Le juste prix ?
De 7.084 euros actuellement, l'indemnité mensuelle du président de la République, Nicolas
Sarkozy, passera à 19.331 euros. Il estimait qu'il ne pouvait pas recevoir moins que le Premier
ministre, et s'alignait sur ses homologues étrangers. Le président a estimé que sa politique
n'était pas une politique d'austérité, mais devait récompenser le mérite. On ne peut certes pas lui
reprocher de ne pas s'activer (on pourrait peut-être diminuer l'indemnité du Premier ministre
sur cette base).
Sans parler d'austérité, cette mesure n'est pas du meilleur effet quand on veut limiter les
dépenses de l'État. Car si on veut faire des économies sur d'autres postes, elle donne le mauvais
exemple en pouvant déclencher des revendications salariales qu'on espère moindres que cette
augmentation (172%).
Modèle économique
Le défaut de la méthode Sarkozy est là. Il raisonne un peu trop sur le principe des cas
particuliers que sont ses modèles patronaux (ou executives) payés à la super-commission ou
au super-bonus. Ce modèle est valide pour les USA, qui ont une position spéciale dans le
monde, ou pour les quelques grandes entreprises internationalisées des autres pays. Le
corollaire en est une flexibilité sociale totale qui n'est pas vraiment applicable de but en blanc,
surtout s'il veut aller vite.
Le pari consiste à penser que la richesse engendre des retombées favorables à tous. C'est la
raison de son plan (« paquet fiscal ») lancé dès son arrivée au pouvoir. Mais le problème est
qu'un État n'est pas une entreprise ou un particulier. La richesse d'un agent économique privé
résulte du solde positif envers son environnement, sur le marché intérieur ou à l'international.
Pour l'état, ce n'est possible qu'à l'international. Le solde des échanges intérieurs entre tous les
acteurs économiques est forcément nul. Et l'action de l'État n'est pas la mieux placée pour une
action extérieure, hormis la colonisation. À l'intérieur, l'état ne peut que déshabiller Pierre
pour habiller Paul. L'objectif socialiste d'une plus grande égalité parait donc plus cohérent que
celui d'enrichir certains. C'est précisément ce qu'on reproche à la stratégie de Sarkozy.
Pacte social et précarité
En fait, l'augmentation du président dévoile une clef fondamentale du libéralisme,
spécialement quand on la confronte à la question des retraites, traitée simultanément par le
gouvernement (voir mon article « Retraites : Réforme ou banqueroute »). C'est pour cela que la critique du
libéralisme est injuste. La méthode libérale d'enrichissement concerne tout bonnement le
moyen traditionnel des travailleurs indépendants (ou accessoirement des cadres), et des
détenteurs d'un capital, pour assurer leur retraite. Ce moyen est la thésaurisation. Avoir des
réserves est la seule garantie, car les lendemains ne sont pas assurés. C'est d'ailleurs
structurellement, aussi, la situation des élus. Ils s'en plaignent assez fréquemment.
Pour les employés, qui vivaient jadis au jour le jour, et de nos jours souvent « au mois le
mois », la stratégie cohérente est la recherche de la sécurité de l'emploi. Le CDI contre le CDD.
C'était la solution qu'offrait l'État providence (entrer dans la fonction publique, la sécurité
sociale, les retraites) pour organiser l'économie sur une base non-précaire. C'est cette sécurité
de l'emploi qui avait pour effet d'amortir les crises cycliques. Le diagnostic actuel des syndicats
est exact quand ils considèrent qu'on est en train de « casser le pacte social », mais ils
semblent en sous-estimer les conséquences, dans la mesure où ils représentent seulement les
secteurs encore protégés.
Mais les privatisations, la flexibilité, correspondent bien à un retour à une précarisation d'une
partie plus importante de la population, qui n'est donc pas représentée par les syndicats ! Et
face à la précarité, la seule sécurité sociale est de faire des réserves, comme un quelconque
travailleur indépendant, un quelconque patron, ou un quelconque président.
Jacques Bolo
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