EXERGUE
Depuis 2005
Références / Méthodologie (Philosophie) 25.3.2007

Revel/Milner : Pensée française contre pensée allemande

Finkielkraut le Maudit (la scoumoune) (suite) + Jean-François Revel : Pourquoi des philosophes

L'échec de la pensée allemande

Au cours de l'émission Réplique de Finkielkraut sur France culture, à propos du livre de Jean-Claude Milner Les juifs de savoir, il s'est passé le scandale que l'on sait, où Milner accusait le livre de Bourdieu et Passeron d'être antisémite (voir Finkielkraut le Maudit (la scoumoune)). Mais ce dérapage final, d'ailleurs ambigu, arrivait comme un cheveu sur la soupe. Celle qui venait de nous être servie avait un goût allemand. Elle a aussi donné lieu à l'autre révélation de l'émission, bien plus fondamentale, quoique liée à la précédente.

Bizarrement, Finkielkraut et ses invités n'ont presque pas parlé des juifs. Ils ont plutôt parlé du savoir, plus particulièrement du savoir absolu et presque exclusivement de la philosophie allemande. On a eu droit à l'antienne selon laquelle on ne pense qu'en allemand : « C'est en langue allemande que le savoir absolu s'est déployé », « Le savoir a eu comme langue naturelle, natale, la langue allemande. La langue allemande est restée la langue du savoir jusqu'à très près de nous ».

Cette émission a donc mis au jour un autre secret de polichinelle. Les philosophes français et certains intellectuels, au fond, regrettent de ne pas être Allemands. Comme c'est quand même un peu gênant, Milner a trouvé le truc : nous sommes tous des juifs-de-savoir-allemands. Catherine Clément, toujours très empathique, le formulera explicitement, sans l'admettre, tout en l'admettant : «Je ne peux pas être concernée en rien par la description du juif ou de la Juive de savoir. Et pourtant, c'est comme ça que je me suis perçue en lisant ce livre. Je suis sûre que vous [Finkielkraut] aussi. Ne parlons même pas de Jean-Claude [Milner]. Forcément, c'est également son portrait qu'il fait. Et nous ne sommes pourtant pas des juifs allemands. Ce n'est pas la bonne période, ce n'est pas la bonne langue, et pourtant, il y a quelque chose qui nous concerne de très près. [...] Je ne comprends pas très bien comment j'ai pu m'identifier de si près au contenu... Alors si, parce qu'il y a une menace, parce que la menace pèse sur cette figure. Ce que Jean-Claude explique très bien. Il explique comment elle a été exterminée. Il explique comment elle a disparu. On sent bien que plane sur tout le livre une vraie menace ».

C'est sans doute le problème spécifique des intellectuels juifs contemporains. Ils ont été, en quelque sorte, anéantis intellectuellement par la négation que constitue la Shoah. C'est pour cela sans doute que règne l'idée qu'après la Shoah on ne peut plus penser comme avant [1]. Mais du point de vue du savoir absolu qui continue malgré les péripéties, la vraie question est d'expliquer la défaite de la pensée allemande. L'explication est connue. Finkielkraut en avait déjà parlé dans son livre intitulé précisément La défaite de la pensée. Il en avait pourtant bien identifié la cause : la défaite de la pensée est la défaite de l'universel. Mais il n'en a pas reconnu l'agent. C'est la défaite de la pensée allemande à penser l'universel. On voit ici la cause de cet échec secondaire. Les juifs de savoir s'identifiant à la pensée allemande comme allemande ont été rejetés comme non-allemands par cette pensée allemande non-universelle. Ils en concluent à la défaite de la pensée au lieu d'en conclure à la défaite de l'Allemagne.

C'est ce qui explique que la discussion, qui n'avait parlé des juifs (de savoir) que comme substituts de la pensée allemande, ait dérivé sur la notion d'héritage, de racines, de l'« ensouchement ». Milner avait inventé ce néologisme pour stigmatiser « les gens qui sont nés quelque part », comme aurait dit Brassens. Sa position personnelle consiste très justement à définir la culture, le savoir (absolu ou non), comme une appropriation [2] par le sujet et non comme une transmission. Son option est plus subjectiviste qu'universelle, excepté que le sujet milnérien peut être considéré comme universel du fait qu'il le traite du point de vue linguistico-formel, c'est-à-dire métaphysique [3]. Mais Milner lui-même trahit son projet en critiquant les « juifs de négation », où l'on peut reconnaître ceux qui critiquent le communautarisme juif et plus concrètement Israël, comme Edgar Morin par exemple. J'ai cependant montré qu'en critiquant l'« universel abstrait », Morin lui-même manque l'universel concret (voir mon compte-rendu). Les participants à l'émission sembleront admettre qu'il s'agit d'un « universel facile », dont Finkielkraut identifiera l'origine à saint Paul disant qu'il n'y a plus « ni juifs, ni Grecs » [4]. Cet universel est sans doute trop facile pour les juifs de savoir puisqu'ils ne sont pas devenus catholiques (katholikos = universel).

Cet échec est celui de Finkielkraut qui se livrera quant à lui à la défense du « génie français » (mettons qu'il est devenu catholique gallican). On connaît son souci de combattre le monde moderne qu'il analyse comme superficiel et technologique. Il y oppose précisément l'héritage culturel, en se fourvoyant dans l'hérédité [5] (voir Finkielkraut le Maudit (la scoumoune)) conçue comme une opposition à la critique de Bourdieu. Notons que le fond du problème est une confusion sur une confusion. Car Bourdieu ne s'opposait à l'élitisme républicain que dans la perspective marxiste de la critique de l'idéologie masquant des privilèges.

Au cours de cette émission, Catherine Clément est celle qui explicitera le mieux le problème de l'universel concret, quoique encore trop abstraitement (en s'alignant toujours empathiquement sur le mode milnérien). C'est elle qui parlera de la Déclaration universelle des droits de l'homme, du multilatéralisme issu de son expérience de l'Inde et qui dénoncera très classiquement les dangers de la notion de racines et de souche : « Le mot d'enracinement est dangereux » (pas d'empathie avec Finkielkraut sur ce point). Finkielkraut la rappellera à de plus hautes considérations que celles des contingences contemporaines : « Oui, mais qui l'utilise ?... Et si on l'utilise pour une campagne politique, c'est de manière tout à fait adventice, je crois... Je ne suis pas sûr que le problème soit là » [6]. Dit-il, de moins en moins convaincu à mesure qu'il parlait, mais sans se rétracter. Le problème est bien là au contraire. Car la menace qu'évoquait Catherine Clément ne pèse plus aujourd'hui sur... la figure du juif de savoir [7].

Pourquoi des philosophes français ?

Il se trouve que par hasard, peu après l'émission, en rangeant des étagères, j'ai décidé de relire le petit livre de Jean-François Revel, Pourquoi des philosophes ?. Avantage toujours renouvelé de la méthode comparative, ce livre m'a donné la clé du problème. Il incarne, par opposition, l'essence de la pensée française, en critiquant explicitement la confusion romantique allemande.

  • Parler de pensée française et de pensée allemande peut être considérée comme une position romantique, qui identifie une pensée à un peuple. Il est bien évident pour moi que cela constitue des types idéaux qui ne sont pas vraiment réalisés, ni permanents, ni simplement réels. C'est le problème plus général des identités culturelles. Tous les Français (ou les philosophes français) ne sont pas cartésiens, ni les Allemands, romantiques. Soit il s'agit d'une tendance, soit même d'une seule individualité, qui peut être utilisée de façon paradigmatique. Par exemple, une fois inventé le type idéal de l'intellectuel engagé, comme Voltaire à propos de l'affaire Callas, le modèle est immédiatement universel. Mais il peut être considéré comme français par commodité, bien qu'il ait pu exister avant, ailleurs, et qu'il existe désormais pour tout le monde et pour longtemps, sinon pour toujours, avec toutes les particularités locales et temporelles qu'on voudra.

Pourtant, on le sait, l'universel n'est pas un problème pour la pensée française. Elle est immédiatement universaliste, « universel facile » selon Finkielkraut-Milner, « universel abstrait » selon Morin. Chez les intellectuels, on considère généralement que c'est un problème de ne pas considérer une évidence comme un problème. Nous pouvons constater aussi que cela peut être une sorte de solution.

Scolastiques

Revel ne se fait pas le chantre de la pensée française, au contraire. « Quand on est Francais, certes, il y a beau temps qu'on ne se sent plus très fier d'être philosophe. » (Pourquoi des philosophes ?, p. 55). Mais au fond, il a tort sur ce point (parmi beaucoup d'autres). Car il oublie son propre discours. Refuser la philosophie, c'est encore philosopher, et sa critique de la philosophie, allemande en particulier, ne se revendique évidemment pas du non-sens. Ses cibles sont également les plus grands noms (Descartes, Leibniz, Kant, Heidegger...) qu'il ne craint pas d'affronter d'égal à égal. Et certaines de ses remarques judicieuses méritent d'être triées, reprises et systématisées.

On peut cependant dire qu'il est un peu trop sévère envers les philosophes et les sciences humaines. Sa question initiale « Pourquoi des philosophes ? », n'est pas rhétorique. Son livre est bien une négation radicale de la philosophie et de la scientificité des sciences humaines. Sa position fondamentale est strictement scientiste, dans le sens où il estime que les sciences modernes invalident toutes les divagations philosophiques dont il identifie assez justement certains points. Il précise aussi que la philosophie, l'épistémologie ou la théorie de la connaissance se font une image fausse de la science en régressant sans cesse à une vision condescendante. La philosophie comme régulatrice ou simple condamnation de la technique est effectivement, au mieux, un archaïsme [8]. Mais cette naïveté philosophique nous donne une première indication.

La critique par Revel de la philosophie spiritualiste toujours renaissante (en particulier après chaque avancée de l'empirisme, du matérialisme, du positivisme ou des sciences particulières) permet précisément d'identifier la philosophie comme une des variantes de la scolastique. La problématique scolastique était de distinguer ou d'unifier raison et religion (voir l'article sur le discours du Pape). Ce qu'on appelle aujourd'hui philosophie est simplement la forme laïque de l'hypothèse scolastique de la question de l'unité de la raison et de la foi. Après une période où la question se posait explicitement en ces termes, comme chez Kant, la laïcisation du vocabulaire aboutit à cette thèse de la science servante de la philosophie, comme la philosophie était ancillaire de la foi. Il suffit pour cela de laïciser ou d'universaliser le vocabulaire qui, dans la religion, échoue à résoudre la querelle des rites face au pluralisme religieux et culturel (voir la citation sur Dupuis dans le même article Raison et religion). On parlera alors de Raison, d'Esprit, d'Etre, et pour plus de modestie laïque, on enlèvera la majuscule, ce qui entretiendra de nombreuses confusions. La première confusion est de ne plus savoir que c'est de scolastique qu'il s'agit.

Sévérité excessive

La sévérité excessive de Revel est sans doute partiellement méritée quant à l'arrogance et à la falsification spiritualiste identifiée ci-dessus. Mais elle est absurde d'un point de vue méthodologique (philosophique). Sans doute est-elle motivée par les nombreuses erreurs que Revel relève dans les interminables discours des philosophes dont il ne voit pas l'intérêt [9]. Cet intérêt est au contraire celui qui justifie ses propres remarques. Ses observations constituent des éléments du débat méthodologique qu'il conteste pourtant et qu'il échoue à résoudre. Il s'agit sans doute simplement d'une question d'époque. Son livre a été publié au moment de la science victorieuse des années 1950, qui a culminé avec la conquête spatiale des premiers hommes sur la lune en 1969. Ceux qui persistaient dans leurs traditions scolastiques pouvaient paraître bien poussiéreux ou ancillaires des instituts théologiques thomistes. Le thomisme ayant achevé la scolastique pour constituer encore de nos jours la doctrine officielle de l'église catholique.

En effet, la position de Revel reviendrait, dans les sciences naturelles, à relever des erreurs dans les calculs et les exposés de mathématiciens, des négligences, des erreurs de manip, voire des fraudes, dans les expériences de physiciens et de biologistes. Mais on n'en conclurait pas que les mathématiques, la physique ou la biologie n'existent pas ! Tout son raisonnement est donc à revoir. Car sa prise en compte du travail réel de la science est plus théorique que réelle.

Alors qu'il idéalise les sciences naturelles, sa propre compétence méthodologique (philosophique) lui permet de repérer les erreurs ou les archaïsmes de la philosophie et des sciences humaines. Il est capable d'analyser les failles du travail réel et il ne se soumet pas au conformisme. Mais il choisit hélas de tout rejeter. La première fois que j'ai lu son livre, je m'étais dit qu'on aurait pu reprocher à Revel de ne pas avoir persisté dans l'université pour mettre sa lucidité au service des étudiants ou simplement du débat méthodologique interne. Il est possible que les inerties qu'il souligne rendent la chose difficile ou pénible à supporter. Il les dénoncera d'ailleurs très matérialistement comme le résultat de la sélection académique par un processus conformiste de cooptation intertextuelle [10].

Critique revélienne

Le propre de la théorie critique de Revel consiste à relever méthodiquement les nombreuses erreurs des philosophes [11]. Mais ces erreurs sont celles qu'on trouve quand on lit des textes anciens. Il a donc raison de dire que c'est le plus souvent la connaissance scientifique qui les a rendues obsolètes. Il a aussi raison de dire que reproduire ces erreurs dans des textes contemporains n'est pas très intelligent. Une raison en est sans doute la lecture des textes originaux sans distance, comme s'il s'agissait de textes contemporains (Pourquoi des philosophes, p. 167). La situation est encore plus grave. L'approche des textes originaux est envisagée aujourd'hui comme s'il s'agissait de textes sacrés : «une doctrine n'est plus un ensemble de concepts servant à comprendre le réel, mais un objet sacré auquel on rend un culte » (p. 171). La philosophie s'est tellement identifiée à la religion que les textes philosophiques eux-mêmes ont remplacé la Bible ou le Coran. L'apologétique n'a pas encore été remplacée par l'exégèse.

  • C'est l'exégèse philosophique qui reste à construire. Il faudrait envisager un enseignement des erreurs en tant que telles, de leurs causes et de leur place dans les débats de leur temps. Ce devrait être le travail de la philologie. Il semble que cette contextualisation ait pris aujourd'hui le nom de déconstruction. Cette approche issue du marxisme en conserve un peu trop la dimension 'critique critique', qui dérive souvent vers une sorte de théorie du complot idéologique (surtout chez Barthes et Foucault). A l'époque de son livre, d'ailleurs, Revel était encore marxiste et considérait le matérialisme historique comme de la science. Le fait qu'il en soit revenu montre bien les erreurs de ceux-là mêmes qui relèvent des erreurs. Ce qui est bien naturel, puisque personne n'est au-dessus des lois méthodologiques. Mais il est aussi beaucoup plus indulgent envers ses auteurs favoris qu'envers ses têtes de Turcs.

Le travail de Revel relève d'une exégèse correcte qui part des erreurs ou des impossibilités pour déconstruire les textes. On a vu que sa déconstruction aboutit à la table rase. Sa difficulté est précisément de reconnaître les différentes étapes dans le travail intellectuel des philosophes. Ce que leur reproche Revel assez légitimement est d'aboutir souvent à des trivialités toujours ressassées. Mais il pourrait admettre aussi la nécessité de modernisation du langage pour les anciens problèmes philosophiques récurrents. S'il s'oppose au spiritualisme, il pourrait admettre que les spiritualistes peuvent intégrer les connaissances de leur temps pour exprimer ou réaffirmer leurs positions. Mais on peut également rendre justice à Revel de dévoiler cette fausse nouveauté.

Les critiques de Revel constituent une ébauche de construction d'une méthodologie correcte. Son erreur est de critiquer la tentative de systématiser cette méthodologie à laquelle s'attachent malgré tout les philosophes (sans y parvenir). Il identifie une source de leur échec dans le fait que les philosophes ont trop tendance à considérer l'objectif comme réalisé a priori. Les remarques de Revel portent très légitimement sur des points précis, dont ce biais aprioriste et ses prétentions totalisantes et programmatiques illusoires : « Quand un philosophe se propose un 'programme', l'instant d'après il considère avoir réussi à l'exécuter » (p. 123) ; la trivialité des vertus dormitives ; des citations trop allusives (et inversement des renvois d'ascenseur) ; le faux universel  « qui n'est lisible que par ceux qui sont au courant du particulier [...] et perd toute signification dès que l'allusion n'est plus comprise » (p. 112) ; les fausses critiques en vase clos : « Ah ! quelle cité idéale de philosophes nous aurions, s'il était permis aux seuls kantiens de critiquer Kant, aux seuls bergsoniens de critiquer Bergson, et où nous n'aurions plus ces horribles attaques venues 'de l'extérieur' » (p. 63) ; les démonstrations tautologiques heideggériennes [12] : « Sa méthode consiste à énoncer d'abord ce qui est à prouver; puis à formuler la même idée de cinq ou six manières à peine différentes, en se bornant à juxtaposer les phrases les unes à la suite des autres. Enfin, au début de la dernière phrase du paragraphe, qui répète la première et toutes les autres, il écrit simplement le mot 'donc' » (p. 53) ; etc.

Une prise en compte de la critique est la condition des sciences. Revel a donc raison de dire que la philosophie et une bonne partie des sciences humaines ne sont pas très scientifiques. Mais il n'y a pas de raison de jeter le bébé avec l'eau du bain, comme disaient les marxistes. Il est d'ailleurs possible que sa résistance soit une simple reprise des critiques marxistes de l'époque. Ce marxisme qui se croyait alors la science ultime et indépassable et qui transparaît souvent dans ses arguments [13]. La solution consiste simplement à rétablir le débat scientifique. Ce qui a quand même été partiellement entrepris depuis cette époque, malgré les séquelles dogmatiques.

De la grâce

Bizarrement, voire ridiculement, la solution que propose Revel contre l'inexistence de la philosophie et des sciences humaines, outre le culte des grandes oeuvres, est simplement le talent ! Il est pourtant facile de percevoir que les grandes oeuvres ont simplement émergé des débats tout aussi interminables des contemporains (voir le rôle des débats dans l'article sur les cours de Michel Onfray). On peut imaginer que les oeuvres retenues par la tradition (moralistes, philosophes connus) constituent de grandes synthèses plus ou moins cohérentes pour leur temps. Revel ne s'interdit pas non plus de les critiquer selon les besoins de son argumentation. Le problème fondamental semble donc être le critère de sélection pour ne pas dépendre de l'arbitraire le plus complet.

Le critère esthétisant de talent est quand même curieux quand il s'applique aux sciences humaines : « Une analyse de Sartre, de Politzer ou de Freud doit sa valeur non pas à la 'psychologie comme science', mais au talent de leur auteur » (p. 96). Mais on sait que l'autre spécialité de Revel, outre la philosophie critique, était l'esthétique. On peut d'ailleurs encore mieux comprendre ses critiques anti-philosophiques quand elles portent spécifiquement sur ce domaine, qui suppose bien, comme il l'affirme, une connaissance de l'objet de son discours. Revel dévoile ainsi l'origine du verbiage esthétique contemporain insupportable, bonne illustration des vertus dormitives, dans cet exemple sur le cinéma (on y reconnaîtra le discours godardien par exemple) :

  • « J'ai assisté dernièrement, à la Sorbonne, à une réunion d'un 'groupe de travail'. Il y s'agissait d'esthétique, plus précisément de 'filmologie'. On se demandait quel statut ontologique il fallait donner au film non encore projeté sur l'écran, dont les images n'ont donc pas encore atteint la 'réalité écranique'. M. Souriau (dont l'esthétique et la filmologie sont le fief et hors duquel il n'est point de salut en ce domaine) introduisit le terme de 'réalité pelliculaire'. Avant d'être projetées sur l'écran, c'est-à-dire de passer de la 'réalité pelliculaire' à la 'réalité écranique', les images traversent la lentille des projecteurs. A ce niveau, elles jouissent donc d'une 'réalité lenticulaire'. Maintenant, qu'est-ce, au fond, que la projection ? C'est une marche en avant. On dira donc une promotion. Mais cette promotion se fait également de bas en haut. Il s'agit donc d'une promotion anaphorique. On peut donc considérer comme définitivement démontré par la filmologie, et grâce à M. Souriau (hors duquel il n'est point de salut dans le vaste domaine de l'esthétique) que le passage de la réalité pelliculaire à la réalité écranique par l'intermédiaire de la réalité lenticulaire constitue une authentique promotion anaphorique. » (p. 59-60)

On peut en effet analyser ce jargon comme une contrainte (une fausse analyse faussement matérialiste) qui corrompt l'esprit de nombreux étudiants s'ils veulent espérer obtenir des postes dans l'université [14]. Comme le dit Revel, ces postes leur donnent une audience et une autorité qui diffusent ces discours imbéciles au point de les rendre dominants dans l'appréciation intellectuelle des oeuvres. Mais quelle est cette contrainte ? La question du statut ontologique et la localisation à la Sorbonne donnent une indication cruciale. Il s'agit bien de scolastique qui exige de relier immédiatement tout phénomène à un statut ontologique. Cela correspond plutôt au substitut dogmatique d'une religion laïcisée qui aboutit ici à une sorte de surcodage inutile qui croit penser en se payant de mots.

Mais sa solution du talent fait régresser Revel, lui aussi, dans la scolastique. Alors qu'il énonce bien certaines méthodologies possibles, son obsession du seul résultat consacré aboutit à l'arbitraire du don, de la grâce. Le problème scolastique est ici laïcisé dans l'art. Si le statut de la création n'est pas rationnel, et si nous n'y avons pas accès, il est soumis au seul arbitraire qu'on peut bien appeler divin (d'Ibn Hazm à Descartes, voir Raison et Religion).

Toute la question scientifique en philosophie et en sciences humaines est au contraire le postulat d'une structure rationnelle connaissable. Dans mon livre Philosophie contre intelligence artificielle (disponible en ligne) j'ai déjà traité de la question de l'intelligence artificielle comme possibilité de formalisation de la connaissance. J'y critiquais les arguments de ceux qui s'y opposent. L'exemple des champions d'échec, cité par l'un d'entre eux, Hubert L. Dreyfus, peut correspondre à l'idée du talent, opposée à la force brute du programme, qui a besoin de tout expliquer. La compétence des champions est sans doute inconsciente, au moins dans la mesure où ils ne sont pas forcément capables d'expliciter eux-mêmes les règles ou heuristiques (trucs) qu'ils utilisent. Mais on peut supposer que le champion acquiert simplement des automatismes qui pourraient être formalisés. Il faut bien supposer des mécanismes intellectuels pour que tout ne repose pas sur une sorte de magie. Dire que Dieu pourrait tout changer s'il le voulait (d'Ibn Hazm à Descartes) correspond davantage aux accidents de la vie qu'à des espaces définis, spécialement comme le jeu d'échec. Inversement, la science met au jour des règles partielles, mais qui ont une valeur contraignantes pour Dieu lui-même, selon une autre thèse de la scolastique (voir encore Raison et Religion).

Frivolités françaises

Cette solution revélienne du talent peut résumer ses revirements face à ces questions scolastiques. Revel était encore partisan des explications psychanalytiques et marxistes. Il a beaucoup évolué depuis 1957 (ou 1968 pour l'édition chez Pauvert). Il a souligné aussi ses propres illusions concernant Gurdjieff, et a sans doute limité son besoin de spiritualité au domaine de l'art. Les évolutions de Revel montrent son absence de dogmatisme, mais peuvent lui faire une réputation de légèreté. Le biais de la pensée française est notoirement de ne pas être très constante [15]. On connaît la fameuse blague qui traite de cette question épistémologico-culturaliste.

  • Le problème étant de parler d'une girafe, on donne la consigne à un Allemand, un Anglais et un Français. Chacun sa méthode. L'Allemand se plonge dans la documentation pendant dix ans et rédige une somme qui constitue le point des connaissances sur le sujet. L'Anglais va sur le terrain pendant vingt ans, et envoie sans cesse de nouvelles informations. Le Français va au Jardin des plantes et fait un billet piquant qui paraît la semaine suivante dans le Figaro.

Cette blague répond à la question des styles méthodologiques en ajoutant à juste titre la pensée empirique anglaise d'enquête de terrain. Le principe même de la blague consiste d'ailleurs en une parabole (forme mythologique, biblique, juive, platonicienne) pour enseigner un principe méthodologique ou scientifique. Chaque culture a ses avantages et ses inconvénients. Les méthodes allemandes et anglaises constituent évidemment la pratique scientifique actuelle. Mais la méthode française, outre les qualités d'exposition, a un avantage que souligne bien l'humour : tout ceci n'est pas très important, n'est-ce pas ? Penser le contraire, et tous les universitaires le pensent au moins un instant et peuvent le développer avec de nombreux arguments, caractérise un manque de capacité de hiérarchisation de l'information. D'où sans doute l'absence de clarté de la pensée anglaise ou allemande [16].

La frivolité française, apparente, résout au passage la question du savoir absolu. Cette question pourrait avoir eu la première démonstration empirique de son impossibilité dans la bibliothèque de Babel de Borgès qui contenait tous les livres possibles composés par simple combinatoire des caractères [17]. Une critique de l'intelligence artificielle par Dreyfus (cf. supra) était précisément l'impossibilité d'un temps de calcul infini de la machine. Or l'être humain a la même contrainte (la réciprocité des arguments était une des bases de ma réfutation des adversaires de l'IA). Le savoir empirique anglais n'est jamais fini, sa sommation allemande est donc impossible, le seul savoir humain possible est donc le savoir français, celui de l'honnête homme de la tradition classique [18]. CQFD.

Clarté française

La solution au problème de Revel est pourtant plus simple qu'il n'y paraît. Quand Revel parle de talent, il s'agit en fait de clarté. La fameuse clarté française. Quand on parle de clarté, on la confond souvent avec ce que les littéraires appellent la « belle langue ». Mais la clarté n'est pas simplement une question de syntaxe, de forme ou de ses dérives formalistes. Il peut simplement s'agir d'une question de contenu, d'adéquation de la forme au contenu, d'objectivité. Pour renouveler la peinture, il a suffi, à plusieurs reprises, d'abandonner simplement les sujets nobles, portraits des grands personnages ou sujets mythologiques, en peignant des bourgeois, des paysages ou des pauvres. Le formalisme pictural abstrait peut même être considéré comme un art naïf d'intellectuels complexés (comme les philosophes) par les succès et le prestige des sciences naturelles et formelles. Je ne conteste pas que le résultat puisse être intéressant. « Anything goes », comme dirait Paul Feyerabend dans son livre, Contre la méthode. Toute connaissance part d'un acquis (méthode allemande), le contrôle ou l'enrichit empiriquement (méthode anglaise) et présente une nouvelle synthèse, de préférence de manière lisible (méthode française). Un autre ordre n'a pas de sens.

En philosophie, en sciences humaines, la question de la clarté devient surtout celle de l'exotérisme contre l'ésotérisme qui a un rapport direct avec les émissions d'Alain Finkielkraut. L'ésotérisme scientifique n'a pas strictement de vocation sélective. Il suffit d'apprendre (plus ou moins facilement) pour maîtriser le domaine. Ceux qui le maîtrisent n'avaient pas forcément des facilités assimilables au génie (l'essentialisation est d'ailleurs contradictoire avec la valeur travail). Le goût milnérien pour toujours plus de formalisme (scolastique talmudique aujourd'hui, après avoir été chomskyen), goût qui règne ridiculement dans les sciences humaines, se trouve contredit magistralement dans l'émission de Finkielkraut. La justesse sur le fond des vues milnériennes échoue à convaincre pour des questions de forme qui le conduisent au dérapage final. Notons que Bourdieu lui-même régressera à l'ésotérisme contre l'exotérisme du savoir sociologique universaliste, comme je le montre dans mon article Bourdieu sociologue de la connaissance.

Si le Freud qui a tant impressionné Revel a eu plus de succès que Lacan, c'est sans doute parce qu'il a apporté des informations, mais aussi parce qu'il est plus lisible. Quant à la littérature et la philosophie française, depuis l'après guerre mondiale, elles s'égarent toujours plus, comme Revel le montre (pp. 125-140) à propos de Lacan au congrès de Rome en 1953, dans des recherches formalistes et heideggerolâtres. C'est ce qu'on pourrait appeler le principe Otto Abetz (1903-1958, ambassadeur allemand en France pendant l'Occupation, réputé francophile). Apparemment, quand il s'agit de coucher avec les Allemands, Finkielkraut est pour le métissage (voir ce mot dans L'idéal de la mauvaise traduction). La question de l'universalisme et de la rationalité peut converger dans le statut de l'intellectuel sans attaches ni racines [sans racisme] de Mannheim, qui désignait aussi accessoirement jadis les juifs de savoir.

  • Revel s'attaquera également à la sociologie et à l'ethnologie. Il accusera l'ethnologie en général et Lévi-Strauss en particulier de produire des explications trop abstraites qui aboutissent à une compréhension anhistorique (remarques où se manifestera le poids de la théorie marxiste) qui rabat bizarrement les sociétés modernes sur une analogie avec les sociétés archaïques.

Il est également un autre sens de l'absence de formalisme qui a un lien direct avec les qualités d'exposition. Comme on vient de le voir, il ne faut pas se priver d'utiliser des analogies, des blagues, qui sont porteuses de sens et correspondent davantage à l'exposé oral, par opposition à l'écrit souvent trop formel. L'oral relève directement de la relation personnelle directe, la conversation, chère aux phénoménologistes (et à Finkielkraut), alors que l'écrit conduit aux solutions métaphysiques, d'une abstraction souvent mal maîtrisée (souvent par simple facilité graphique : abréviations, etc. [19]). Remarquons que cette question devrait opposer phénoménologie et métaphysique. La non-résolution de ce problème (entre autres) pourrait expliquer les confusions de Finkielkraut.

C'est avant tout cette nécessité de clarté qu'il faut aussi comprendre dans la critique de Revel : « On pourrait adresser à Heidegger la menace que Kierkegaard brandissait déjà à l'intention de Hegel : 'Envoyer un jeune homme lui demander des conseils' ». [20]. Je n'en regrette que davantage de ne pas avoir eu Revel (ou Kierkegaard), comme professeur, plutôt que Milner [21] ou Finkielkraut. Mais sans doute est-ce parce que Revel ou Kierkegaard sont des philosophes, alors que Hegel, Milner ou Finkielkraut ne sont que des professeurs.

Jacques Bolo

Bibliographie

Jean-François REVEL : Pourquoi des philosophes

Paul Feyerabend, Contre la méthode

Vincent DELECROIX : Singulière philosophie : Essai sur Kierkegaard


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Voir aussi :

Notes

1. Bizarrement d'ailleurs, cette pensée essentialiste consiste précisément à penser comme avant la Shoah. Comme si elle n'avait pas été la conséquence de ces mêmes idées. Le fait qu'on ne s'en rende apparemment pas compte souligne bien un problème de ce type de pensée. [Retour]

2. Sur ce thème de l'appropriation, assez ignoré en France, au point sans doute que Milner croit devoir inventer ces rationalisations laborieuses, voir mon article Comment doit-on enseigner ?[Retour]

3. Milner : « Ce qu'il y a de plus intéressant [dans l'héritage] , c'est qu'on pouvait le faire sien, c'est-à-dire commencer par considérer que ce n'était pas sien. [...] L'ensouché est celui qui commence par dire : 'Il y a quelque chose qui est mien'. [...] Le premier geste est de dire : 'Rien n'est mien', 'Je'. Et 'je' n'est pas une possession »[Retour]

4. Un joli lapsus à cette occasion : Finkielkraut bafouillera d'abord : « ni juifs, ni N...Nègres » avant de se reprendre. Ses invités, pourtant lacaniens ou amateurs de psychanalyse, auront la politesse de ne pas le relever. Jésus aurait dit que Pierre l'aurait renié trois fois avant le coucher du soleil. Ça fait une (chacun). D'autres fois suivront, toujours par politesse académique, à propos de l'affaire Bourdieu (voir Finkielkraut le Maudit (la scoumoune)). [Retour]

5. Finkielkraut : « La bourgeoisie cultivée, ce qui est sien, elle est attachée à le transmettre... aux siens ». Sans droits de succession de préférence. [Retour]

6. Les traditions intellectuelles de gauche sont sans doute trop enracinées dans la culture au point d'en devenir politiquement correcte. Sur ce point au moins, il faut de la nouveauté à Finkielkraut. Nous avons vu ce qu'il en était note 1. [Retour]

7. Finkielkraut finira son émission sur un rectificatif où il répondra à un précédent invité qui l'avait traité de menteur à propos de l'affaire des jeunes électrocutés dans un transformateur qui avait déclenché les émeutes de 2005. Finkielkraut les avait accusés d'être des voleurs, comme dans la première version de la police. Il déclarera ici que l'IGS (police des polices) l'a confirmé, même si les avocats des jeunes le contestent. Au lieu de se limiter à cette opposition, il justifiera sa position par une récusation du doute systématique de la version de la police au nom de sa propre expérience de gauchiste qui avait confondu la police du préfet Grimaud avec celle de Bousquet. Il ajoutera : « Cela ne fait pas de moi un menteur. Sauf à qualifier ainsi tous ceux qui rapportent des faits ou avancent des hypothèses désagréables politiquement insolentes, réfractaires aux diktats de l'idéologie. En sommes-nous là ? » [voir note 6].
On peut lui faire remarquer qu'il n'a pas beaucoup changé depuis qu'il était jeune en ce qui concerne la capacité d'analyse et d'auto-justification. Le préfet Grimaud était celui qui disait aux policiers (le 29.5.68) « Frapper un manifestant tombé à terre c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ». C'était une autre époque. Alors que ceux qui ne croient pas la version de la police considèrent qu'elle correspond plutôt à celle des ratonnades couvertes par le préfet Papon. Nous en sommes là. [Retour]

8. N'oublions pas que des étudiants qui partent de ce principe ne peuvent à peu près rien comprendre de sciences qu'ils ne connaissent pas. Au final, on aboutit bien aux professeurs qui reproduisent cette litanie méprisante et risible. Revel, critiquant cette vision rectrice, dira : « La philosophie de notre époque est la tentative désespérée pour dissimuler, et se dissimuler, la désagrégation de cette conception. » (p. 163). Et proposera tout simplement l'abandon du terme philosophie (p. 162). [Retour]

9. Je note dans mon livre, Philosophie contre intelligence artificielle, qu'un informaticien comme Jacques Pitrat remarque au contraire la nécessité d'époque des débats jugés inutiles plus tard : « Dans quelques générations, quand l'IA aura atteint ses buts, nos successeurs ne comprendront pas l'intérêt de nos écrits ; ils penseront que nous ne disions que des banalités, que nos papiers n'étaient qu'un tissu de lieux communs. En lisant des ouvrages comme celui-ci, ils se rendront compte que ces lieux communs n'étaient pas si évidents puisque des esprits compétents, cultivés, qui cherchent sincèrement à y voir plus clair, ont eu de la peine à les admettre. » (Jacques Pitrat, 'Discussion' in Dreyfus, p. 439). Nul n'est méthodologiquement incorrect volontairement. [Retour]

10. « Les considérations de carrière, le système de la cooptation, la dépendance absolue à l'égard de mandarins tout puissants, bornent en France la philosophie à une certaine médiocrité dans les sujets et dans la manière de les traiter. D'autre part, ce même monopole explique seul le fait matériel de la publication de certains ouvrages ». (p. 58). [Retour]

11. Au fond, je m'aperçois que j'ai utilisé sa méthode dans mon livre Philosophie contre intelligence artificielle[Retour]

12. Il n'est que trop évident que la pensée de Heidegger, et la pensée allemande en général, n'est pas vraiment sortie de la problématique scolastique. Le peut-on d'ailleurs ? [Retour]

13. Certains éléments de la critique marxiste sont évidemment à considérer et à reprendre. Notons que le dogmatisme du marxisme le rapproche également de la scolastique sur la question de l'autorité. Un peu comme si les nominalistes avaient eu alors l'autorité temporelle de l'appareil bureaucratique religieux. [Retour]

14. Dans un autre article je parlais de machine à apprendre à raconter des conneries (voir L'idéal de la mauvaise traduction[Retour]

15. Les enthousiasmes successifs des intellectuels français peuvent relever du garaudisme (voir Est-ce qu'on peut dire une connerie ?) où l'on a besoin de croire aux hypothèses qu'on envisage. [Retour]

16. Il suffit de comparer une carte anglaise (avec trop de détails non hiérarchisés) et une carte française. (Les sites internet en anglais aussi sont souvent plus touffus). [Retour]

17. Le nombre de livres de 200 pages de 1500 signes (pour une trentaine de caractères et ponctuation du français) serait de 2,3 x 10443100 environ (2 suivi de 400.000 zéros). Pour un paragraphe courant de 1000 caractères, qui suffirait, puisque les autres ne seraient que des répétitions de la combinatoire, on obtient 1,3 x 101477 possibilités (1 suivi de 1477 zéros). Evidemment, dans la plupart des cas, ces textes n'ont pas de sens ou ne présentent que de légères variantes (d'où la nécessité d'introduire des contraintes sémantiques, comme je l'avais évoqué). [Retour]

18. Le savoir du spécialiste n'est qu'un instrument possible, mais ne peut pas être exigible. Il correspond à la division du travail qui est une autre question (que je traiterai une autre fois). Il n'a pas plus de valeur épistémologique que celui d'une quelconque marotte plus ou moins (dé)valorisée (collectionner les timbres, herboriser, faire du sport, etc.). Chacune pouvant donner lieu d'ailleurs à tous les niveaux de compétence : l'indifférent, le curieux, l'amateur, jusqu'à la professionnalisation. [Retour]

19. Dans mon livre, Philosophie contre intelligence artificielle, j'ai également noté que, dans les méthodes de conception de base de données (comme la méthode MERISE), le niveau conceptuel s'obtient simplement par la suppression des lieux et du temps du niveau organisationnel. Comme le niveau organisationnel insiste sur l'action située, la phénoménologie pourrait y trouver son compte (ou être considérée comme faisant de l'organisationnel sans le savoir). [Retour]

20. Revel ajoutera, badin : « Mais arrêtons ; il est facile de dauber. Reconnaissons que la vie des heideggériens n'est pas toujours drôle. Car il est pénible d'adhérer à une philosophie tout entière fondée sur le dépassement de l'ontique dans l'ontologique, et qui ne dit rien sur ce que c'est que l'ontologique. C'est ce qui explique qu'en attendant la publication du second volume de Sein und Zeit, les heideggériens soient si faciles à froisser qu'il semble toujours qu'on l'ait fait avant même d'avoir ouvert la bouche. » (p. 50-51). Revel est bien la meilleure illustration du gai savoir que nous ayons ! [Retour]

21. Voir la note 1 de l'article Comment doit-on enseigner ? [Retour]

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