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Politique / Écologie - Janvier 2010

Social-monarchie écologique

Pierre Rosanvallon, historien, professeur au Collège de France, et théoricien de la social-démocratie, s'est fendu d'un article dans Le Monde du 8 décembre 2009, où il envisage de « Sortir de la myopie des démocraties ». À propos de Copenhague et du réchauffement climatique, il rappelle l'antienne de la science politique, pour ne pas dire « la scie », comme on disait dans le théâtre de boulevard, selon laquelle « les régimes démocratiques ont du mal à intégrer le souci du long terme », car un professeur sait que la connaissance naît de la répétition.

Un professeur d'histoire rappelle aussi ses sources : Condorcet (1743-1794) et les dangers d'une « démocratie immédiate » ; Tocqueville (1805-1859) soulignant la « lointaine espérance des religions » ; contre Jefferson l'américain (1743-1826) forcément démagogique. Le professeur Rosanvallon doute du rôle long-termiste du bicamérisme, selon les théories de la collectivité d'Alfred Fouillée (1838-1912), ou du « droit social » de Léon Duguit (1859-1928), comme d'un « Parlement des objets », cher à Bruno Latour (1947-), ou du « Nouveau sénat » de Dominique Bourg (1953-). Il rappelle aussi l'incapacité démocratique à trancher rapidement, stigmatisée par Carl Schmitt (1888-1985).

Pierre Rosanvallon leur préfère une correction démocratique en quatre points : « 1. introduire des principes écologiques dans l'ordre constitutionnel ; 2. renforcer et étendre la définition patrimoniale de l'État ; 3. mettre en place une grande « Académie du futur » ; 4. instituer des forums publics mobilisant l'attention et la participation des citoyens ».

Il ne fait pas de doute que Pierre Rosanvallon envisage les questions dans une perspective pratique, d'ailleurs largement réalisées dans les faits. On pourrait d'ailleurs lui reprocher de décrire ce qui existe déjà sans qu'il y ait de nécessité d'une institutionnalisation supplémentaire. C'est aussi un biais professoral d'avoir l'esprit de l'escalier.

Mais on peut contester ses références, voire toute sa problématique, qui veut que « l'existence d'un Etat fort n'a cessé d'ériger un rempart contre le court-termisme », prenant pour modèle « le domaine royal, ou les biens de la Couronne, dont le roi lui-même ne pouvait librement disposer ». C'est un biais jacobin connu de continuer la monarchie par d'autres moyens. Car cette référence est tout simplement fausse. C'est l'arbitraire royal qui dit : « Après moi, le déluge ! », et seule la conquête garantit son empire. Le pouvoir d'un seul est précisément le cadre privilégié de l'égotisme qui n'est pas compensé par l'intérêt d'autrui. L'État fort aussi « reste sous-tendu par les logiques politiciennes existantes » comme Rosanvallon le dit lui-même du sénat.

Le drame de la démocratie est celui des institutions humaines qui ne dispensent pas de l'effort des citoyens. Une « Académie du futur  » de spécialistes n'a pas plus de légitimité que le sénat, puisque ce sont toujours les citoyens qui fondent toute légitimité. La « conscience citoyenne » n'est pas octroyée d'en haut, mais dépend toujours de la compétence de chacun. L'élite a toujours le peuple qu'elle mérite,... et réciproquement.

Jacques Bolo

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