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Économie / Éducation - Novembre 2011

De la Grèce à l'Espagne, via les États-Unis

Résumé

Les indignés américains manifestent contre leur propre endettement. Les classes moyennes n'ont pas compris que tout le monde ne peut pas faire partie de la classe supérieure. Ce qui est pourtant encore le cas au niveau mondial.

Les indignés américains manifestent contre leur propre endettement. Un article de Corine Lesnes (avec Delphine Halgand) dans le Monde du 27 octobre 2011, « Les étudiants américains écrasés par leurs dettes », donne la clé du problème. On sait que les études universitaires sont payantes aux États-Unis. L'article présente un étudiant qui se plaint d'un endettement de 70 000 dollars (50 000 euros), alors même qu'il bénéficie d'un job d'assistant professeur qui lui rapporte 15 000 dollars par an. Ce qui satisferait bien des indignés européens.

Les fameuses « classes moyennes » refusent donc de payer les études qui les conduiront dans les classes supérieures. C'est bien ça le problème. Elles ne contestent pas la hiérarchie, ni la concentration exagérée des richesses, elles veulent arriver au sommet du « rêve américain » sans en payer le prix. Elles ne comprennent pas la nouvelle stratification sociale, dont j'ai déjà parlé, avec une minorité de super-riches, une immense majorité de classes moyennes, et une minorité de pauvres, généralement immigrée, de préférence sans papiers, c'est-à-dire sans droits. Les mieux intentionnés s'en préoccupent, la majorité s'en fout et considère même que les plus pauvres sont leurs concurrents ou à leur charge alors qu'ils sont à leur service. Comme je le disais à propos des indignés espagnols, leurs revendications de diplômés ne concernent pas les postes d'ouvriers agricoles.

À propos de la Grèce, je notais ce mois-ci que la démocratie consiste simplement dans le fait d'assumer les dépenses que les représentants du peuple décident, généralement au profit des classes moyennes. Soit les étudiants payent eux-mêmes leurs études, soit elles sont financées par la collectivité. Elles ne sont pas gratuites. Elles correspondent dans les deux cas à une dette que les étudiants rembourseront individuellement ou en tant que contribuables. Les Américains veulent-ils adopter le système européen où les pauvres payaient pour les étudiants riches. C'est bien ce que signifiaient les statistiques « à la Bourdieu » dont la gauche se gargarise. La nouveauté, quand presque tout le monde fait des études (classes moyenne majoritaire), c'est bien que tout le monde paie pour tout le monde, c'est-à-dire plus ou moins chacun pour soi.

L'illusion se dégonfle donc du fait de l'augmentation des classes moyennes. Le nombre de défauts de paiement des emprunts étudiants augmente et la faillite personnelle n'est pas prévue dans leur cas. Comme le dit l'article du Monde, Obama veut y remédier. Mais il utilisera pour cela des fonds publics, c'est-à-dire des impôts, que les Américains, comme les Grecs, refusent de payer.

Le comique de l'histoire est que « Les experts craignent un impact sur la consommation ». En clair, des étudiants endettés ne pourront pas acheter des automobiles et des pavillons de banlieue, autres éléments de base du rêve américain,... de l'époque où les classes moyennes ne faisaient pas d'études supérieures. C'est sûr qu'il vaudrait mieux que les études coûtent moins cher pour pouvoir s'acheter une bagnole.

L'autre solution est l'endettement global, mais c'est bien sûr une fiction qui dépend du préteur en dernier ressort, c'est-à-dire la Chine actuellement, par l'intermédiaire des banques, qui prennent une forte commission au passage. On conçoit qu'on s'oppose à la « dictature de marché ». Mais cela risque de signifier qu'on est en train de voler les épargnants chinois, c'est-à-dire les pauvres. Définition du pauvre : qui travaille beaucoup pour pas cher au profit d'autres personnes qui ont fait des études. Ouf ! L'ordre du monde est sain et sauf.

Jacques Bolo

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