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Politique - Novembre 2011

Démocratie : leçon 19

Violences politiques

Résumé

Les guerres sont toujours présentes. Mais contrairement à ce que croyait Max Weber, l'Etat n'a pas le monopole de la violence.

La mort de Kadhafi, tué par les rebelles libyens qui l'avaient capturé, nous rappelle que la violence politique n'est pas éliminée. La violence était aussi présente dans son régime, ce qui explique certainement le geste des insurgés, qui n'avaient plus d'autres choix qu'aller jusqu'au bout quand ils ont pris les armes. Et sans le soutien de l'OTAN, c'est eux, sans doute, qui auraient été éliminés. C'est ce qui se passe en Syrie.

Pour le moment, le cas libyen représente ce que la coalition avait souhaité pour les deux guerres du Golfe de 1990 et de 2003, contre Saddam Hussein. Une prise de pouvoir par la population contre un dictateur qui se maintenait depuis trop longtemps. Espérons que la suite sera moins laborieuse pour rétablir le calme.

Un aspect de cette situation est qu'on a tendance à considérer que la guerre étatique est une chose normale. Même avec une caution générale de l'ONU, ou une coalition partielle, il s'agit bien aussi de violence politique. Outre les bavures inévitables, les bombardements ne sont pas de simples opérations de police pour maintenir l'ordre à moindres frais. Même quand la légitimité d'un clan au pouvoir est contestée, renverser ainsi un gouvernement est une opération qui instaure une tutelle extérieure de fait. On comprend que certains États s'en inquiètent, pour eux-mêmes ou pour le principe. J'ai aussi déjà mentionné le fait que l'impuissance militaire de l'armée libyenne à contrer la coalition montre le déséquilibre des forces, alors que les armes qui sont vendues à ces pays sont censées leur garantir une souveraineté. On se dit qu'elles n'ont servi qu'à la violence politique intérieure qu'on reprochait au régime.

Cet été 2011, en Norvège, le terroriste Anders Behring Breivik, auteur d'un massacre et d'un attentat à la bombe à Oslo, a montré que la violence politique persiste dans une société qu'on croyait pacifiée. Son action est un mélange entre la violence individuelle des lycéens ou des employés qui massacrent leurs collègues et celle des groupes terroristes organisés. Cette violence politique se manifeste par le discours idéologique qui sert de motivation à ses actes. Mais on pourrait généraliser cette violence politique aux actes de délinquance ordinaire qui peuvent être considérés eux aussi comme une contestation plus ou moins développée de l'ordre social. La force publique est, elle aussi, une réponse coercitive. On sait qu'elle commet des abus qui minent la légitimité démocratique.

Dans la tradition contestataire, l'ordre social est souvent tenu pour illégitime. C'est généralement une erreur, car il faudrait plutôt considérer qu'il est un produit de l'histoire des révoltes précédentes. Son renversement par la violence politique est empêché par un appareil policier ou militaire qui ne peut pas se revendiquer de la non-violence. Une fois installé, un ordre social favorise toujours certains acteurs. Ce qui le délégitime auprès de ceux qui en pâtissent. La violence de la répression est simplement plus apparente dans les dictatures.

Même si elle est davantage présente dans certains pays (Mexique, Colombie, Afrique du sud...), la violence n'a jamais cessé dans les rapports sociaux. On a l'impression d'une augmentation actuelle de la violence, mais c'est parce que les informations sont plus rapides et plus globales. Il en résulte quand même une certaine tension qui est exploitée par les médias et les marchands de peurs.

Un fait divers récent donne un exemple de cette tension. Une caissière d'un supermarché Cora de Moselle est menacée de licenciement. Elle a ramassé un ticket de caisse abandonné parce qu'il comportait, au dos, un ticket de réduction chez McDonald. Le Procureur de la République estime que le ticket appartient bien à Cora, ce qui n'est pas l'avis d'internautes juristes qui considèrent qu'il s'agit d'une « res derelicta, chose sans maitre » selon le bloggeur Maître Eolas. Ce qui est encore trop de considération pour une connerie totale.

Comme l'a remarqué (un peu rhétoriquement) un commentaire de l'article du Nouvel Observateur qui signale l'affaire :

« Ils chercheraient l'affrontement en haut lieu, ils ne s'y prendraient pas autrement ! Et quand la machine va se mettre en route, on ne pourra plus l'arrêter ! Tant pis pour les pots cassés. Déjà des films comme 'De bon matin' proposent des solutions ! Je crains pour l'avenir ! »

D'autres internautes appellent au boycott des supermarchés Cora. Une solution juridique pourrait être la condamnation de la chaîne, le renvoi de la direction locale, et la révocation du procureur pour trouble à l'ordre public. Il vaudrait mieux éviter d'aller jusqu'à une intervention de l'OTAN.

Jacques Bolo

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