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Culture / Politique - Juillet 2009

Sarkozy et la culture

Finalement, je trouve qu'on en fait un peu trop sur Nicolas Sarkozy. Bon, il le cherche en en faisait beaucoup trop lui-même. À force de vouloir occuper le terrain, il finit par exaspérer tout le monde. Mais comme ses critiques sont aussi systématiques que ses soutiens, en disant à peu près autant n'importe quoi, il n'y en a pas un pour racheter l'autre.

Soyons très clair : un type qui dit « Casse-toi, pov' con ! » à un connard qui lui dit « Touche-moi pas, tu me salis ! » (au Salon de l'agriculture 2008), je ne peux pas être contre. Et j'emmerde tous les faux culs qui s'en offusquent en trouvant que « ça désacralise la fonction de chef de l'État » ! Je me marre ! Ce sont d'ailleurs les mêmes qui déplorent la monarchie républicaine. Quels cons ! J'avais d'ailleurs déjà constaté cette contradiction quand les rappeurs l'avaient critiqué sur son manque de respect quand il avait parlé de « nettoyer les banlieues au Kärcher », même s'il avait eu tort d'employer le terme « racaille » (voir « Les mots ne sont pas si importants »).

Quand on veut « faire peuple », le langage employé est moins incongru que les commentaires à front renversé. Comme je le disais alors : « on peut s'étonner de l'approbation de cette rhétorique populiste de la part de la droite, qu'on a connue plus policée. Mais condamner quasi unanimement le langage populaire est au fond tout aussi étonnant de la part des opposants de gauche au ministre. » Toute la question est donc de la réalité du besoin de « faire peuple ». C'est sûr qu'il ne faut pas en faire trop non plus, ça finit par faire un peu louche. Déjà, Union pour un mouvement populaire (UMP), pour un parti de droite plutôt bourge, c'est déjà limite. Si c'est pour rattraper l'évolution des moeurs et dépoussiérer le décorum, OK, mais alors, pourquoi critiquer Mai 68, si c'est pour ne rien s'interdire.

Le meilleur exemple d'accusation imbécile contre Nicolas Sarkozy est l'affaire de La Princesse de Clèves. On l'accuse de mépriser la culture générale parce qu'il a dit, à Lyon, le 23 janvier 2007: « L'autre jour, je m'amusais, on s'amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle ! » On voit donc qu'il ne critique pas le livre, mais le fait qu'il soit au programme d'un concours administratif. Tous ceux qui disent le contraire sont des faux culs. Ce concours ne concerne cependant pas des guichetiers, réduit arbitrairement aux seules guichetières, d'où le populisme démago. Certains ont donc ajouté que c'était mépriser les guichetières de les considérer comme incapables de s'intéresser à la culture. Je suppose qu'ils ont eux-mêmes souvent discuté de littérature avec les guichetiers. Toujours des faux culs !

Au contraire, se poser la question de la pertinence de la formation professionnelle est une bonne question. On sait que les intellectuels et les professeurs s'en foutent complètement. En tout état de cause, la culture personnelle est toujours possible et fait partie de la formation générale et du domaine privé [1]. Elle devrait surtout être plus libre. On a le droit de ne pas aimer La Princesse de Clèves. Soutenir le contraire est bien une réaction de prof intolérant ! À l'occasion de cette affaire, j'y ai jeté un coup d'oeil, et je considère qu'on peut se passer d'un texte très marqué par un aristocratisme très peu républicain et franchement archaïsant. On pourrait plutôt proposer au programme Messieurs les ronds de cuir de Georges Courteline. Ce n'est de toute façon pas un scandale de proposer autre chose de plus adapté.

Le fond de ces affaires est surtout leur inanité. Que des gens qui se prétendent cultivés montent en épingle des épisodes aussi anecdotiques est inquiétant. Et célébrer la gloire de La Princesse de Clèves dans des manifestations est franchement risible. Cela montre justement que la culture générale ne permet pas de distinguer l'accessoire de l'essentiel, au point de ne pas savoir analyser correctement une question posée, comme on peut le voir. Il est d'ailleurs notoire qu'un résultat habituel de la culture est de s'attacher aux détails : l'orthographe, le rétablissement tatillon des références, et autres enculages de mouches. Mais cet épisode est salutaire. On comprend mieux l'attitude bornée des guichetiers avec une telle formation. C'était donc à cause de La Princesse de Clèves !

L'époque nous épargne heureusement les citations gréco-latines. Mais précisément, on assiste actuellement à un retour remarqué de l'imparfait du subjonctif ! Certains semblent y voir une preuve de l'intégration, ou plutôt même, une preuve de l'absence de possibilité d'intégration, considérée comme génétique ! Comme si les Noirs et les Arabes n'étaient pas capables d'apprendre l'imparfait du subjonctif ! Comme si un temps tombé en désuétude dans l'usage courant – ce qui est la norme en linguistique moderne -, devenait une sorte de caractère transmissible génétiquement ! La terre et les morts et l'imparfait du subjonctif ! On croit rêver ! Alors même qu'on prétend à un langage populaire, et qu'on affirme parallèlement la force de l'éducation. L'époque est à la confusion la plus totale.

Alors finalement, Sarkozy apparaît assez normal dans cette époque. Le rejet de son côté populaire de la part de la gauche intellectuelle est le symétrique du rejet des immigrés de la droite réactionnaire. Si on ajoute le problème de son entourage de lèche-culs, les journalistes qui en rajoutent en jetant de l'huile sur le feu, et les leaders de la gauche qui se ridiculisent en se savonnant réciproquement la planche, on obtient la pétaudière qu'on constate tous les jours.

Jacques Bolo

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Notes

1. Ce sont d'ailleurs plutôt ceux qui imaginent que la culture n'est que le programme scolaire qui sont méprisants pour les guichetières ou les attachés d'administration, qui peuvent s'intéresser à beaucoup de choses et cultiver n'importe quelle sorte d'intérêt. [Retour]

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