Ça commence mal !
Pour ses voeux de la nouvelle année 2008, notre président a eu un ton inspiré et consensuel
et est allé chercher la « politique de civilisation » d'Edgar Morin. C'est la loi du genre. Sur le
fond, son intervention tend un peu à dire que s'il n'avait pas été là, ça irait encore plus mal.
Mais s'il croit que les Français pensent que la rupture n'est pas assez rapide, il devrait changer
de conseillers.
Au cours de sa conférence de presse du 8 janvier, les choses ont été plus claires. Après que son
Premier ministre considère la « France en faillite » en septembre dernier, le président a
déclaré aux journalistes : « Qu'attendez-vous de moi, que je vide les caisses qui sont déjà vides
ou que je donne des ordres à des entreprises à qui je n'ai pas à en donner ? ». On avait
pourtant cru entendre au cours de sa campagne qu'il irait « chercher la croissance avec les
dents ». Bref, c'est quand même pas si facile et le volontarisme ne suffit pas (voir « Interventionnisme libéral »).
Deux erreurs grossières
On avait déjà remarqué que les hommes politiques ont tendance à faire exactement le contraire
de ce qu'il faudrait. Quand Balladur était Premier ministre, il avait réussi à monter contre lui
les spécialistes de l'archéologie préventive en les privant de crédits. Or, nous savons bien que
la France est un pays d'une grande richesse archéologique. Chaque fois qu'on creuse un trou
en ville, qu'on construit une route ou qu'on laboure certains champs, on risque de tomber sur
des vestiges d'une grande valeur (je suis moi-même originaire de Nîmes, ville romaine, où c'est
encore plus vrai).
Le seul moyen de ne pas bloquer les chantiers est donc d'augmenter considérablement les
moyens, et non de bâcler les fouilles en prenant le risque de tout détruire. Certes, des intérêts
financiers sont en jeu, mais les vestiges et les connaissances ont également une valeur
immense, sans parler de l'attachement local à ces questions qu'il n'est pas très malin de
contrarier.
Cette valeur n'est pas que culturelle, contrairement aux discours académiques ou
patrimoniaux, effectivement un peu trop poussiéreux. C'est tout un gisement d'emplois et de
ressources qui pourrait en découler (pour un investissement relativement minime), si des
personnes compétentes s'intéressaient à valoriser ce secteur. Car la première (vieille) pierre de
la valorisation est précisément l'intérêt que de nombreux passionnés y portent. Outre le marché
qu'ils constituent déjà à eux seuls, ils pourraient faire partager cette passion au monde entier,
avec les retombées touristiques (de haut niveau) qu'on imagine. S'il est question de chercher
la croissance avec les dents, voilà précisément un créneau concret possible.
Erreur n° 1 : Prime automobile. Ça n'a pas raté, Sarkozy était allé à bonne école sous
Balladur. Une des propositions concrètes actuelles, avec l'alibi écologiste à la mode, a donc été
d'instaurer une prime pour l'achat des véhicules moins polluants que les autres. Après les
baladurettes, voilà donc les sarkozettes. A l'époque de Balladur, l'alibi écologique n'existait pas.
C'était juste une relance artificielle de la consommation. Sarkozy ne « donne pas des ordres
à des entreprises à qui il n'a pas à en donner », il en donne donc aux clients. Consommez plus,
pour travailler plus, pour gagner plus. Le cercle vertueux est bouclé, mais il n'est pas
écologique. Excepté sur le point particulier qui favorise les petites voitures, en handicapant les
grosses berlines allemandes. Bien joué !
Mais c'est quand même une erreur. La solution était pourtant simple : il suffisait de rendre
gratuits les transports en commun urbains. En ce temps d'augmentation du prix du pétrole,
le gain de pouvoir d'achat était automatique (en donnant une mobilité aux chômeurs pour leur
permettre de « travailler plus »). La facture pétrolière était allégée immédiatement.
Les gouvernants qui aiment jouer sur les grosses entreprises oublient que l'argent qui n'est pas
dépensé sur un secteur serait dépensé sur un autre. De nombreux petits commerçants ont
donc perdu l'argent dépensé dans les automobiles sarkozettisées.
Un gain annexe qui n'est pas envisagé habituellement est aussi l'économie réalisée dans les
systèmes de paiement des transports en commun. Un gain de temps d'abord, et de rapidité
pour les bus, ralentis par le paiement au moment de la montée. Un gain d'infrastructure, de
machines et de billetterie, mais aussi un gain en frais de personnel. Sur le long terme, il ne
faut pas oublier non plus de compter, pour le personnel, nombreux, de billetterie et de
contrôle, les charges pour les retraites (voir « Réforme ou banqueroute »).
Et finalement, l'utilisation des transports en commun favorise même la circulation des voitures
restantes (spécialement les professionnels). Une circulation plus fluide réduit encore la
consommation d'essence (puisque c'est la consommation urbaine embouteillée qui est pénalisante)
sans avoir à engager des frais pour des équipements coûteux destinés à embêter les
automobilistes (selon la stratégie écologiste habituelle).
Erreur n° 2 : Suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publique.
Au cours de sa conférence de presse, Nicolas Sarkozy a surpris tout le monde en annonçant la
suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publique. La critique de cette mesure
par la gauche n'a vu que l'avantage offert aux chaînes privées qui hériteront de la pub en
question. Ce n'est pas sûr. Plus de coupures publicitaires (ou des coupures plus longues)
pourrait faire diminuer l'audience. Des pubs plus chères du fait du relatif monopole pourraient
accélérer la migration du marché publicitaire vers Internet.
Mais les opposants de gauche à Sarkozy ne savent pas quoi dire, puisqu'ils sont eux-mêmes
pour la suppression de la pub. Et pour le financement de la télé publique, ils sont un peu gênés
pour demander la hausse (le doublement ou le triplement) de la redevance ! Avec cette idée,
Sarko a encore trouvé une idée qui met la gauche en porte-à-faux. Bien joué encore ! (On va
croire qu'il le fait exprès). Same player shoot again !
Et les professionnels, souvent de gauche, mais qui doivent avoir, comme il se doit, le
portefeuille à droite, en sont réduits à demander une augmentation des financements de l'État,
par la redevance, ou par l'impôt, ou par la pub quand même. Mais la redevance, c'est quand
même plus sûr, car la pub était quand même fondée sur l'audience. Et comme l'audience a
tendance à baisser à cause d'Internet et des nouvelles chaînes de télé. Finalement, ça tombe
bien tout ça.
Et justement, puisqu'on en parle, on avait besoin d'une rallonge. Il faut savoir payer pour
défendre le « service public », qui est « quand même » de meilleure qualité. On pourrait
l'espérer. Mais je ne porterai pas de jugement, parce qu'il y a longtemps que je ne le regarde
plus puisque je suis abonné au câble (à cause de cette qualité là). Mais je paye quand même :
un service est dit « public » quand on paye même si on ne le consomme pas (comme le câble,
d'ailleurs). Le discours des professionnels était déjà un peu faux cul sur la pub, il peut bien
l'être sur le prétendu service public.
L'erreur est donc ici évidente. Un gouvernement libéral aurait pu privatiser la télé publique (au
moins les deux chaînes principales). Après tout, il n'existe pas de journaux (quotidiens ou
hebdomadaires) « de service public ». Même les journalistes de la presse écrite considèrent
qu'ils sont indépendants dans le privé et que la liberté de la presse est une institution qui se
passe très bien de nationalisation.
Le gain du produit de la vente pour l'État, et le gain en pouvoir d'achat pour les citoyens, auraient été immédiats également. En plus, on supprimait les coûts de perception de la redevance (73 Millions sur 2,2 milliards d'euros en 2006), avec le bénéfice à long terme, déjà mentionné ci-dessus, d'économiser à long terme les charges des retraites pour les emplois supprimés.
La solution pour résoudre ce problème d'absence des revenus de la pub, qui n'est donc pas une économie pour l'État, mais un surcoût, est un montage compliqué qui consiste à faire payer la pub reportée sur les autres chaînes, ainsi que les fournisseurs d'accès à l'Internet. On se demande bien pourquoi : la pub n'appartenait pas aux chaînes publiques !. Cela revient en somme à « faire payer les riches ». On va finir par croire que Sarkozy est de gauche !
Jacques Bolo
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