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Écologie - Février 2010

L'erreur de la prime à la casse

Je l'avais dit en 2008 (« Les voeux pieux... »), au lieu d'instaurer une prime à la casse (avec l'alibi écologique de l'achat des véhicules moins polluants), Sarkozy aurait été bien inspiré d'instaurer la gratuité des transports en commun urbains. Comme je le disais : « En ce temps d'augmentation du prix du pétrole, le gain de pouvoir d'achat aurait été automatique (en donnant une mobilité aux chômeurs pour leur permettre de « travailler plus »). La facture pétrolière aurait été allégée immédiatement [...] ». C'est toute l'erreur de l'arbitraire d'une politique économique étatisée. Un gouvernement ne fait que favoriser un acteur économique au détriment d'un autre (il déshabille Pierre pour habiller Paul), en jouant le jeu du clientélisme électoral. Au passage, une bureaucratie produit des usines à gaz législatives, et quelques escrocs se servent au passage.

La prime à la casse a donc été prolongée jusqu'à fin 2010 de façon dégressive, 700 euros jusqu'au 30 juin et 500 euros ensuite jusqu'à la fin de l'année. Cela oblige ceux qui veulent en profiter de changer leur véhicule de façon anticipée, ce qui n'est en rien écologique. Accessoirement, on a pu observer un engorgement démesuré des casses de véhicules, ce qu'on aurait dû prévoir, et qui n'est pas écologique non plus.

De plus, une fois la période passée, les constructeurs vont avoir du mal à écouler leur production puisque le parc aura été renouvelé artificiellement. Cela n'aura fait que retarder la crise. Les prochains acheteurs risquent aussi d'attendre d'autres effets d'aubaine de ce genre. S'ils tardent trop, les constructeurs seront obligés de solder leur production pour ne pas faire faillite. Ce qui aggravera encore la situation.

Mais surtout, favoriser le secteur automobile fausse la demande et l'adaptation de la production aux véritables nouveaux besoins. Les crédits avantageux à la consommation d'automobiles auraient aussi pu profiter à un autre secteur. Quand on dit qu'on manque d'investissements pour l'innovation, cela résulte aussi du fait qu'on favorise certains débouchés. Ces nouveaux secteurs auraient été tout aussi producteurs d'offres d'emplois. Car l'automobile est quand même essentiellement un secteur de renouvellement du parc. De plus, la production se délocalise déjà dans les pays émergents où les prix doivent être inférieurs pour satisfaire la demande locale. On retarde ainsi les produits innovants issus de la production française. Les idées existent, mais elles ne sont pas industrialisées pour le marché mondial. Avec ce genre de comportement, le seul rapport avec les transports consiste à « laisser passer le coche ».

Face à cette situation, les écologistes, toujours en retard d'une guerre, proposent un Pass Navigo (carte de transport) au prix unique de 65 euros pour toute la région parisienne. Ils sont devenus financièrement bien raisonnables en terme d'aménagement du territoire. Unifier l'Île-de-France permettrait d'augmenter la mobilité des habitants de banlieue, qui paieraient le même prix que les Parisiens. Quoique cela reste théorique puisqu'ils n'en auraient pas forcément l'usage. Par contre, les Parisiens paieraient un peu plus que le prix actuel, ainsi que ceux qui n'utilisent qu'une ou deux zones de banlieue à banlieue. Les pauvres concernés paieraient plus cher, alors que les plus riches bénéficieraient d'un autre effet d'aubaine, dans la mesure où ils ont davantage de moyens pour consommer les loisirs lointains.

Les écologistes, paradoxalement, ne comprennent pas les avantages de la gratuité. J'avais déjà signalé ces bénéfices dans l'article précité : « Un gain annexe qui n'est pas envisagé habituellement est aussi l'économie réalisée dans les systèmes de paiement des transports en commun. Un gain de temps d'abord, et de rapidité pour les bus, ralentis par le paiement au moment de la montée. Un gain d'infrastructure, de machines et de billetterie, mais aussi un gain en frais de personnel. Sur le long terme, il ne faut pas oublier non plus de compter, pour le personnel, nombreux, de billetterie et de contrôle, les charges pour les retraites (voir « Réforme ou banqueroute »). Et finalement, l'utilisation des transports en commun favorise même la circulation des voitures restantes (spécialement les professionnels). Une circulation plus fluide réduit encore la consommation d'essence (puisque c'est la consommation urbaine embouteillée qui est pénalisante) sans avoir à engager des frais pour des équipements coûteux destinés à embêter les automobilistes (selon la stratégie écologiste habituelle). »

C'est comme cela que je conçois la véritable croissance durable qui permet d'éviter des dépenses plutôt que les compenser par des dispositifs compliqués, comme celui du péage urbain pour les automobiles. Ce projet semble se dessiner pour Paris, dans la tradition fouettarde du moralisme écologique [1].

Jacques Bolo

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Notes

1. On remarque au passage que ce n'est donc pas valable pour les petites villes de province, à moins d'une gabegie gigantesque. Ce qui est à craindre par souci d'assurer les finances locales avec un prétexte environnemental. Les politiciens raffolent jouer sur ce genre de valorisations (il faut comprendre de quoi il s'agit quand ils parlent de « valeurs »). [Retour]

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