Selon le quotidien italien Il Giornale du jeudi 22 janvier 2009, le pape Benoît XVI va lever
l'excommunication des quatre évêques intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.
Contestant les conclusions du concile de Vatican II, Mgr Lefebvre l'avait fondé en causant un
schisme en 1988 pour avoir ordonné ces évêques, alors que cette faculté est réservée au pape.
Le précédent pape, Jean-Paul II, avait immédiatement prononcé l'excommunication.
L'objectif du nouveau pape, Benoît XVI, est de réunifier l'Église. Il avait déjà cédé aux
intégristes sur la messe en latin en 2007. Va-t-il céder aussi sur la liberté religieuse et
l'oecuménisme ? À rebours, dans un grand élan réconciliateur, le pape va-t-il revenir aussi sur
les interdictions d'enseigner de ceux qui contestent l'infaillibilité du pape, de ceux qui
généralisent l'oecuménisme à la tolérance du « pluralisme religieux », ou va-t-il réhabiliter la
théologie de la libération ?.
Benoît XVI, quand il était le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de
la foi [1], avait déjà manifesté son traditionalisme. S'il ne rétablit pas l'équilibre, les catholiques modernistes pourraient se sentir floués. Les déclarations négationnistes de l'évêque intégriste
ne risquent pas de rallier les catholiques de gauche, ni le grand public, qui ont manifesté leur
dégoût profond et leur désapprobation de la politique de Benoît XVI, perçue comme une
concession unilatérale.
Le double paradoxe de ce schisme intégriste est que les traditionalistes exigent un retour à
l'autorité du pape en désobéissant, tandis que les modernistes, voire les non-religieux,
semblent exiger l'obéissance aux changements survenus depuis Vatican II. Comme on le voit,
et comme on le sait, ces divisions correspondent à des oppositions politiques. L'affirmation
de l'unité de l'Église est une fable si elle n'enregistre pas cette réalité basique que, de toute
façon, tout le monde connaît. Et tout le monde sait que les intégristes sont des catholiques
d'extrême droite.
La véritable question est donc : est-ce que les catholiques ont aussi la liberté politique ? En
l'absence d'une réponse positive à cette question, cela signifie que ceux qui parlent d'unité
essaient simplement de circonvenir leurs coreligionnaires du camp opposé pour tenter de faire
de l'Église, selon le cas, une organisation de droite ou de gauche, d'extrême droite ou d'extrême
gauche.
Mais évidemment, répondre positivement à cette question revient justement à admettre le
pluralisme au sein de l'Église catholique. Ce qui n'est décidément pas sa démarche naturelle.
Si la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X veut constituer une tendance au sein du catholicisme,
en tolérant les autres tendances, cela revient bien à ne plus être traditionaliste. Si elle veut
soumettre l'ensemble des catholiques au traditionalisme, le catholicisme éclatera
définitivement, parce que cela n'arrivera pas. Il est clair que le mode de raisonnement des
intégristes les pousse à croire à une sorte d'intervention divine qui éclairerait miraculeusement
les brebis égarées. C'est évidemment une illusion sectaire.
La véritable cause du problème est donc la position des modernistes qui veulent maintenir le
lien, malgré tout, avec des fanatiques, par fascination pour le folklore liturgique, en
discréditant l'ensemble de leur organisation. Toute la question est de savoir si l'Église
catholique, comme le Parti communiste français, n'est plus qu'une coquille vide, incapable
d'évoluer ? N'en reste-t-il plus qu'une structure bureaucratique dont la pérennité se fonde sur
la gestion d'un patrimoine immobilier ? On conçoit que cela suscite quelques convoitises.
Jacques Bolo
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Notes
1. Voir la note dans mon article « Fin de la religion » : « Le pape Benoît XVI, quand il était gardien
du dogme, en tant que préfet pour la Congrégation de la doctrine de la foi, avait refusé ce
relativisme religieux en condamnant les tentatives de certains théologiens orientalistes
comme Dupuis, pour son livre : Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux, qui a
été rappelé à l'ordre par une série de Notifications que résument bien les suivantes :
Notification 1. Il faut croire fermement que Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, crucifié et
ressuscité, est le médiateur unique et universel du salut de toute l'humanité. [...]
Notification 6 : Il est contraire à la foi catholique de considérer les diverses religions du monde
comme des voies complémentaires à l'Église pour ce qui est du salut. Notification 7 : Selon la
doctrine catholique, les adeptes des autres religions sont eux aussi ordonnés à l'Église et sont
tous appelés à en faire partie (Rome, le 24 janvier 2001). Ce qui, nous l'avouerons, est un peu
limitatif comme dialogue interreligieux. » [Retour]
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