Encore un joli coup de billard à trois bandes pour le gouvernement Sarkozy. Michel Rocard a prêté son
concours à la commission chargée de fixer la taxe carbone. Ce qui a pour effet de le discréditer encore plus
auprès d'une partie de la gauche radicale tout en atténuant la responsabilité du pouvoir coté droit. Les
écologistes sont satisfaits, mais ils en veulent encore plus. Tandis qu'une partie de ceux qui avaient voté
pour eux s'en détournera du fait de cette nouvelle taxe. Les écologistes menaçaient de réussir à bâtir une troisième force qui aurait pu constituer un pivot entre le Modem et l'extrême gauche. Ce qui n'était
pas possible pour le Parti socialiste.
Associer les écologistes à la nouvelle taxe est très habile. D'autant qu'ils trouvent déjà qu'elle n'est pas
assez élevée ! Mais elle doit progressivement augmenter de 32 à 100 euros la tonne jusqu'en 2030. Le but
est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 24 %. Mais en l'occurrence, cela risque surtout de
ponctionner le pouvoir d'achat (de 160 à 300 euros) en pleine crise et de « casser la reprise ». Ce qui aurait donc des conséquences sur l'emploi. Mais, en attendant, cette taxe devrait plutôt remplir les caisses de
l'Etat, vidées par les allégements fiscaux. Ou pas, puisqu'il est question de compensation aux ménages...
qui en doutent un peu. Ce qui risque de produire une autre usine à gaz fiscale.
Évidemment, pour que cette mesure soit neutre économiquement dans la concurrence internationale, il
faudra la faire accepter par la communauté internationale, au moins par les partenaires européens. Ce qui
est loin d'être gagné. Il est possible que les autres gouvernements imitent la manoeuvre politique, mais
ils n'ont pas forcément les mêmes intérêts ou les mêmes contraintes. Et les écolos étrangers ne sont pas
forcément aussi intransigeants que les écolos français.
Les écologistes sont également coincés puisque cette taxe avantage le nucléaire, qui a l'intérêt de ne pas
produire de gaz à effet de serre. Qu'à cela ne tienne, nos écolos proposent donc de taxer aussi l'électricité.
Décidément, les prochaines élections s'annoncent bien pour le gouvernement. Le principal défaut des
écologistes (et des gauchistes) et de se livrer à la surenchère permanente au lieu d'affermir leurs positions
en profitant de la sympathie dont ils bénéficient actuellement dans l'opinion. L'inconvénient de cette
habitude est donc de favoriser les dissensions internes en donnant une prime aux discours les plus
fanatiques au lieu d'être jugés sur ses résultats. Contrairement à ce qu'on pourrait croire naïvement, en
interne, le modèle écologiste n'est pas la décroissance. C'est la prime au « toujours plus ».
Or la taxe carbone existe déjà, c'est la TIPP qui taxe l'empreinte carbone de toute activité correspondant
à l'usage des carburants fossiles. Il faudrait donc à en affecter le produit aux coûts réels que le transport,
par exemple, fait supporter à la collectivité : construction et emprise des routes, charge des accidents pour
la sécurité sociale, etc. Toute cette affaire de taxe carbone supplémentaire montre bien les limites de la
fiscalité. On discute ici d'une taxe sans s'occuper de ce à quoi elle va servir. En démocratie, un impôt est
un moyen de financement de biens collectifs. Ce qui permet d'en limiter le montant à un coût social réel.
Sinon, c'est simplement le moyen d'augmenter les prélèvements pour payer autre chose et distribuer des
subventions à des clientèles. Et ça, c'est précisément la politique.
Jacques Bolo
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