En décembre dernier, Éric Besson, notre ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, après un débat sur le sujet (car il ne savait pas très bien ce que le nom de son ministère voulait dire), a aussi lancé un débat sur les « mariages gris ». Ce terme désigne de faux mariages blancs, qui sont eux-mêmes de faux mariages (soit des faux-faux-mariages donc). Un mariage gris est un mariage normal, mais qui a eu lieu dans la seule intention d'acquérir la nationalité française, sans que le conjoint natif soit au courant. Une fois acquise, souvent après plusieurs années, le conjoint étranger divorce et conserve la nationalité (son faux-vrai passeport) et largue le conjoint crédule. Besson a décidément hérité d'un ministère bien compliqué, qu'il aborde décidément avec des idées simples, comme disait de Gaulle à propos de l'Orient (dont Besson est lui-même originaire). Et que cette question soit posée en plein débat sur l'identité nationale a un peu tendance à stigmatiser les seuls étrangers, après les nombreux dérapages constatés dans ce débat.
Mais, concrètement, cette notion de mariage gris permet de remettre en question absolument tous les mariages mixtes. Déjà, certains maires se permettent des enquêtes indiscrètes sur détails de la vie commune, pour prévenir les mariages blancs. Le problème, avec la notion de mariage gris, est donc que les étrangers n'ont donc plus le droit de se marier par intérêt, comme n'importe qui, ni de larguer salement leur conjoint pour aller voir ailleurs. Un étranger qui épouse un citoyen français se doit d'être sincère et de rester amoureux. Ce qui est une rupture d'égalité indéniable.
Sur ce point, l'humoriste Stéphane Guillon a épinglé Éric Besson lui-même dans une chronique sur France inter, puisque le ministre fréquente une jeune tunisienne après avoir récemment largué sa régulière. Le ministre a très mal pris ce genre d'intrusion dans sa vie privée, alors que pour les étrangers, ça ne compte apparemment pas.
Un autre problème pratique se pose avec la notion de mariage gris. Puisqu'il y a eu vie commune prolongée pendant plusieurs années pour acquérir la nationalité française, le soupçon émane du conjoint abandonné (à moins que la puissance publique ne vérifie aussi les divorces). Et comme ces affaires sentimentales sont bien compliquées, il existe la possibilité d'une plainte par vengeance pour le conjoint français cocu : « tu me trompes et je dis que tu m'as épousé(e) pour les papiers ».
Le bon côté est que ça va réduire le nombre de divorces et la noble institution du mariage s'en trouvera renforcée. Ce ministère orwellien de l'Immigration et de l'Identité nationale pourra désormais être rebaptisé « ministère de l'Amour ».
Jacques Bolo
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