions de carrière, en particulier les mères de trois enfants. Or, l'argument du gouvernement pour prolonger les cotisations est l'allongement de la durée de vie. On sait bien les femmes vivent plus longtemps que les hommes et infiniment plus que les ouvriers masculins des métiers pénibles ou dangereux. Il ne s'agit plus de retraites, mais de politique sociale ! De politique surtout. Comme les femmes vivent plus âgées, il en résulte donc qu'elles sont des électrices plus nombreuses. Ceci explique donc cela.
Les étudiants se sont lancés dans le mouvement. Outre l'argument habituel de la manipulation, le gouvernement a tenté de les circonvenir en insinuant que la résistance à la réforme les obligerait à payer davantage. Faut-il en déduire qu'il est prévu que l'espérance de vie diminue ? Parce que les jeunes, futurs retraités, bénéficieront du système à leur tour ! D'ailleurs, il faut aussi remarquer que les femmes font actuellement des études plus longues. Ne pas payer les années d'études devrait donc avoir, pour les années à venir, un effet équivalent à celui de la maternité actuelle.
J'ai déjà signalé, dans un article précédent, le cas de la « cristallisation » des retraites coloniales. On a bloqué les pensions des militaires des anciennes colonies. Ce qui a permis de faire des économies. C'est-à-dire, dans un système par répartition, de donner plus aux retraités français ! L'argument était une indexation sur le pouvoir d'achat local, pour ne pas produire une inégalité. Cela paraît raisonnable, mais quid des retraités français qui vont au Maroc pour bénéficier de la différence de pouvoir d'achat ? Sans parler des DOM, où les retraités (de la coloniale ?) bénéficient d'une surcote et contribuent donc à faire monter les prix locaux (d'où les mouvements sociaux récents). Faut-il surveiller la domiciliation avant de payer les retraites ? Ou seulement dans le cas des indigènes ?
J'ai déjà mentionné en juin dernier, sur cette question de la cristallisation, que le conseil constitutionnel vient de censurer les inégalités de traitement. Le fait d'avoir accordé une augmentation aux anciens colonisés, alors que les retraités sont sans doute tous décédés (la mortalité en Afrique) montre la méthode « républicaine ». C'est celle qui est en train de s'appliquer aux retraites actuelles. Le principe de l'allongement de la durée de cotisation consiste bien à ne jamais payer les retraites pour certains ou à réduire le montant annoncé (le taux plein) pour tous.
Jacques Bolo
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