Antoine Perraud, journaliste de Médiapart que l'on croyait plus subtil, a réalisé une série d'été de quatre articles sur Georges Brassens (1921-1981). Il a apparemment beaucoup travaillé et s'est coltiné toute la discographie et la documentation biographique, qu'il considère comme : « un corpus à la fois obsessionnel et foisonnant - 171 textes écrits de sa main, auxquels il faut ajouter 21 poèmes (de François Villon à Paul Fort, en passant par Victor Hugo ou Louis Aragon) mis en musique. »
L'étude de Perraud est assez exhaustive, contrairement à ce qu'il affirme, même s'il se concentre sur certains thèmes. Il fait au passage quelques découvertes effectivement étonnantes. C'est un métier de se préparer pour le centenaire de la naissance du chanteur (22 octobre 1921). Perraud va donc prétendre « désembaumer » Brassens, mais le titre de sa série, « Brassens pris 'aux mots' », qui se veut justifié par les citations exactes des textes des chansons, constitue plutôt l'aveu d'un abus de littéralisme.
Après les deux premiers volets, « Le dernier des troubadours » et « Les sain(t)s principes brasséniens », qui avaient abusé les fans du poète, Perraud se livre à un dégommage en règle dans « 'Les Copains d'abord', ou l'abdication politique » et « Misogynie guère à part, phallocratie galopante » qui a révulsé les mêmes partisans de Brassens. Perraud prétend même procéder « à la loyale : [en scrutant] ce qu'il nous a légué plutôt que de fureter dans ce qu'il s'évertua, sa vie durant, à cacher. » Diantre ! Comme dirait l'autre, Perraud fait-il dans le classique « Brassens avance masqué ? » L'époque est décidément au complotisme. Il est vrai que Médiapart se spécialise un peu trop dans la dénonciation de scandales.
Il ne s'agira pas non plus pour moi ici de dire que l'attitude que Perraud attribue à Brassens s'excuse par le contexte passé. Mais il ne faut justement pas négliger que les chansons de Brassens doivent s'interpréter en réaction au contexte. C'est sa réputation de provocateur et elle est exacte sur ce point. « La mauvaise réputation » que tente de lui faire Perraud aurait plutôt tendance à correspondre à l'image que ses contemporains qui le détestaient ou le dépréciaient avaient de lui. Entre Perraud et Brassens, le plus médiéval des deux n'est pas celui qu'on pourrait penser.
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Puisque le débat est lancé, laissons donc place à la réfutation :
j'ai donc publié une réponse (80 pages) en ebook, en vente sur Amazon Kindle ou sur Google Livres (3 €), et une version papier est en vente aux éditions Lingua Franca (9 €)
Ce petit livre, Pour Brassens, contredit cette diatribe de Perraud et retrouve la réalité et l'esprit de l'oeuvre du poète, en particulier par la restitution complète des extraits que le journaliste avait malhonnêtement tronqués. Ceux qui connaissent Brassens retrouveront l'authenticité de son art et les autres pourront mieux s'informer à son sujet, contre les fake news.
Jacques Bolo
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