Pour l'anniversaire de l'élection de Nicolas Sarkozy, des cadres qui ont voté pour lui commencent à le
regretter car ils ne voient pas venir l'augmentation de pouvoir d'achat qu'ils attendaient. Ils en viennent
à penser que le slogan de campagne qui les a convaincu était une promesse électorale mensongère. Ils
ont tort.
On ne peut pas dire que « travailler plus pour gagner plus » soit faux. On peut même dire que c'est
toujours vrai. Mais cela ne voulait pas dire forcément qu'on gagnerait plus que ce qu'on gagnait avant.
On peut même gagner moins. Mais la proposition restera toujours vraie. Il est absolument évident que
si on travaille plus, on doit gagner plus que si on travaillait moins (à ce moment là).
Le risque concernant le « travailler plus » est plutôt que ce soit les cadences qui augmentent, sans que
les salaires augmentent ou que les heures supplémentaires ne soient pas payées. Mais cela aussi, c'est
toujours vrai. C'était même souvent déjà le cas.
Le risque concernant le « gagner plus » est plutôt que les prix augmentent. Ce phénomène n'est pas
toujours vrai. Il est même plutôt tendanciellement faux, puisque la productivité augmente toujours.
Malheureusement, c'est ce qui s'est produit aujourd'hui avec l'augmentation des matières premières
(pétrole, gaz, métaux, céréales, lait...), essentiellement à cause de l'augmentation de la demande. Dans
ce cas de figure, on le sait, on peut gagner autant, et perdre du pouvoir d'achat. Il va donc falloir travailler
plus pour gagner autant qu'avant. Mais on gagnera plus que si on travaillait moins, c'est-à-dire comme
avant. La proposition « travailler plus pour gagner plus » reste vraie.
J'ai également mentionné (voir « Augmentez les patrons ! ») que l'augmentation des salaires (des patrons) contribuait à
l'augmentation des prix. La conséquence est donc que « travailler plus pour gagner plus » concourt ici
à faire gagner moins. C'est d'autant plus vrai pour ceux qui ne peuvent pas travailler plus, sans parler
des chômeurs. Mais c'est aussi (toujours) vrai pour les autres, qui gagnent déjà beaucoup plus.
Le meilleur exemple est l'immobilier (voir mon article de 2006 « À quand le prochain Krach immobilier ? »), où l'augmentation des prix a complètement supprimé
les fortes augmentations de revenus. On peut toujours acheter un appartement plus grand que ceux qui
gagnent moins, mais on peut se retrouver avec un appartement plus petit que celui qu'on aurait pu se
payer quand on gagnait moins soi-même. Et la cause en est bien l'augmentation des salaires les plus
élevés qui permet aux propriétaires de gagner plus eux aussi. Quant à ceux qui gagnent moins, ils vont
devoir travailler vraiment beaucoup plus pour pouvoir se loger. En monnaie constante, les prix de
l'immobilier ont doublé en 10 ans. La part du logement dans le revenu représentait 20 à 30%. Il va donc
falloir travailler en moyenne 25% de plus pour pouvoir se loger comme avant. Pour se loger mieux, il
faudrait travailler encore plus. On conçoit alors qu'il faille envisager de supprimer les 35 heures.
Bref, « travailler plus pour gagner plus » n'est pas, pour une fois, un mensonge démagogique. C'est une
tautologie. Mais ceux qui ont été séduit par cette perspective pensaient sans doute à un moyen
d'augmenter leur pouvoir d'achat. Ils n'auraient sans doute pas choisi de voter pour quelqu'un qui leur
promettait de devoir travailler plus pour ne pas gagner moins. Et donc, pour gagner plus. Comme promis.
Jacques Bolo
Bibliographie
Gilles BIASSETTE, Lisiane BAUDU, Travailler plus pour gagner moins : La menace Wal-Mart
Juliette ARNAUD, La stratégie du mollusque : Travailler moins pour gagner plus!
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