James Watson, prix Nobel pour sa découverte de la structure de l'ADN (avec Francis Crick et
Maurice Wilkins en 1962), a récidivé en déclarant, dans les colonnes du Sunday Times du 14
octobre 2007, que les Africains sont génétiquement moins intelligents que les Occidentaux.
« Son espoir, écrit la journaliste Charlotte Hunt-Grubbe, est que tous les hommes sont égaux
mais il répond que les "gens qui ont eu affaire avec des employés noirs se sont rendu compte
que ce n'était pas vrai".» (Libération, mercredi 17 octobre 2007). Un sociologue dirait que cela
prouve seulement que les employés sont moins intelligents que leurs patrons, ou que ces
derniers se croient tels, mais passons.
Albert Jacquard, généticien et démographe, avait trouvé une bonne formulation à cette
question. Il avait dit que l'intelligence est 100% génétique et 100% environnementale. C'était
un peu faux cul. Car, évidemment, cela revenait bien à 50/50.
Le fantasme de gauche
On peut dire que l'intelligence est 100% génétique parce que le cerveau, et tout le corps
d'ailleurs, dépendent bien entièrement de la génétique. Pour les plus jeunes, ou pour les plus
anciens qui ont perdu la mémoire (Alzheimer, je présume), il est bon de rappeler que la gauche,
à l'époque stalinienne, ne croyait pas à la génétique. Une des conséquences en fut même la
persécution des généticiens par le lyssenkisme [1]. On l'a donc oublié, mais à l'époque, le rejet de la génétique (par la gauche) était équivalent à celui du darwinisme (par la droite traditionnaliste) aujourd'hui. On en est
revenu. Mais un relent qu'il faut bien appeler lyssenkiste persiste dans l'opposition de gauche
à la génétique. Car il s'agit bien de l'opposition nature/culture. Et la gauche choisit la
prééminence de la culture, de l'environnement, sur la base génétique.
La gauche ne semble pas prendre en compte les cas de débilités, de mongolisme, ou autres
troubles d'origine vraisemblablement génétique. Les cas d'autisme ont été interprétés par
Bettelheim, et une partie du courant psychanalytique comme guérissables ou interprétables par
la psychanalyse. Comme la gauche à tendance à négliger l'individu, elle a toujours négligé de
considérer les différences individuelles, et les inégalités constatables, sur lesquelles la droite
fonde ses généralisations. Paradoxalement pour des matérialistes, le culturalisme ou
l'environnementalisme peuvent même correspondre à une idéologie plus ou moins implicite de
la puissance de l'esprit sur la matière.
Le fantasme de droite
On peut dire que l'intelligence est 100% environnementale parce que, sans l'environnement
éducatif et culturel, l'enfant ne survirait tout simplement pas ou serait idiot. Les rares
exceptions sont les enfants sauvages, les enfants loups. Réels : Victor de l'Aveyron décrit par
Jean Itard (voir le film de François Truffaut), Kaspar Hauser (voir le film de Werner Herzog) ;
ou fictifs : Mowgli du Livre de la jungle, de Rudyard Kipling, Tarzan, d'Edgar Rice Burroughs.
On parle aussi de fameuses expériences faites par des monarques (le pharaon Psammétique I,
Frédéric II de Hobenstaufen, James IV d'Écosse, Akbar le Grand en Inde) pour connaître
l'origine des langues, en isolant des enfants de tout contact linguistique. Le résultat est
évidemment un développement mental déficient.
La gauche est cependant gênée pour considérer ces enfants sauvages comme des idiots. Parce
que son fantasme est de parvenir à les rééduquer. La droite est plus pragmatique. Elle juge les
résultats. Avec cependant l'exception d'une bienveillance coupable envers ses propres enfants
peu intelligents ou franchement débiles. On comprend que ce soit gênant quand on pense que
l'intelligence est héréditaire. Un bon coup de pouce familial, environnementaliste, améliore
alors les résultats, au grand dam de la gauche, subitement élitiste républicaine.
Histoire belge
Comme je l'ai indiqué, le cas de la Belgique (voir Épuration ethnique) est éclairant. Les Flamands étaient jugés moins intelligents quand ils étaient pauvres, alors que la situation s'est inversée
aujourd'hui. Et si on ajoute le cas de l'Allemagne de l'est par rapport à celle de l'ouest, on
pourrait confirmer la théorie de droite sur le rejet de l'assistanat, pour la réussite, mais pas pour
l'influence de la génétique sur l'intelligence. Les Anglo-saxons ou les protestants croient un peu
trop que l'intelligence se mesure par la richesse. C'est pour cela que les Chinois sont en train de
devenir intelligents, alors qu'ils étaient jugés inférieurs ou décadents au début du siècle dernier,
tant par les Européens que par les Japonais.
Pour le moins, les variations historiques récusent la tendance de droite à l'essentialisation des
différences sociales. Les partisans de ce vieux mythe aristocratique tendent à oublier qu'ils
descendent le plus souvent de roturiers. La génétique n'en est que la version réductionniste
contemporaine. Chaque civilisation a pu se considérer à tour de rôle comme supérieure. Mais
il est difficile de considérer que la génétique évolue aussi vite que les péripéties de l'histoire.
Comme ces données sont connues de tout le monde, il est étonnant que certains n'en tirent pas
les mêmes conséquences. J'ai la faiblesse de considérer que ce n'est pas très intelligent. J'ai peur
aussi de penser que c'est génétique.
Jacques Bolo
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Notes
1. Lyssenko, condamnant la génétique mendélienne, jugée réactionnaire, reprend les thèses du mitchourinisme
stipulant qu'il est possible de modifier les caractéristiques génétiques d'une plante en agissant sur son environnement.
Il prétend, par des méthodes inspirées de cette théorie, pouvoir faire pousser du blé dans la toundra sibérienne. [...]
En 1939, Nikolai Vavilov, un des biologistes soviétiques les plus prestigieux, voit ses travaux rejetés sous
recommandation de Lyssenko. Il est arrêté en 1940, ainsi que ses principaux collaborateurs. Tous mourront au goulag.
(Source Wikipédia, article Lyssenko). [Retour]
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