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Politique / Économie / Conneries - Décembre 2010

Copé chez Ruquier, abuseurs publics

Le salaire du député

Etrange spectacle à l'émission de Ruquier, « On n'est pas couché », sur France 2, ce 10 décembre 2010. Le député Jean-François Copé, nouveau président de l'UMP, est venu faire son numéro pour préparer, comme on commence à le savoir, sa future campagne présidentielle, pour 2017 ! Et l'animateur lui a servi la soupe au point que son meilleur contradicteur a semblé être une autre invitée, Sylvie Tellier, Miss France de son état (hélas transitoire), qui a titillé le député sur la corruption et les avantages des hommes politiques. Même les duettistes, Éric & Éric, ont semblé largués un moment, avant de tenter péniblement de reprendre la main. Ils devraient s'inquiéter pour leur poste si une Miss France, qui n'est donc pas aussi conne qu'on le sous-entend, vient leur griller la politesse.

Le futur président, éternel gendre idéal, ne s'est pourtant pas décontenancé. Ses dénégations n'ont pas vraiment convaincu, malgré son ton maîtrisé de roi de l'enfumage. C'est un métier. Il a fini par nous faire le coup des années disco-yuppies, selon lequel les responsabilités des hommes politiques sont équivalentes à celle d'un chef d'entreprise qui gère un budget de millions, voire de milliards d'euros. Ce qui a marché auprès du chanteur Benjamin Biolay, l'imbécile, qui a rajouté la suite de la chanson selon lequel (de mémoire pour les paroles) « s'ils étaient dans le privé, leur salaire serait supérieur à leur indemnité actuelle ». Pou, pou, pidou  (refrain) !

Certains ne semblent pas avoir enregistré que pendant cette période l'écart de salaire entre les patrons et les salariés est passé d'une différence de 1 à 20 (par exemple), à une différence de 1 à 200. On conçoit qu'un homme politique considère la deuxième situation comme un acquis social. Mais c'est oublier que c'est sans doute cela la véritable raison qui a provoqué ce qu'on appelle la crise (c'est pas la crise pour tout le monde).

Comme je l'ai écrit, il y a quelques années, sur cette même revue (voir « Augmentez les patrons ! »), ces augmentations ont provoqué une revendication en cascade des cadres, qui a provoqué l'augmentation du prix des biens immobiliers et la bulle. Je parlais aussi des salaires des vedettes du show-business ou du sport, d'où le lien avec Biolay, à défaut de compétences sur la question de sa part. Ma réponse de l'époque me semble toujours valide, pour ne pas dire définitive :

« Comme on l'a déjà souvent remarqué, les revenus des stars du spectacle ou du sport sont moins contestés. Leurs mérites sont sans doute perçus comme plus individuels, même si ces vedettes passent leur temps à remercier toute l'équipe, à qui elles doivent tout, et qui touche beaucoup moins qu'elles (d'où les remerciements). Il semble que dans ces secteurs culturels, le partage très inégalitaire de la valeur ajoutée ne soit pas contesté. Alors qu'une solution au problème des intermittents résiderait précisément dans une meilleure répartition, qui exprimerait mieux la solidarité que les grandes déclarations (qui ne coûtent rien). »

C'était donc seulement pour cela que les cadres (et les hommes politiques) nous chantaient la chanson : « j'aurais voulu être un artiste ! ».

Les 35 heures

Décidément bloqué intellectuellement dans les années 1990, le président Copé (on est toujours président de quelque chose, comme disait, je crois, le président Edgar Faure), a entonné l'autre rengaine de l'UMP, faisant porter la responsabilité de tous nos maux sur les 35 h. Sera-ce la thématique de campagne pour 2012 ? Ou va-t-il nous refaire le coup des 35 h en 2017, en s'y prenant sept ans à l'avance ? Bon, ça change un peu de l'insécurité. Mais faisons le plus bref possible : la crise internationale n'est pas due aux 35 h.

Je viens même plutôt de montrer qu'elle était due aux salaires de patrons et aux banquiers escrocs qui se sont fait renflouer par l'État (par les hommes politiques). Ils ont pu se rétablir par la suite, en augmentant les frais bancaires comme ils avaient augmenté les taux variables des pauvres qui n'ont donc pas pu rembourser leurs emprunts (ce qui permet d'accuser les minorités, décidément source d'insécurité). Il faut bien assurer une progression annuelle de 15% pour justifier les salaires des dirigeants auprès des actionnaires, et des députés auprès des citoyens.

Je vous renvoie également à ce que j'ai écrit sur au sujet des 35 h, et des erreurs de droite et de gauche sur la question de l'organisation du travail. Mais la nouveauté de cette fin d'année 2010 est la révélation que l'Allemagne, qui nous sert pourtant de modèle, a supporté la crise par le partage du travail et le chômage partiel (avec des baisses de salaires). Même les syndicats français viennent de s'en rendre compte (comme Chérèque sur France culture le 15 décembre, sauf pour les baisses de salaires peut-être). La France avait opté pour ce que les économistes ont appelé « une préférence pour le chômage » (avec l'aval des mêmes syndicats). Le gouvernement vient justement de réaffirmer la réduction des effectifs dans la fonction publique par l'absence de remplacement des départs à la retraite, c'est-à-dire la « préférence pour le chômage des jeunes ». Une conséquence en sera d'ailleurs des pénuries de qualifications dans certains secteurs, comme on a pu le constater pour les infirmières et les médecins (professions à numerus clausus bien pratique). C'est précisément cela que le partage du travail allemand a su éviter. Mais les conseillers de Copé ne semblent pas au courant de cette réalité économique.

Copinages

Naulleau a quand même essayé de reprendre la main en soulevant la question bateau du « communautarisme » auquel aurait cédé Copé en faisant appel à la solidarité de Martin Hirsch (d'anciens fils de rescapés de la Shoah, en l'occurrence), dans l'affaire qui les opposa sur la question des conflits d'intérêts en politique. Histoire de rappeler au passage que les juifs sont des Arabes comme les autres sur la question du copinage. Les réponses de Copé ont été considérées comme un embrouillamini indigeste, au moins sur le plan stylistique, qui est, pour une fois, de la compétence de Naulleau. L'enfumage a aussi l'inconvénient de produire de l'obscurité qui passe mal sous la lumière des studios télé. Mais il était parfaitement clair, au contraire, que Copé reprochait à Hirsch à la fois, une attaque personnelle, contre son propre camp, et qui le visait lui-même, en plus. Il avait donc répliqué par une autre attaque personnelle contre Hirsch. Et on s'est aperçu à cette occasion que la rémunération des hommes politiques n'est donc plus aussi justifiée que cela quand quelqu'un comme Hirsch a la maladresse de profiter de son poste au gouvernement pour créer lui-même son emploi et d'en fixer le montant (élevé). Un amateur !

Bref, il y a des paires de baffes qui se perdent. Je me disais aussi que ce type a une tête à claques si évidente que c'est sans doute pour ça que certains ont voté pour lui parce qu'ils devaient se dire que c'était pas croyable à ce point. Et bien si ! À moins de considérer que le moyen de justification de son salaire est de nous faire rire en passant dans des émissions de divertissement (voir « Bêtisier »,ce mois-ci). Il n'est cependant pas sûr que le bilan de ce grand oral du samedi soir soit si positif pour Copé, si on excepte le simple fait d'avoir occupé l'espace médiatique à la place de quelqu'un qui aurait quelque chose d'intéressant à dire. Ce qui est finalement, peut-être, le seul objectif.

Jacques Bolo

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