EXERGUE
Depuis 2005
Politique - Novembre 2009

Elitisme machiavélien

L'affaire de la candidature de Jean Sarkozy, fils du président, vingt-trois ans, à la présidence de l'EPAD (Établissement public d'aménagement de la Défense), a fait tomber les masques. Le fait est qu'en tant qu'élu des Hauts-de-Seine, il a le droit de se présenter, comme l'a dit le porte-parole de l'Élysée, Jean Chatel (voir aussi « Luc Chatel dérape-t-il ? »). Le problème est plutôt qu'un jeune de vingt-trois ans, étudiant médiocre en deuxième année de droit, puisse déjà être un élu. La relation directe avec l'idéologie de l'élitisme républicain consiste à en déduire que Jean Sarkozy (ou tout autre jeune de son âge) serait donc un être exceptionnel. Sinon, soit cette idée est une escroquerie intellectuelle, soit il s'agit tout simplement de népotisme.

Tout le monde a bien pensé qu'il s'agissait de népotisme. Le tollé que cette affaire a soulevé s'est répandu dans le Monde entier. Même les presses russe et chinoise ont trouvé cela risible, et les pays occidentaux ont considéré la France comme une république bananière. Les justifications des courtisans sont à prendre comme un jeu qui consiste à trouver des arguments pour justifier n'importe quoi : « Comme si c'était une tare d'être jeune » ; « Il a fait ses preuves durant la campagne » ; « Son père n'avait que 28 ans lorsqu'il a été élu à la mairie de Neuilly » « Il est le fils d’un génie politique, il n’est pas étonnant qu’il soit précoce »...

Mais l'argument qui tue est celui qui constate qu'il en a été toujours été ainsi. « Ce qui compte, c'est de passer par le suffrage universel » dira François Fillon, qui fait sans doute allusion aux circonscriptions électorales notoirement réservées à des membres la famille. Ce mécanisme n'est plus à démontrer dans la vie politique, économique, académique, artistique. On ne compte plus les « fils de » dans tous les métiers. Et ça ne date pas d'hier, ni n'est en passe de s'arrêter. Il faut donc se rendre alors à l'évidence. Quand le député socialiste Arnaud Montebourg déclare que « ce n'est pas que du népotisme, c'est la destruction par les pratiques du pouvoir de l'esprit républicain et de la République elle-même », on peut donc en conclure que l'élitisme républicain a toujours été une plaisanterie.

La question n'est pas la mobilité sociale considérée comme un idéal. La question n'est pas la remise en cause de la transmission de l'héritage social, culturel ou patrimonial. Le véritable problème est la question de la légitimité qui en découle. La conséquence est la destruction de la notion même d'élitisme, ce qui est d'ailleurs bien normal en démocratie.

Le drame de l'élitisme est d'ailleurs que ceux qui en sont les bénéficiaires finissent eux-mêmes par croire à leur propre mérite. En sociologie, on parle d'« effet de position » qui demande de remplir le rôle, comme si, et au cas où. « J'irai jusqu'au bout  » a dit le jeune Sarkozy sur France 3, avant de renoncer, jeudi 22 octobre sur France 2, en remettant la chose aux lendemains qui chantent : « Je serai candidat au poste d'administrateur de l'EPAD, mais si je suis élu, je ne briguerai pas la présidence ».

Mais il faut bien comprendre ce qui s'est réellement passé. Jean Sarkozy méritait d'être président de l'EPAD s'il avait réussi son coup. Ce qui compte n'est pas le suffrage universel. Ce qui compte, c'est ce qui marche ! Et il avait précisément réussi à être élu à Neuilly comme conseiller général. Ce qui s'est passé cette fois, c'est que ça n'a pas marché. Même les lecteurs du Figaro ont été scandalisés et se sont manifestés. C'est ça la réalité politique. Ce qui compte, c'est ce qui marche. Le président Sarkozy est le premier à le savoir qui ne fonctionne que sur des coups politiques. Cette fois, ce sont les citoyens qui ont fait un coup politique. Et ça a marché.

Jacques Bolo

courrier Merci de signaler à l'auteur toute erreur que vous trouveriez sur cette page
courrier Recommander cette page à un ami
Voir aussi :
Soutenez
la revue Exergue
Tous les articles
Références
Critiques

IA
Méthodologie
Culture
Ecologie
Economie
Education
Ethnologie
Relativisme
Société
Europe
Turquie
Démocratie
Sciences
Histoire
Photos
Urbanisme
Sociologie
Reportages
Linguistique
Philosophie
Internet
Politique
Humour
Racismes
Femmes
Démographie
Conneries
Peurdesmots
Médias
Religion
Social
Sports
Carnet
Publicités Amazon/Google/Libraires
Bolo, La Pensée Finkielkraut
Bolo, Philosophie contre Intelligence artificielle
Accueil Ball © 2005- Exergue - Paris Ball Légal Ball Ball Partenaires Ball Contacts