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Culture / Japon - Janvier 2024

Ozu, Le Goût du saké (1962)

Résumé

Comme dans Printemps tardif, le sujet du film Le Goût du saké est une fille (d'un cadre d'entreprise, cette fois) qui préférerait rester chez son père pour s'occuper de lui plutôt que se marier. Cette question sociologique semble obséder OZU qui fait ici un remake presque identique de son film de 1949.

Le Goût du saké, Titre Original : 秋刀魚の味 (Sanma no aji, litt. Le Goût du poisson-couteau d'automne), Scénario : NODA Kogo, OZU Yasujirô, Réalisateur : OZU Yasujirô, Production : Shochiku, Avec : RYÛ Chishû, IWASHITA Shima, SADA Keiji, MIKAMI Shinichirô, OKADA Mariko, YOSHIDA Teruo, MAKI Noriko, NAKAMURA Nobuo, TÔNO Eijirô, MIYAKE Kuniko, KISHIDA Kyôko, SUGIMURA Haruko, KAN Michiyo, KITA Ryuji, TAKAHASHI Toyoko, ASAJI Shinobu, ODA Masao, SUGA Fujio, KATÔ Daisuke, SUGAWARA Tsuusai, OGATA Yasuo, INAGAWA Yoshikazu, KOMACHI Hisayo, YAMAMOTO Tami, IMAI Kentaro

Comme pour Printemps tardif, le film étant essentiellement le sujet sociologique du mariage des filles dévouées, je me permets de spoiler l'histoire. Un autre aspect sociologique plus général, dans le cas du Japon, est celui des codes sociaux comportementaux très appuyés, au moins pour la perception occidentale. On ne peut pas vraiment savoir si OZU veut spécifiquement les promouvoir ou s'ils constituent le cadre normal à l'époque. Ici, le groupe social concerné est celui de « salary men » d'une entreprise à l'américaine et de son personnel dans la reconstruction de l'immédiat après-guerre. Il est possible que l'« américanisation » des scènes et des costumes masculins et féminins dans l'entreprise ait été exagérée pour exprimer la modernisation. Les autres scènes se passent dans des maisons ou des bars et des restaurants traditionnels entre modernité des costumes des hommes et tradition des femmes en kimonos.

Comme je le dis souvent pour les films et séries coréennes et japonaises, les relations humaines présentent une forme assez naturelle des relations, souvent des plaisanteries entre amis dans Le Goût du saké. Mais paradoxalement, le cadre est très ritualisé, à la limite d'un jeu théâtral, dans le cas du Japon, peu expressif dans le cas d'OZU surtout. La plupart des scènes concerne des conversations au cours de beuveries entre copains de jeunesse. Quoique l'alcoolisation soit bien moins poussée que celles qu'on voit ailleurs (fictions coréennes ou japonaises). On pourrait penser à une sorte de publicité institutionnelle pour la tempérance (ou pour donner une bonne image à l'étranger) dans le cas de ce film.

Dans ces rencontres, il est question en particulier de préparer une invitation au restaurant de leur vieux professeur, SAKUMA. Les amis sont partagés sur le sujet. Ils le font quand même et ils constateront que le prof est porté sur la bouteille, d'où sans doute le titre du film en français. Depuis la défaite du Japon, l'ancien prof tient une gargote miteuse avec sa fille qui est restée pour s'occuper de lui parce qu'il est veuf.

Le vrai sujet du film est bien le mariage des filles, contre la norme qui voudrait qu'elles restent pour s'occuper de leurs vieux parents (on imagine du père surtout). Dès le début, le chef du service de l'entreprise, copain d'études du héros, dit au héros qu'il devrait marier sa fille pour ne pas la condamner à rester vieille fille et propose un bon parti. Le héros, HIRAYAMA Shuhei, joué encore par RYÛ Chishû, hésite et se demande comment il va se débrouiller à la maison avec son second fils encore étudiant. La fille elle-même joue la fille dévouée en disant au copain de son frère étudiant qu'elle veut se consacrer à son père et à son frère.

Après l'invitation du vieux prof par ses anciens élèves, le héros va le voir dans son boui-boui pour lui remettre l'enveloppe d'une collecte faite par ses élèves, que le prof refuse, mais Hirayama la laisse sur le comptoir. Il voit la fille du prof, restée vieille fille à son service et il culpabilise. Il y est aussi reconnu par un ancien subordonné de l'armée qui l'invite à prendre un verre ailleurs. Le soldat regrette le bon vieux temps. Écoutant la musique américaine, il émet l'hypothèse qu'en cas de victoire japonaise, ils auraient peut-être été à New-York, et les Américains seraient en train d'écouter de la musique japonaise. Significativement pour l'ambiance occidentalisée du film, Hirayama réplique nonchalamment que ça vaut peut-être mieux qu'ils aient perdu !

Au final, le héros envisage bien le mariage de sa fille et lui parle donc de la proposition d'un prétendant possible. La fille fait des manières pour jouer encore la fille parfaite, mais elle confie plus tard à son frère qu'elle en avait quelqu'un d'autre en vue. Le frère insiste pour qu'elle lui dise qui et elle avoue que c'est son ami étudiant. Le frère s'empresse d'en parler au copain. Fatalitas ! Le copain allait annoncer à son ami qu'il va justement se marier. Il était secrètement entiché de la sœur depuis un moment, mais il avait été découragé par les déclarations précédentes de la fille de se dévouer au moins quelque temps à sa famille. Il ne va pas se décommander, même s'il le regrette un peu.

Le frère rapporte la mauvaise nouvelle à la sœur. Dépitée, après une résistance au nom de la piété filiale, elle accepte le candidat de l'ami de son père. On assiste alors à un rebondissement de cette version finalement pince-sans-rire. Au cours d'un repas chez son boss pour traiter la question, un autre ami présent dit à Hirayama que comme il n'avait pas donné suite, lui-même avait proposé sa propre fille et les deux tourtereaux devaient se rencontrer prochainement pour voir s'ils se convenaient. La fille de Hirayama doit attendre son tour. Mais la maîtresse de maison, apportant les boissons en kimono, les gronde en disant qu'ils sont méchants de le charrier. C'était une blague. Hirayama accepte la leçon parce qu'il avait aussi fait une blague sur l'autre ami. Et le mariage a lieu. Le film se termine sur le héros qui se plaint pourtant encore qu'on élève les filles pour qu'elles s'en aillent. Le précédent film sur le même sujet et avec la même fin offrait une meilleure explicitation des sentiments.

Jacques Bolo

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