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Culture - Août 2023

L'Amour au rattrapage (série coréenne, 2023)

Résumé

L'enfer des cours du soir et de l'éducation en Corée. Les mères à la manoeuvre. Le poids des codes culturels coréens.

Titre original : 일타스캔들 (Ilta Scandal), Titre anglais : Crash Course in Romance, Scénario : YANG Hee-seung, Réalisateur : YOO Je-won, Production : Studio Dragon, Avec : JEON Do-yeon, JUNG Kyung-ho, ROH Yoon-seo, OH Eui-shik, LEE Bong-ryun, SHIN Jae-ha, LEE Chae-min, HWANG Bo-ra, KIM Tae-jeong, KANG Na-eon, HWANG Bo-ra, KIM Sun-young, JANG Young-nam, BAE Hae-sun.

J'avais un peu peur de regarder une romance coréenne, mais cet aspect n'est heureusement pas très marqué (côté positif d'un certain puritanisme local). Le sujet de cette série de 16 épisodes correspond plutôt aux dérives obsessionnelles des mères coréennes polarisées sur la réussite à tout prix de leur progéniture. Le surmenage des jeunes coréens passant de l'enseignement public la journée à des cours privés du soir est de notoriété publique. Certaines mères s'y consacrent excessivement au point d'interférer dans le cursus et les résultats.

La série concerne plus précisément les aventures d'un prof de mathématiques, CHOI Chi Yeol, vedette d'une école privée de bachotage. Je suis un peu sceptique sur la méthode pédagogique. Elle me semble seulement reproduire le cours de lycée devant une classe d'une centaine d'élèves. Ça permet peut-être de réviser, mais pas forcément de mieux comprendre.

Je m'intéresse aux séries coréennes pour explorer les diversités culturelles en me demandant parfois ce qui relève de la réalité et de la fiction. C'est toujours valable un peu partout. Mais les fictions coréennes pratiquent souvent le mélange des genres (dramatique, comique, pontifiant, grotesque, tragique...). On se demande parfois si on doit rire ou pleurer quand on ne possède pas les codes de la vie sociale locale.

Comme je l'ai remarqué pour une série précédente Misaeng, les épisodes d'un peu plus d'une heure me paraissent trop longs. Il n'y a pas trop de flashbacks cette fois, mais on pourrait facilement raccourcir d'un quart d'heure chaque épisode. Une solution aurait d'ailleurs pu être de supprimer totalement l'ajout de l'intrigue policière glauque (sur un principe prévisible d'emblée) qui n'apporte absolument rien. On a carrément droit à des meurtres en série quand même ! Même si elle n'occupe pas trop de temps en elle-même, un des personnages qui fait diversion pourrait aussi disparaître. Car le thème principal du surmenage scolaire aurait été bien suffisant pour mettre en scène des conséquences morbides éventuelles et même plus dramatiques du fait de leur relativisation par cet ajout de meurtres inutiles.

L'autre thématique omniprésente est évidemment le contrôle social permanent : entre élèves, des professeurs par les parents, des professeurs entre eux, complété par le poids des réseaux sociaux et des médias. L'ambiance coréenne est assez étouffante malgré des rapports humains parfois chaleureux. Il semble bien que tous les personnages soient déprimés et pas seulement le personnage principal du professeur vedette dont la neurasthénie initiale est l'argument de la presque totalité de la série. Le dynamisme brouillon de l'héroïne, NAM Haeng-Seon, mère célibataire d'une des élèves qui tient une boutique de traiteur, est destinée à sa rédemption amoureuse (pudique) ultime. Elle subit classiquement la coalition de tous les obstacles du harcèlement par les conventions étouffantes d'un archaïsme confucéen persistant assez généralisé.

L'intérêt principal de la série est une galerie de personnages généralement bien servie par les acteurs, malgré les excès baroques de la dramaturgie d'ensemble. On a souvent l'impression que les scénaristes coréens veulent trop en faire, comme avec les meurtres ou les liens entre certains personnages dans le passé. Ce dernier point me semble un truc actuel lassant d'écoles de scénario télé un peu partout dans le monde. C'est sans doute lié aux longueurs par l'ajout d'intrigues parallèles pour augmenter le nombre d'épisodes.

Avec les réserves mentionnées sur la question du réalisme, il me semble que le bilan global de la série consiste pourtant dans une variation très intéressante sur le thème classique de la transgression des conventions, accentuée par le formalisme figé des codes culturels coréens. Je concluais mon compte rendu de Misaeng en disant qu'il semble que « tous les codes sociaux ne servent absolument pas à améliorer quoi que ce soit, ni les rapports interpersonnels ni l'efficacité professionnelle, bien au contraire. » Avec L'Amour au rattrapage, la morale de la fable est plutôt que la transgression des codes est généralisée, en mal ou en bien. La sorte d'omerta complotiste des conventions semble vouloir substituer le conformisme aux émotions sincères. Le happy end paraît argumenter qu'il suffit d'être plus naturel pour éviter l'accumulation de drames. Ça semble cohérent, quoique très optimiste dans ce contexte très pesant.

Jacques Bolo

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