Roubaix
Déjà en début d'année, à Roubaix, la décision du Quick de passer au halal n'avait pas été jugée casher par le maire qui « souhaite préserver une offre 'diversifiée' pour la restauration rapide » (Le Monde du 20 février 2010). Concrètement, cela revient simplement au maintien du Burger Strong Bacon sur la carte, car « si on vend du porc au même comptoir, alors le reste n'est plus halal ».
Le maire PS de Roubaix, M. Vandierendonck, avait paraît-il applaudi l'annonce de l'offre halal en novembre 2009 et a réagi seulement le 13 février à la révélation par la presse de la suppression du Bacon. On était surtout en plein débat sur l'identité française. Il avait donc porté plainte pour discrimination, prétendant ainsi « préserver la diversité » et jugeant « anormal qu'une enseigne nationale se focalise sur un segment ethnique ». On suppose donc qu'il va interdire les pizzerias et les restaux grecs/turcs, ou indiens. Et mon cul, c'est du poulet !
Le problème s'était déjà posé avec certaines épiceries arabes qui ne distribuaient pas de jambon. Mais comme elles tiennent essentiellement par le rayon alcool, il n'y a pas de raison de ne pas faire de porc qui est très consommé aussi. Sur ce sujet, on avait eu droit à une résistance de certains maires, dont Manuel Valls qui se faisait déjà alors remarquer sur le sujet gaullien de la défense de l'Occident chrétien et « blancos ».
Plusieurs députés UMP (Jacques Myard, Lionnel Luca...) qui avaient sans doute aussi besoin d'un peu de publicité malsaine ont estimé que cette offre de Roubaix constituait « une dérive communautariste, contraire aux principes républicains ». Jean-François Copé, chef de leur groupe parlementaire, leur a rappelé l'existence de restaurants exclusivement casher. Il est relativiste quand ça l'arrange. Mais il cadre bien le problème de stigmatisation maurrassienne de la communauté musulmane par le « corps français traditionnel » (cf. Longuet, Valls, De Gaulle, et Cie). On sait où ça commence et... on sait où ça finit.
CRS
Rebondissement inattendu, fin avril, les CRS ont appris qu'ils mangeaient de la viande halal depuis un certain temps, sans en avoir été avertis. Le syndicat Unité-SGP Police de Pondorly (Val-de-Marne) a protesté au nom des catholiques qui ne veulent plus « avaler toutes les couleuvres » (halal ?), des athées qui « ne revêtiront pas la burqa après avoir digéré avec beaucoup de mal » (les CRS athées sont vraiment délicats). On se demande qui a craché le morceau ! Sans doute l'ancien fournisseur catho (ou athée) qui ne l'a pas digéré lui non plus.
Les CRS ont l'estomac sensible a posteriori. Parce que ces policiers devraient admettre (mais ce ne sont pas des enquêteurs) qu'ils ne s'étaient pas aperçus de la différence. Ils en concluent que « manger halal, c'est payer l'impôt islamiste » à l'organisme certificateur halal qui « finance les réseaux terroristes ». Ils préfèrent payer le denier du culte du fournisseur catho ou sa BMW (allemande) s'il est athée.
Ceux qui boycottent les produits israéliens pour ce genre de raison, ont été traités d'antisémites, car ils seraient discriminatoires envers les juifs. Copé pourrait dire qu'ils n'interdisent pourtant pas de manger ou de s'approvisionner casher. Il faudrait surtout arrêter de délirer communautariste franchouillard. Il est probable que la seule raison pour laquelle la viande halal a été choisie est plus banalement son prix inférieur. Le syndicat Unité-SGP Police national s'est d'ailleurs désolidarisé de cette initiative locale.
Apéros
Après la soupe au lard pour les SDF, les racistes ont décidé de faire des « apéros saucisson et pinard » via Facebook, le vendredi 18 juin à la Goutte d'Or (Paris). On ne voit pas pourquoi ils ont cru bon de préciser « saucisson », puisque l'alcool est déjà interdit par l'islam. Le raciste est vraiment con ! Mais personne ne l'a apparemment remarqué. Ce qui est inquiétant pour la franchouillardise. Les laïcards se sont greffés là dessus. Ce qui est inquiétant pour la laïcarditude. Caroline Fourest a fait son billet dans Le Monde sur le ton du « il faut choisir avec qui on mange ». Je la soupçonne plutôt de surveiller sa ligne. Elle a un peu grossi ces derniers temps. Ça paye trop de travailler au Monde, sur France culture, et de faire des piges à la télé.
« Manières de table »
C'est vrai qu'il y a un problème. Personnellement, je suis gêné par la disparition des quiches lorraines dans la plupart des boulangeries qui passent de plus en plus sous le contrôle de boulangers musulmans (signe d'intégration s'il en est). Je suis obligé de me contenter de quiches au saumon, aux poireaux, aux épinards, etc. (diversité qui n'existait cependant pas souvent dans les années 1970). Concrètement, le véritable problème est plutôt que leur formation a sans doute lieu au Maghreb, où elle doit être moins chère, car on peut constater un changement de goût. La curiosité est qu'il s'agit d'un goût « à l'ancienne » qui n'intègre pas les évolutions qui ont eu lieu dans la pâtisserie depuis les années 1960.
Cette question de bouffe n'est pas ridicule. Beaucoup moins que la burqa qui est un phénomène marginal et provisoire. La fonction réelle des interdits alimentaires est précisément de séparer les communautés (on vient de voir que Caroline Fourest reproduit cette solution pour la bonne cause). Elles se côtoyaient sans se mélanger, sur le modèle américain ou tout simplement aristocratique. Ce sont les habitudes alimentaires et les règles de mariages qui marquaient les différences. Contrairement au discours anticommunautariste actuel, il ne faut pas oublier que la diversité raciale, ethnique, religieuse et sociale était souvent la règle avant la prégnance du délire identitaire nazi qui semble servir de cadre mental actuel. Au moins, dans l'idéal, puisque la réalité était souvent différente. Le modèle d'exclusion communautaire (et ses limites) est tout simplement Roméo et Juliette [1].
On peut penser que l'opposition à ces pratiques différentialistes est républicaine. Le fait que ce sont des racistes qui s'y opposent actuellement, même si d'autres peuvent avoir de bonnes intentions, incite à la prudence. Le problème est la capacité à penser la différence. C'est pour cela que j'ai parlé de « maurrassisme par incompétence ». Les racistes (identitaires) sont ceux qui confondent égalité et identité par le refus des différences. Ils réussissent à s'allier avec des laïcards ou marxistes qui ne comprennent pas la distinction entre égalité de droit et égalité de fait et le relativisme qui en découle.
C'est un fait que les gens sont inégaux sur de nombreux points. Et pourtant, ils sont égaux en droit. Ce n'est pas une mystification bourgeoise. C'est précisément cela la République dont beaucoup prétendent se réclamer. Dans la tradition française, l'alternative est celle 1) de l'Édit de Nantes (1598) du fédéraliste communautariste Henri IV, ou 2) de sa révocation (1685) par le centraliste césariste (républicaniste-monarchiste) Louis XIV.
Jacques Bolo
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