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Puisque la question religieuse est à l'ordre du jour, cette réédition du livre sur Les faux messies, de Christophe Bourseiller tombe à pic pour en rappeler la dimension réelle, concrète et permanente, et souvent extrême, tout au long de l'histoire.
Bourseiller est connu pour fournir une documentation pléthorique d'un empirisme de style américain qui ne plaît pas toujours aux habitudes du lecteur français. L'énumération chronologique a l'intérêt immédiat d'exposer la permanence du phénomène messianique. L'auteur exclut de sa liste les simples prophètes (comme pour les mormons), sans doute à tort, en ne conservant que ceux qui finissent par revendiquer explicitement le titre de messie. Ce qui limite donc également le phénomène aux religions du livre, judaïsme, christianisme ou islam, avec quelques incursions extrême-orientales sur la fin. Il aurait pu élargir son étude à certains syncrétismes exotiques qui ne relèvent donc pas du messianisme (ou ce qui est considéré comme tel).
Ce foisonnement de plus de cent quatre-vingts messies, dont neuf femmes, que Bourseiller documente au trois quarts environ, présente évidemment quelques traits communs, dans leurs entreprises en démarcation avec les religions dominantes de leur temps. La disparition de leur schisme laisse aussi quelques séquelles qui persistent plus ou moins longtemps et ensemencent d'autres continuateurs. C'est ainsi que sont fondées les sectes minoritaires. La lecture de leurs spécificités et de leurs dérives est impressionante.
Bien souvent, le succès se transforme en mouvements révolutionnaires de nature plus politique qui entraînent des répressions par le pouvoir en place ou des massacres des infidèles par les adeptes de l'élu. Le messie finit souvent par sombrer dans un délire mégalomane et apocalyptique qui le conduit à sa perte. Si on dit qu'une religion est une secte qui a réussi, c'est bien parce qu'une secte est une religion qui a échoué.
Plus que la tentative un peu académique de définir conceptuellement le messie, ou la référence finale à l'historien des religions, Henri Desroche, qui en parle comme d'« homme de l'attente », que Bourseiller corrige en « homme de l'impatience », il faudrait plutôt constater que la permanence lancinante du phénomène messianique concerne les avatars de l'appropriation intellectuelle du phénomène religieux par ses adeptes. Le messie est simplement l'incarnation du mythe dans une subjectivité, dont l'autonomie s'arrête au besoin de reconnaissance par des disciples.
Mais rien ne remplace la confrontation à l'histoire concrète et exhaustive du phénomène messianique à travers ses errements, comme nous les présente Bourseiller, pour en saisir toute la dimension pathétique. Pour le coup, on peut y voir une série de péripéties christiques suivies de résurrections permanentes. Éternels retours ou essais et erreurs caractérisent la condition humaine.
Car la faute de Bourseiller, bien sûr, est qu'il n'existe évidemment pas de vrai messie... ni de vraie religion, d'ailleurs. Les précautions initiales de l'auteur sur le sujet (« Vrais ou faux messies », p. 25) relèvent de la poltronnerie académique rituelle. Au fond, toute la tradition des études religieuses se fonde sur l'échafaudage conceptuel factice d'une apologétique révérencieuse.
Jacques Bolo
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Première édition : éd. Fayard, Paris, 1993.
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