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Économie - Août 2015

Fausse crise porcine

Résumé

Dans le cochon, tout est bon. Rions un peu avec les éleveurs.

Après la fausse (vraie) crise grecque, voici une fausse crise porcine. Les producteurs ont organisé un cortège pour venir manifester à Paris. Ce dont la majorité des Parisiens se fout d'ailleurs. C'est l'été. Tout le monde est en vacances. Mais ça a l'avantage de les distraire un peu. Habituellement, les éleveurs ne prennent pas de vacances. Ça occupe à plein temps.

On sait d'ailleurs que la crise de la filière porcine est chronique. Le cours des carcasses est trop bas et ne couvre plus les coûts. Les producteurs peuvent travailler à perte. Les acheteurs de la grande distribution les étranglent. Mais que faire ? Après les années de subventions de l'Europe et de prix garantis, qui étaient motivés par le redressement de l'après-guerre, le marché s'est libéralisé. Aujourd'hui, les patrons producteurs font leurs affaires normalement, comme les autres secteurs. Ce ne sont pas des fonctionnaires qui demandent une augmentation. Leur business marche ou ne marche pas.

L'argument de l'ouverture des frontières n'est évidemment pas valide. Outre les accords internationaux et la participation des Français aux exportations au même titre que les autres, le problème de la filière est précisément sa concentration en Bretagne. On ne peut pas parler de marché local, ni surtout de circuits courts. L'est de la France pourrait plus logiquement s'approvisionner en Allemagne pour les saucisses de sa choucroute. On a même eu l'occasion d'apprendre que les coûts des salaires des producteurs du porc danois étaient supérieurs à celui des Français, mais qu'ils trouvaient pourtant des débouchés. La productivité et la réputation du produit sont meilleures. Les clients n'ont pas de raisons de privilégier nos producteurs nationaux, spécialement en dehors des frontières. J'ai eu l'occasion de dire ailleurs que la France coloniale avait sans doute donné la mauvaise habitude d'un marché protégé qui ne prépare pas à la concurrence internationale. La nostalgie protectionniste trouve là son explication.

On ne peut pas dire non plus qu'il s'agisse de sacro-saints « petits producteurs » du fait de cette concentration. On en connaît d'ailleurs les conséquences sur les algues vertes, dues aux rejets de lisier. Le tourisme côtier en pâtit. Les écolos ne vont pas défendre le porc pas du tout bio de l'élevage industriel. Ne parlons pas non plus des végétariens qui ont le vent en poupe actuellement. Et comme le porc est quand même la viande la plus consommée en France, on a simplement affaire à une banale crise de surproduction. On pourrait toujours accuser les musulmans, qui n'en consomment pas. Mais on ne va pas les convertir ni les remplacer par des Polonais. D'autant que ces derniers font moins d'enfants et que ça impacterait donc les producteurs de lait.

Surtout, on sait bien que cette crise est simplement conjoncturelle. Elle dépend essentiellement de la fermeture du marché russe comme rétorsion aux sanctions de la France contre Poutine à propos de la crise ukrainienne. Cet élément pourrait d'ailleurs justifier le versement de compensations puisque la situation résulte d'une décision politique. Mais structurellement, il faudrait peut-être considérer les éleveurs comme des sous-traitants salariés de la grande distribution. Ça correspond davantage à la réalité du secteur.

Jacques Bolo

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