Quelle écologie ?
Les écologistes sont-ils devenus complètement fous ? Certes on n'attendait pas grand chose
de leur part, mais avec le plan de circulation de Paris des verts, ils vont gâcher toute la
sympathie du public pour leur cause. Car au fond, l'écologie est bien le seul vrai parti en
France, puisque les autres ne proposent qu'un changement d'équipe pour gérer les affaires
courantes. De nos jours, en politique, ceux qui sont élus ne font que profiter de l'impopularité
temporaire des autres. Cela fait un bon moment qu'on ne vote plus pour, mais contre, en votant
pour les extrêmes ou en s'abstenant pour manifester sa colère ou son désenchantement. Ce
qui est une erreur puisque les extrêmes ne proposent pas d'alternative crédible (sans parler de
la politique du pire qu'ils représentent). La seule politique alternative positive pour l'avenir est
bien, pour une grande part, liée à l'écologie. D'ailleurs, tous les partis en intègrent plus ou moins
des références. Le seul problème semble être l'application concrète de ces programmes dans
le cadre de la conjoncture mondiale et des impératifs contradictoires qui en découlent.
Forts de cette certitude de détenir la vérité sur l'avenir, les écologistes appliquent hélas tous
les biais de leurs incapacités traditionnelles, dans la lignée de l'avant-garde marxiste ou d'un
moralisme pontifiant d'illuminés. Ils demeurent un peu trop marqués par leur origine gauchiste
ou pro-nature des années 1970, quand ils étaient ultra-minoritaires. Alors qu'aujourd'hui
l'écologie serait même plutôt à la mode, ils ne savent pas en profiter. D'autant que le problème
est simple : soit il n'y a pas vraiment d'urgence immédiate, si les risques planétaires envisagés
sont à long terme (à l'horizon du siècle et plus, ce qui est rapide à l'échelle planétaire, mais lent
à l'échelle politique ou de la vie individuelle), et il n'est donc pas nécessaire de prendre un ton
apocalyptique ; soit les échéances sont à deux ou trois décennies (il est donc d'ailleurs sans
doute déjà trop tard) et il vaut mieux essayer d'être plus convaincant, et surtout plus efficace.
Dans ce cas, depuis les années 1970, le mouvement écologique a donc perdu trente ans en
querelles stériles. [Il existe aussi la possibilité que les risques soient surévalués ou illusoires,
mais ce n'est pas l'hypothèse qui correspond à la diffusion et l'importance des préoccupations
écologiques actuelles].
Idéologie écologiste
Le plan de circulation de Paris appartient à ce genre de politique obsessionnelle et symbolique.
Le premier résultat sera d'ailleurs sans doute de faire perdre la mairie de Paris à la coalition
gauche-écologistes. S'allier alors avec la droite, ne serait pas conforme à la stratégie habituelle.
Une partie du travail risque d'être perdu.
Ces travaux ont paralysé Paris pendant plusieurs
années, en refaisant même des aménagements qui venaient juste d'être terminés par la
précédente municipalité. Si la droite veut revenir sur certains d'entre eux qui ont transformé des
grands boulevards en voies uniques (sur deux sens quand même) [1], cela produira une nouvelle gabegie. L'écologiste Denis Baupin, l'artisan de ce plan, compte sans doute sur cette
irréversibilité.
- Notons aussi qu'avec le coût de ces travaux pharaoniques, des logements auraient pu être construit pour enfin essayer de résoudre la crise qui dure depuis des décennies. Cela aurait pu faire un peu baisser les prix immobiliers. En outre, comme il s'est produit des accidents qui ont causé 48 morts dans des incendies vétustes à Paris en 2005, ce genre de politique peut en être tenu pour directement responsable. La politique est une question de priorités. La question du logement est à l'ordre du jour de l'urgence depuis l'appel de l'abbé Pierre de l'hiver 1954. Et on trouve toujours un prétexte pour différer son traitement.
Le projet de tramway sur les boulevards sud des Maréchaux (ceinturant Paris juste avant le
périphérique), prévu par l'ancienne municipalité, reporte donc la circulation sur le périphérique (les Maréchaux venaient eux aussi d'être réaménagés, deux fois, après l'installation, puis un élargissement des couloirs des
bus !). Il a aussi fallu refaire entièrement le boulevard et ses canalisations pour supporter le
nouveau tramway.
L'aberration de ce plan est que le bus qui faisait tout le tour de Paris (PC – Petite ceinture),
après avoir été fractionné en trois sections (imposant un changement aux voyageurs), laisse
donc la place à un tramway sur simplement une partie d'une de ces sections. Il devrait être
éventuellement étendu si l'on parvient à trouver un financement.
Le paradoxe est qu'il existe une voie de chemin de fer abandonnée qui fait le tour de Paris (elle est partiellement utilisée, sur une toute petite partie, par le réseau de banlieue). Elle aurait pu servir à faire un métro circulaire,
en conservant le bus, en double, pour les petits trajets (mais ce n'est pas la politique de la
RATP). Il découle donc des bouleversements actuels l'obligation d'utiliser plusieurs tickets si on n'a pas
une carte d'abonnement (en cas de correspondance bus-métro) : ce qui signifie donc que ceux qui sont dans ce cas continueront à passer par le centre de Paris en métro !
Travaux du tramway
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Voie de la Petite ceinture
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Pragmatisme écologique
Parallèlement à ces travaux imbéciles, sans doute à cause du blocage de la circulation, le
nombre de bus semble avoir été réduit ces dernières années, avec des temps d'attente de 10 à 20 minutes en plein
centre ! Une politique intelligente aurait été tout simplement d'instaurer la gratuité des transports. C'était peut-être trop simple.
De plus, la gratuité des transports correspondrait à une authentique politique de
développement durable. En effet, il ne faut pas oublier que, comme pour les impôts, la
perception du paiement a aussi un coût : il faut payer les employés des guichets, les
contrôleurs, les machines (à valider et vendre les billets) et leur entretien, l'impression des billets
et des cartes d'abonnement, la publicité pour vanter les transports en commun. Alors que la
gratuité libérerait les emplacements des guichets pour des commerces (journaux, souvenirs...),
et du temps pour les clients en début de mois. Certes, les nouvelles cartes payables par
prélèvement mensuel ont cet effet, mais les guichetiers (leur nombre a déjà été réduit)
travaillent donc pour une vente de très peu de billets à l'unité.
Cette mesure aurait vraiment constitué une incitation à utiliser les transports en commun conjointement à la voiture pour les banlieusards. N'oublions pas que la gratuité des transport permettrait une utilisation partielle de l'automobile (en déposant sa voiture dans un parking). Sinon, il faut payer en plus un abonnement aux transports en commun, ce qui limite cette option. Ceux qui ont vraiment besoin de leur voiture auraient pu continuer à l'utiliser plus facilement (son coût d'utilisation aurait été équivalent à un péage urbain). Cette réduction du trafic aurait diminué les embouteillages qui contribuent davantage à la
pollution. On aurait bien eu une économie de carburants, une diminution des polluants, une
circulation plus fluide.
Un autre heureux effet, qui aurait pu satisfaire les verts (comme écologistes gauchistes), aurait aussi été de donner un peu de pouvoir d'achat aux Parisiens les plus pauvres. Car Paris est une ville chère. Le but de la politique n'est pas de gêner ou de forcer, contrairement au moralisme (écologique). Avec une telle solution, tout le monde aurait été content [2]. Mais franchement, c'est un peu suspect. Ce n'est pas dans la tradition judéo-chrétienne (dont les écolos semblent constituer une des tendances fondamentalistes cachées).
Jacques Bolo
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