Un débat fondamental qui agite les médias et le tout Internet concerne cette grave question : Obama est-il noir ? On croit rêver ! Au début de sa candidature, la question s'est même posée à propos d'un magazine américain qui avait foncé un peu trop la photo d'Obama en couverture, ou d'autres qui le faisaient un peu plus clair que nature. Tout le monde semble atteint de jacksonnite aiguë.
Obama a un père noir, d'origine kenyane et une mère blanche, et il est né à Honolulu. Les puristes terminologiques disent donc : « il n'est pas noir, il est métis ». Les puristes rétros disent « il n'est pas métis, il est mulâtre », en souvenir du bon vieux temps des colonies ou de l'esclavage. Les gens très
subtils aiment les gradations. Ils se croient subtils pour cette raison. Mais c'est un domaine
ou la subtilité dépend plutôt des racistes, qui ne sont pas tous aussi subtils qu'ils le croient.
En fait, puisque la question se pose (et que, par élimination, il n'est pas asiatique), on peut dire
qu'il est noir, tout simplement parce que quand on n'est pas blanc, on est noir. Lui-même aurait coché la case « Noir » dans les statistiques, puisqu'on peut choisir plus ou moins arbitrairement sa couleur aux États-Unis (voir aussi « Lobby noir et statistiques ethniques »).
Obama précisera lui-même qu'il a eu à subir les petites vexations que subissent les Noirs. Les gens de gauche pensent qu'un Noir riche subit beaucoup moins de vexations qu'un Noir pauvre. Ils ont sans doute raison, puisqu'ils sont de gauche. Mais franchement, je me mets à la place d'un Noir riche, ça doit être encore plus vexant d'être pris pour un pauvre Noir – surtout par un Blanc pauvre (de gauche) d'ailleurs. Et apparemment, les gens de gauche ne connaissent pas le principe selon lequel il faut comparer des choses comparables (Noir riche / Blanc riche ou Noir pauvre / Blanc pauvre). Ils doivent penser qu'un Noir devrait être plus pauvre que tous les Blancs. À moins qu'ils ne soupçonnent le Noir riche de voter à droite, par solidarité de classe, alors qu'il devrait voter à gauche, par solidarité de race, mais sans communautarisme, parce que ce n'est pas bien. On commence à entrevoir le drame de l'homme noir ! On n'imagine même pas celui de l'homme noir de gauche !
Même certains Noirs américains trouvent qu'Obama n'est pas assez noir. Il le trouve même un
peu étranger : pas un « Noir de souche » en somme. Ce qui montre déjà que les Noirs sont
aussi cons que les Blancs. À moins seulement que les politiciens noirs « de souche » n'aiment
pas se faire piquer la place. Car les politiciens noirs valent bien les politiciens blancs sur ce
point. L'égalité progresse à tous les niveaux.
Mais les Noirs en question oublient un petit détail minuscule, et quasi infinitésimal. Sans jouer
les puristes, je leur rappellerai qu'ils aiment à se faire appeler « africain-américains » depuis
quelque temps. Or, précisément, Obama est de père africain et de mère américaine. Il est donc
bien africain-américain (et même plus qu'eux). C'est peut-être pour ça qu'ils ne sont pas
contents. Ils ont voulu qu'on les appelle « africain-américain » et voilà-t-y pas qu'un type se
pointe, qu'il est... ben, africain-américain justement, et qu'il se présente aux élections pour
devenir président des États-Unis. La gaffe ! Ils n'avaient pas vu venir le coup ! C'est ça le
problème avec les intellos. Ils disent un peu trop que les mots ont un sens (voir « Les mots ne sont pas si importants »)
et ils jouent un peu trop avec quand ça les arrange.
Au fait, « africain-américain », ça veut bien dire « noir » ?
Jacques Bolo
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