Un amendement du député Mariani propose des tests ADN aux immigrés pour faire la preuve
de leur filiation pour le regroupement familial dans le cadre de la nouvelle loi qui durcit les
conditions d'immigration. La raison invoquée est l'absence ou la faible fiabilité de l'état civil
dans certains pays d'origine.
Voilà le type même de fausse affaire. Le rejet de cette mesure est légitime dans la mesure où
l'on évoque l'inégalité de traitement. En effet, cela revient bien à fixer une contrainte de
filiation directe dans le cas des immigrés en provenance de ces seuls pays. Or, il ne faut pas
l'oublier, des faux papiers sont aussi possibles dans les pays où l'état civil est plus fiable (avec
moins de risques donc !). Il faut souligner aussi le risque de révélation d'un adultère qui
provoquerait des conflits familiaux.
Mais pourquoi jouer sur les peurs d'une sorte de dictature génétique, ou tout simplement de
fichage, quand il s'agit simplement d'état civil (qui est bien une identification en tout état de
cause). A entendre certains arguments, on croirait qu'il s'agit d'eugénisme, voire de
« sélection » à l'entrée d'un camp nazi (voir rafles). Alors qu'il s'agit plutôt de
tracasseries administratives, dans le but évident de limiter l'immigration par d'infinies
brimades envers les immigrés. Dans les années 80, c'était les queues ignobles devant les
services chargés des renouvellements des papiers qui avaient ce seul but. Et ces tracasseries
persistent dans les ambassades françaises des pays d'origine.
L'amendement qui précise la possibilité de recourir à ces tests est bien inutile, puisque c'est
effectivement une des possibilités. En effet, le candidat à l'émigration, en situation de devoir
prouver sa filiation, doit bien pouvoir utiliser le moyen du test ADN de sa propre initiative.
Il serait absurde que cette levée de boucliers aboutisse à le priver de ce moyen (mais on peut
le craindre !). Le seul intérêt de cet amendement était de rembourser le test, en cas de filiation
démontrée. Ce qui n'annule pas l'argument de la rupture d'égalité, ni celui du risque de
découverte d'adultère dans le cas contraire [1].
Du droit
Au fond, si test il y a, c'est surtout celui de la démonstration par l'absurde de la difficulté voire
de l'aberration administrative à vouloir trop préciser les lois (spécialement s'il existe des
arrières-pensées – de part et d'autre – derrières les bonnes raisons avancées). Une loi doit
rester au niveau des principes, ne serait-ce que pour permettre les évolutions. Car elle ne peut
pas prévoir tous les cas, et ne doit donc pas les limiter a priori par des précisions inutiles. Cela
devrait même être une contrainte (constitutionnelle ?) à respecter dans la rédaction des textes
législatifs.
C'est d'ailleurs ce à quoi correspond une loi. Si elle doit être générale, ce n'est pas parce qu'une
loi s'applique réellement à tous (une loi sur l'avortement ne s'applique pas aux hommes ; une
loi sur la circulation automobile ne s'applique pas aux piétons, etc.). Une loi est forcément
empirique en cela qu'on la vote à partir de cas particuliers. Mais elle doit en extraire les
principes généraux. C'est en cela que le droit est de la philosophie appliquée. La question
fondamentale est celle de l'esprit et de la lettre. Car il est vain de prétendre se passer
d'interprétations. Et un régime démocratique se doit de définir ce qui est interdit et non de
détailler ce qui est autorisé.
Jacques Bolo
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