Après La Môme, le film sur la vie de Piaf, la question se pose de savoir si les spectateurs, sont
aussi nuls que les critiques. Bientôt 20 millions de spectateurs pour le film les Ch'tis ! Même
s'ils y sont allés en famille, ça fait beaucoup. Certes, le buzz annonçant un nombre de millions
de spectateurs toujours en augmentation pouvait inciter à la confiance. Eh bien non ! Ne
reculant devant aucun sacrifice, je me suis déplacé, intrigué par le phénomène de masse.
Bon. Je suis un peu injuste. Ce n'est pas vraiment un très mauvais film. Mais c'est quand
même très décevant. Comme pour la majorité des films français, le scénario est très
insuffisant. Un critique de Libération (5 mars 2008), Bayon, avait même dit qu'il manquait 400 gags, sur les 500 nécessaires à un bon film comique (selon Gérard Oury). Ce qui m'avait intrigué, parce que cette exigence me paraît très exagérée. Mais il en manque bien une bonne cinquantaine.
En fait, c'est certainement la source de la déception. Car Dany Boon, comme comique de one
man show, offre une performance assez spéciale, en poussant ses personnages à l'extrême.
Alors que son film correspond plutôt au style des films comiques classique de De Funès. Avec
sans doute moins de maîtrise au niveau du rythme et de la cohérence du scénario. On a les
inconvénients d'une série de tableaux, sans avoir la quantité de gags réglementaires.
Dany Boon a sans doute voulu trop bien faire. Dès le début, un long traveling sur la côte
provençale vue d'hélicoptère montre qu'on n'est pas dans du théâtre filmé. Le personnage
principal, joué par Kad Mérad, prouve que Dany Boon ne veut pas lui voler la vedette. Et si
quelque chose est exagéré, c'est seulement le principe initial qui veut que les gens du sud de
la France confondent le Nord et la Sibérie. Le principe du cliché systématique paraît un peu
daté, et correspond davantage à une bande dessinée sur le principe d'Astérix. La transposition
de la BD de Pétillon au cinéma, L'enquête corse (Alain Berbérian, 2004), est plus crédible.
La faiblesse vient sans doute du manque de la prise au sérieux de l'argument fondamental qui
montre que la France n'est pas aussi jacobine que certain le croient en présentant les
particularités du parler ch'ti, le dialecte du Nord. Les critiques de linguistes ou de natifs de la
région ont montré, outre le purisme habituel qui touche les questions linguistiques, qu'il
existait une attente qui a été déçue. Si les intellectuels ont tort de ne pas s'investir dans le
comique, les artistes ont également tort de négliger une enquête un peu plus sérieuse qui
donneraient à leur travail une valeur plus authentique et plus vécue. Il manque sans doute
aussi à Dany Boon d'avoir pu roder son spectacle en direct devant un public.
Malgré la consolation financière (carrément le jackpot), une des raisons de ce ratage est peut-être le politiquement correct actuel qui semble associer au racisme le fait de moquer les
stéréotypes. À en lire certains commentaires, les nordistes s'apparenteraient à la minorité la
plus méprisée et la plus discriminée de France. On peut penser que c'est un gag [1]. Peut-être
que la participation de la région Nord au financement du film a incité Dany Boon à se croire
obligé d'en rajouter une louche sur la promotion régionale. Mais on ne fait pas de bons films
qu'avec des bons sentiments.
Jacques Bolo
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